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SAYNÈTES
ST
MONOLOGUES
DEUXIÈME SÉRIB
V. 4UBB4V* — > IMP. DB LâQMT*
nOtlTELLB EDITION
SAYNÈTE S^ ,
MONOLOGUES
TH. Dl BA5VILLK, CHADVIH, CH. GKOS,
.DURANDBAn, P. PSRRtSB, J. QUILLIHOT, k. lOUHAUB,
I. DB MAHTHOLD, G. AADAUD,
J. HORMANS, aBOROB-BICHARI), A. SILYISTBB.
L. SnPXBSAG.
DEUXIÈME SÉRIE
PARIS
TRESSE. ÉDITEUR
■AiEntB DU tbéatrb-fhançais
ANCIEN PIERROT
MONOLOGUE
PAR
M. THÉODORE DE BANYILLB
11.
ANCIEN PIERROT
eef mm ami CofvWtit cadet.
Hommes hidcfex, et tocb dont Amour fait sa gloire,
Femmes I je vous dirai ma déplorable histoire.
J'étais Pierrot. — Gomment I Pierrot? — liais oui. Pierrot
J'étais Pierrot. Voler au rôtisseur «on rôt.
Dérober des poissons aux dames de la Halle
Tout en les fascinant d'un œil tragique et pâle,
Boire, manger, donnir, tels étaient mes destins,
Et je goûtais l'ivresse éuorme des festins!
Plus blanc que rayalenctie et que l'aile des cygnes,
rétais spirituel et je parlais par signes.
Avec mon mattre, vieux et sinistre coquin,
Nous poursuivions dans les campagnes Arlequin
Et sa délicieuse amante Golombine.
Mais dès que je levais contre eux ma carabine,
Sur un Qeuve brillant eomme le diamaut
Ils s'enfuyaient dans des nefs d'or. C'était cfaermant.
Nous nous rencontrions parfois. Moins doux qu'Arbate,
J'assommais Arlequin avec sa propre batte.
Golombine, fuyant la cage et le réseau,
M'effleurait, en son vol tremblant, comme un oiseau;
Je prodiguais, parmi les cris et les tumultes,
A Cassandre ébloui, des coups de pied occultes;
4 ANCIEN PIERROT
Jd riflii:$, et la fée Azurine parfois,
A l'heure où le soleil teint de pourpre les bok>
Faisait jaillir pour moi, parmi les fleurs écloses,
Oes pâtés de lapin dans les buissons de roses!
Ohl la fée Azurine 1 Un jour, — ô mon pinceau.
Reste chaste! — sur Therbe, auprès d'un clair ruisseau,
Je la surpris dormant, sa poitrine de neige
A découvert. J'étais Pierrot. Que vous dirai-je?
Sur ces lys — un malheur esl si vite arrivé I —
Je mis ma lèvre, hélas I Puis je récidivai
Trois fois. J'étais Pierrot. Mais la Fée adorable
S'éveilla toute rouge, et me dit : Misérable,
Deviens homme! Aussitôt ^ prodige horrible à voir! »
Je sentis sur mon dos pousser un habit noir.
Comme si j'eusse été Français, Tartare ou Kurde,
11 me vint des cheveux, cette parure absurde ;
Sur mon front je sentis passer le badigeon
Qui rougit Técrevisse, et comme le pigeon
Qui chante lorsqu'il frit dans une casserole.
J'eus cette inGrmité slupide, la parole.
Oui, je parle à présent. Je fume des londrës.
Tout comme Bossuet et comme Gil-Pérès,
J'ai des transitions plus grosses que des câbles,
Et je dis ma pensée au moyen des vocables.
Tels s'enfuirent ma joie et mon bonheur perdu.
Mais, dis-je à la cruelle Azurine, éperdu,
Souffrirai-je longtemps cette angoisse mortelle?
Redeviendrai-je pas Pierrot? — Si, me dit^elle.
Jd ne veux pas la mort du pécheur. Quand les vers
Se vendront; quand disant : Les raisins sont trop verts!
Le baron de Rotschild, abandonnant le mythe
De Tor, embrassera la carrière d'ermite;
Lorsque les fabuleux académiciens
Ne mettront plus d'abat-jour verts; quand les anciens
Romantiques, trouvant Hemani par trop raide.
Pâmeront de bonheur sur les vers de Tancréde;
ANCIEN PIERROT
Quand on ne verra plus, chez les Tores, le vislr
Étrangler des sultans; quand suivant sans plaisir
Les nympUes aux cheveux maïs, faisant fl d'elles,
Tous les maris seront à leurs femmes fidèles ;
Quand la flûte prendra la place des tambours;
Lor^çjue enûn les bourgeois, ces habitants des bourgs
Qui, dans l'Espagne en feu comme dans le Hanovre,
Furent extasiés par Le Convoi du Pauvre,
Aimeront Delacroix et les ciels de Corot,
Toi, tu redeviendras Pierrot. — Grands dieux! Pierrot!
Je serai de nouveau Pierrot, fée Âzurine I
Griai-je, et cette fois, au lieu de sa poitrine
Je baisai sa chaussure, et mis ma lèvre sur
Le pan resplendissant de sa robe d'azur !
À présent, me voilà rassuré. Plus de chutes.
Les soldats voudront bien marcher au son des flûtes :
Pourquoi pas? Tout va bien. Je sens pâlir ma chair.
Les vers, à ce qu'on dit, vont se vendre très-cher —
Dans trois jours. Le baron de Rotschild, je raccorde^
N'a pas encore pris la bure et ceint la corde;
Mais nous avons tous nos projets. Il a les siens.
Nos seigneurs, messieurs les académiciens.
Pareils à de vieux Dieux dans leur caverne noire,
Ornent encor d'abat-jour verts leurs fronts d'ivoire;
Mais on doit en nommer de jeunes, ce mois-ci.
Les romantiques, peuple en sa faute endurci,
Jusqu'ici ne sont pas accourus à notre aide;
Mais ils diront bientôt : La flamme est dans Tancréde^
Et quant à Hemani, ce n'est qu'un feu grégeois. —
Delacroix et Gorot prennent chez les bourgeois.
Positivement. L'art dans leurs locaux motive
Les éclairs du Progrès, cette locomotive.
Les cocottes, Souris, Ghiffonnette et Lais
Renoncent aux cheveux beurre frais et maïs;
Depuis lors, moins friands de leurs épithalames,
Beaucoup de maris sont fidèles à leurs femmes.
^ ANCIEN PISRROT
Donc en dépit da mal qne m'a fait l'archeiot
Amour, je vais bientôt redevenir Pierrot I
mes aïeux 1 ce noir habit va disparaître
De mon dos frémissant; de nouveau je vais être
Muet comme une oarpe, et je ferai des sauts —
De carpe également» pour étonner les sots.
Oui, ta prédiction s'accomplit, Âzurinei
Mon teint moins agité prend des tons de farine;
Je suis comme tous les ténors, Je peids ma voix;
Et je ris déjà comme un bossu, quand je yon
Pâlir mon nez, pareil à celui de la lune.
Les femmes accourront. — Qu'il est beau ! dira Tune,
Et j'aurai des effets de neige sur mon front.
Et lorsque les petits enfants apercevront
Mon visage embelli d'une blancheur suprême,
1 i diront : J'en veux. Cost de la tarte à la crêmel.
FIN DB AMoam rnoBcnr.
LA
VEILLE DU MARIAGE
MONOLOGUE
PAR
M. JULES DE MARTHOLD
PERSONNAGE
ELLI H^^* REIGHEMBERG.
LA VEILLE DU MARIAGE
0# Mademoiselle ^Heichemberg, de la Comédie-Française.
Cfatabr* d» jeune fiUe. — An fend, petit lit (boie p«int en kUne tTee fileto biens)
et grandi rideanx blanet et Ueof . — Un eincifiz an fend. — A gnnehe, denzièm*
plan, porte : premier plan, eheminée aree pendnle. — A droite, deuxième plan,
petit bnrean aree une papeterie deisnt : premier plan, fenêtre dont les grands
rideanx, blanes et biens, sont fermés. — An pied dn lit, prie-dien; à la tète,
petite table. — A droite, en seène, non loin de la fenêtre, poof près d'une tabla
où se tronre nne eorbeiUe de mariage. — A gaoebe, snr denx ebaises se feisant
Tis-à-ris, «ne toilette de mariée étendue aree couronne de ieura d'oranger poiée
dessus.
SCÈNE UNIQUE
ELLE.
Entre Tirementi une lampe à la mrin| par la porte de gauche
et, la tenant ouverte, parle à la cantonade.
Oui, maman, je vais me coucher tout de suite; tout de
suite, tout de suiti), sois tranquille... et je Tais dormir...
dormir !.. Bonsoir, petite mère chérie, à demain, (sue eoToie
un beiser, ferme la porfs et demeure un instant immobile.) Me COUCher...
dormir... À demain... (Tout en allant peser la lampe près de son Ut.)
II. *•
«0 LA VEILLE DU MARIAGE
Me coucher, soit, mais... dormir..., je n'en réponds pas...
(uofoupir.) I^emainl.. C'est demain que j'épouse monsieur de...
(Se reprenaat et familièrement.) Henri, mOU fiaUCé. ~« Mariée, mol.
Qui est-ce qui aurait pu s'attendre à cela? Gomme ça va tout
changer dans la maison. — Je vais avoir un mari, est-ce
drôlel un monsieur qui va m'appelèrSa femme... et qui me
dira : Tu. — Il n'y avait que papa et maman qui me disaient
Tu... Ahl et puis mon oncle... Et demain... — Et lui, il
faudra que je le tutoyé? Ohl je n'oserai jamais... la première
fois. — Je lui dis monsieur, dans ce moment-ci... et il me
ÛH mademoiselle... — Ma cousine Henriette, elle, n'a tutoyé
«on mari que le onzième jour... Et pourtant, elle n'est pas
timide; elle a toujours eu les prix de gymnastique, au cou-
vent... — On m'appellera madame... comme maman. Ohl
ça me flattera... énormément, je l'avoue. Je sens que je
deviens toute rouge, rien qu'à l'idée... (se Miiunt pour uan dire.)
Madame... — Madame, quand on me parlera, mes amies de
pension, les messieurs, tout le monde; madame, quand on
parlera de moi; madame, quand on m'écrira... Oh! la pre-
mière lettre que je reçois avec madame sur l'enveloppe, je
la conserve, je la mets dans ma papeterie, mon reliquaire,
(▲rrangaani u kmpe.) Qu'a douc Cette lampe, cllo u'éclaire pas.
(Ayant prie sa papeterie et en tirant one grande lettre double.) J'ai priS UUO
de nos lettres de faire-part, sans rien dire, et... la voilà.
(Lisant entre les dente.) c Mousieur et madame X** Ont l'honneur de
vous faire part du mariage de mademoiselle... » (s'arrèunt.)
Mademoiselle! Enfin, heureusement, je n'en ai plus pour
longtemps à m'entendre toujours appeler comme ça... Ma-
demoiselle, mademoiselle, c'est très-gentil, dans les com-
mencements, quand on cesse de vous appeler « Ma petite
fille » ou € Mon enfant » ou « Fillette, » même... Fillettel
U venait un vieux monsieur, autrefois, à la maison, qui avait
la rage de m'appeler Fillette ; je le détestais! Pauvre homme,
il est mort... Je l'aimais bien. — Gomme c'est malh6iu*ecx
pour lui d'être mort; il aurait été là, demain, il m'aurait
appelée madame; je suis sûre que ça lui aurait fait plaisir.
hl TSILLB OU MARIAGE 11
(Peut Mspir.) Ab I Qa Qous aorait fait plaisir à tous les deux.
(Tirwi oo pa|iHr d» ■ap«p«i«i9.) MoQ biUet de coufessiOD» pouT de*
main.,, [tinait m «Mr» pcfior ta iîmi.)- Ab 1 et le fameax problème
que je n'ai jamaie pu arriver à débrouiller... J'ai été la vingt-
huitième... sur Yingt-buit, je me rappelle. Et je m'étais
donné un mal, pourtant! S'estH)n assez moipié de moil
<Lu«it.; « Si un seul homme met deux jours à abattre un
» arbre, combien faudra-<t-il d'arbres pour occuper sii cent
» vingt hommes pendant trente-trois jours? » — On m'a
expliqué que c'était très-simple» après» mais les ebiffres et
moi... Ahl je l'ai annoncé à mon m... (s'urètant «mvi» p«k) à
mon mari, je peux bien le dire» il le sera demain et je suis
toute seule ; je le lui ai dit : -— C'est vous qui compterez
parce que moi, en £siit de calculs, je ne sais que me trom-
per, (s* papetm* posé»» etniidénuit «t mU de mwUge.) Je UO me SUlS
jamais mise en blanc que le jour de ma première commu-
nion» demain ce sera la seconde fois. Ab ! je me suis mise en
blanc pour aller au bal, au concert» au théâtre, mais ^a ne
compte pas, j'avais des rubans bleus plein ma robe. — Ça
me Ta très-bien, le blanc, quoique madame d'Arqueney-
Joyeuse prétende que le blanc n'aille qu'aux brunes... parce
qu'elle est brune. — Mon bouquet. (s« tuMot «o-dMiof in inot u
eourow* éê Amu d'orao^^r.) Ebl bien» jc suls bloudo... Est-ce
que ce bouquet-là ne me va pas à ravir? (l« ngwdMit. atm «n
grand MMtineiit d« tariMité.) Pourquoi... metrou de la fleur d'oran-
ger aux jeunes mariées? Je ne sais pas. Enfin, c'esti'usage...
quand on se marie pour la première fois... car madame de
Tcelles n'en avait pas» elle, quand elle a épousé le capitaine
de Branjac.^ en secondes noces, (atm qq «Mte d'isuiMiiM dM dm»
«laits, aiitM ka danta.) Je uo sais pas... il doit y avolr une rai-
son» mais... (a aa lanpe.) Allous, bou, elle charbonne» mahi-
tenant. Lampion» val (Apcte «n tampa, paatîTa.) Je vais dire oui»
demain. — Oui? — Il y a trente-six manières de dire oui...
On dit oui maman, oui papa, oui monsieur... — Oui, avec
non» c'est un des mots qu'on prononce le plus... Et encore,
non, on le dit beaucoup moins, on n'ose pas.., tandis que
12 LA VEILLE OU MARIAGE
oui!.. — Ehl bien, c'est drôle, ce oui-là — le oui de de-
main — je ne sais pas pourquoi, mais il m'embarrasse. —
Comment ferais-je pour le dire? Gomment faut-il... le dire?
Pas trop baut... Obi non, dans une église... Et pas trop bas
non plus, je voudrais qu'on l'entende... un peu, pas tout le
monde mais les plus rapprochés... — Voyons donc : on est
debout, (sue te lèfe.) Là... Maintenant, devant soi, l'autel... et
le prôtre... — Oh I je serai intimidée, je le sens... — Tiens,
une idéel je fermerai les yeux. Gomme cela, j'aurai moins
peur, (imitaat la ton de demi-Toiz étemte da prAtre et entre les denU.I
» Monsieur"^*^ consentez- vous à prendre pour épouse made-
moiselle*^* ici présente? » — Oh! lui! Lui répondra fran-
chement : Oui I Je l'entends d'ici, avec sa belle voix, grave
et douce, (iiâme jeu.) « Mademoiselle***, consentez-vous à
prendre pour époux monsieur*** ici présent? » (Fermant les
yeux.] Âh I les yeux! (Slle fait entendre la moitté d'an oui étranglé.) OUÎ...
(Dépitée.) Âh I ce n'est pas ça du tout, je n'y suis pas, j'ai perdu
le diapason ! — Autrement : En récitant les paroles du prêtre,
tout bas, en moi-même, je n'aurai qu'à répondre. — Pour
lui : (Elle dit des lèvres les paroles da prêtre et d'one toIz sonore.) Oui I *—
Pour moi : (Même jea, mais d'ane roiz flaetU.) Oui. (Aree hamenr.) PaS
cela I ce n'est pas une voixl (virement, tou soarde.) Ouil — Non
plus, j'ai l'air d'avouer un crime. (Toat Us, toIz simante.) Oui. —
Heut Encore plus mauvais! (Hambie.) Oui. — On dirait que
j'ai peur d'être battue. (Allongeant le mot sar ri.) Oui. (Répétant son
intonation eomme poor se moqaer d'elle-même.) Oui. — - Ah çà ! je dés-
apprendsl (un temps.) Ah 1 c'est très- difficile. Ça n'a l'air de
rien, trois lettres, de simples voyelles, 0-U-I; ça parait
simple comme bonjour... et c'est très-compliqué. — Si j'avais
pensé a cela plus tôt, encore, il y a quinze jours, il y a huit
jours, je me serais isxercée, j'aurais travaillé..., mais main-
tenant!... Allez donc entreprendre des études!... (Frappant du
pied.) Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui! — Ohl je vais le dire
mal, je vais le dire bêtement..., je suis furieuse ! Et c'est qu'il
faut le dire, le prononcer, tout haut, tout entier, (soapir d'op.
pression.) Ohl jo voudrais déjà que ce soit fait 1 Jusque-là, je
LA VEILLE DU MARIAGE 13
ne vais penser qa'à cela et c'est capable de me gâter tout
mon bonheur. — Hum! Après tout, toutes mes amies qui se
sont mariées s'en sont tirées, je m'en tirerai bien aussi. —
Et puis> il y a l'inspiration du moment, le courage de h
peur, comme on dit. D'ailleurs, quand je le manquerais, du
moment que je le pense... (Atm élan, k main mr le ewir.) Âh I et
je le pense bien. (iMt-Iarge.) Ouil (S« saîtitMnt anr la Tlf at répélant.)
Ouil... Voilà, très-bien, parfait... (Hoduut la téta.) Oui, mais,
demain, je ne serai plus ici, toute seule... Enfin 1 — Si
j'osais, je demanderais bien à maman comment elle a fait,
ce jour^à... Mais non, elle se moquerait de mci... Et puis,
je n'oserais pas... et puis, elle a peut-être oublié... ou elle
n'y a peut-être pas fait attention ; elle ne s'en est peut-être
pas aperçue, seulement... C'est vrai, il y a des choses, très-
importantes, qu'on dit... presque machinalement, (un conp.
sonna à U pendola.) HclU? Qu'CSt-CO qUO Ç'OSt qUO Ça? — TrOtS
heures et demiel Ce n'est pas possible?... Si... ~ Au fait,
nous avons parlé, maman et moi, et je suis rentrée dans
ma chambre très-tard, à une heure passée... — Alors, il y
a deux heures et plus que je suis là, à bavarder.. . , sans m'en
apercevoir, (se répétant.) presque machinalement. — Il faut
que je me couche, et bien vite. Je ne m'étonne plus, main-
tenant, que la lampe. •• (la remontant à nonraan.) PaUVrO lampe,
je vais te quitter... Ma chambre me fait un drôle d'effet, ce
soir, les meubles, tout I... Je les regarde et j'ai comme envie
de pleurer... en les regardant ; il me semble que je vais
partir en voyage... bien loin... Ça sent l'adieu, ici. -—On
dirait que tout ça n'est déjà plus que des souvenirs... (Apre»
on temps asseï long où aile est restée très-absorbée.) MaiS..., C'CSt trèS*
joli. Le voyage autour de ma chambrey très-joli. Je m'en
aperçois maintenant... Quand je l'ai lu, je n'avais pas fait
attention, mais... — Oui, c'est très-important, les petites
choses, plus important que les grandes... parce que, ça ar-
rive tous les jours et que..., en définitive, tous les jours»
c'est la vie. — Oh! voyons, je ne me couche pas, c'est in-
sensé; si maman me voyait! (sue été sa eelntare, pals sa falsaot ma
i4 LA VEILLE DU MA.RIAGE
TATN d'MA iMfAe.) J'ai 6001016 une fièyre, je sois tout inquiète,
toute drôle... Ehl c'est cette nuit blanche!... — Non, c'est
autre chose 1... Je voudrais que maman soit encore là, avec
moi, à parler; ça me rassurerait. — Elle dort. -* Peut-être?
^ Je Tai vue pleurer, ce matin... Je vais la quitter... h la
verrai tous les jours, à chaque instant, mais enfin, ce ne
sera plus la même chose. Pour être ici, il faudra 4ue j'y
vienne 1 — C'est encore bien plus sérieux que ça n'en a l'air,
se marier... C'est comme Le voyage autour de ma chambre,..
C'est très-sérieux, oui; très, très-sérieux... (EUe est remontée et
tombée alpenoidllée va le jHW-diea, U tête dans lae deux maias. Après un très,
long MleiMe, signe de ereu naet, pois :) ec Je VOUS SalUO, Marie, pleine
» de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre
» toutes les femmes et Jésus... (un tuaps.) Jésus... » -* Mais,
mes pauvres vont me perdre? Ohl non, non! D'abord, ils
auront maman» et puis... je Leur donnerai ma nouvelle
adresse; ils ne sauraient pas ce que je suis devenue^ ils
seraient inquiets, ils n'y comprendraient rien; ils seraient
encore plus malheureux. Je les ai habitués à moi, ils comp-
tent sur moi, je n^ai pas le droit de leur manquer. Ils me
prendraient pour une ingrate. Les pauvres, c'est sacré, l'abbé
Duplantelle a raison, (ua temps» repr«a«it s« piière«) « Vous êtes
» bénie entra toutes les femmes et Jésus... » (un temps, se lerant
«t reetoat deboat sur plaeft, les mnlns effoiséea,|o»bantes, pensire.) Ohl mOU
Dieul que je voudrais avoir un an de plusl... Un. an? (BOe
descend, tête baissée, lentement.) -^ NOUS dCViOUS d'abord partir dèS
demain pour l'Italie, nous ne partirons que dans un mois;
j'en suis enchantée, nous aurons le temps de faire nos visites
de noce avant de nous en aller. (AUwt à la eorbeOle et en tirant on
«MtkMBife.) Nous ne sommes encore qu'à la fin avril, je mettrai
mon cachemire. — Un cachemire I quel bonheurl... — Ah!
dame, quand on a cela sur les épaules, on n'est plus une de-
moiselle; tout le monde vous appelle madame..., mêm» les
passants. — Quaud ils ont à vous parler; les maladroits, par
exemple, pour s'excuser de vous avoir marché sur votre
robe. (Eloignant le eacbemire d'elle en le tenant 4 bout de bras.) CommO
LA: VEILLR DU MAHUOE 16
ceci : (UfltrMDMt.) — « Pardon, mademoîBelle* » (■• j«iMt k
eachaairs Mr 1m épanlas 6t> i» redrtMut^ gim».) GomiUd CdU : (Atve
einpreH«MDt.) c OAil mille pardons, madamel § -i- Le cache-
mire est vraiment œ qui distingue les femaês mariées des
demoiselles, (atm v^pté.) On estbien^ là-dedansl (s% proseoant
en M regodaikt.) Uon mari disait l'autre jour que le cachemire
était très-difficile à porter, que c'était comme l'habit noir
pour les hommes. — 11 porte très^hien l'habit noir. {$•
adraiit.) Moî aussi» îl mo semble. — Je nous vois, tous les
deux, eif visite... (zoat m tâmant la mim» mImu.) — Mousieur,
madame. — Madame, monsieur... -<- Et vous allez voyager,
madame? — Mais oui, madame, deux mois en Italie : Rome,
Naples et Florence; le Vatican, le Vésuve^ Michel-Ange;
nous reviendrons par le Mont-Ceois, on dit que c'est fort in-
téressant, il faut avoir vu cela. -— Vous ne craignes pas les
voyages, madame? — Oh 1 madame, je les adore. Au retour,
huit jours à Paris, pour voir ma mère et de là, au Tréport
ou dans les terres de mon mari;, en Touraine. — (R«prMMt u
koa i^nrai.) Et Ton oauâe ainsi une petite demi-heure, après
quoi, de nouveau : — Monsieur, madame, — Madame, mon-
sieur,.— et Ton se rétine pour remonter en voiture et aller
recommencer ailleurs. — J'étais chez la princesse Rodowna,
dernièrement, quand il est venu deux jeunes mariés. J'ai
teouté; c'est à peu près cela qa'on s'est dit, je suppose que
c'est généralement toiQoars la. même chose.». ^ Oh.1 que
s'est donc gentil d'avcôr un eaeheminel (Aprit u imiui.) Û y
a le colonel de Montigron qui est ganQon d'honneur de mon
mari... Gommeiit va-t-iifr'babillûr, demaia?/Moi, je voudrais
lu'il Suit en uniforme : il est très-brave, alom il est très-
décoré, qa fait très-bien. — Il y aure beancoup de momie,
beaucoup ;J^aurai le grand orgue, ce sera nugnifique. —
Pavaia une peur de la< pioîe... litMOttusement» il fait très-
be«it. depuis quelques jours»*. (Hi: ttnp».) A quoi pense-tril,
lui, dansoe momeni-oi?... Car..., il est comme moi, je suis
iûre, il ne dort pas... Ohl je donnerais bien des choses pour
passer un instant dans ses idées, (ud tm^ tD» u à iftitUe, pw-
16 LA VEILLE DU MARIAGE
•ire.) L'année dernière, — oui, à peu près à pareille époque,
un peu plus tôt, on faisait encore du feu, c'était à la fîn de
l'hiver, — on a dit devant moi que monsieur et madame de
Montclos venaient de se séparer. -^ l'ai demandé pourquoi,
— je demande toujours pourquoi — on m'a répondu que
c'était parce qu'ils ne s'aimaient plos:. On peut donc cesser
de s'aimer, une fois mari et femme? Ne plus s'aimer, com-
ment cela peut-il se faire?... Est-ce qu'on cesse jamais d'ai-
mer sa mère? — Et l'on m'a répondu cela si simplement, je
me rappelle, si légèrement... Gomme on m'aurait clit : Parce
qu'ils avaient une course à faire... et qu'ils ne prenaient pas
le même chemin. — Oui, moi, je ne sais pas, mais il paraît
que c'est une possibilité, nn fait... qui se produit... On s'ai-
mait la veille, on ne s'aime plus le lendemain. Se séparer?
Ça doit arriver très-rarement, c'est si étrange, si... —
Moi, ça me fait l'effet d'un cas de folie... C'est comme
nn homme qui monterait en ballon et qui, une fois arrivé
très-haut, crèverait son ballon lui-même... Ce n'était pas la
peine de monter, alors... — Maman ne m'a pas parlé de
cela? C'est qu'elle a vu qu'il n'y avait pas de danger, parce
qu'autrement... — C'est égal, je suis inquiète, maintenant;
ça me tourmente, cette vilaine idée-là. .. Si jamais il devait
cesser de m'... (eii« s'arrAte oonrt. — Un temps.) Comment le savoir
d'avance?... (Prenant dans la eorbeille on ciillier de torqaolses.) AU fait,
une idée? Ce collier-ci, tout de turquoises... On m'a dit que
c'était une pierre étonnante, la turquoise, qui changeait de
couleur selon le sort des personnes qui la portent : bien
bleue quand on est heureux et verdissant, pâlissant, se fen^
dant quand on devient malheureux... Quand .on ne vous
aime plUSl ^ Voyons donc? (Regardant le eoUier, joyeuse.) Oh!
Elles sont du plus beau bleu, blau de ciell (s'arrètant.) Oui,
mais, je snis sotte, elles sortent de chez le marchand, elles
n'ont pas encore servi ... Ilfauties avoir portées,il faut le temps.
— J'aurais pourtant bien voulu savoir sL.. (Très-baa.) s'il m'ai-
merait toujours, toujours... (Sa frappant le front comme ^elqu'an qai
^tBt d'âToir une idée.) Ah I si c'ost pair, co scra oui... et si c'est
LA VEILLE DU MARIAGE 17
impair... Comptons... — Deux, quatre... ~ Ohl Je n*ose pas»
C'est peut-être très-mal, ce que je fais là..., croire à de pa-
reilles sornettes! — Enfln, c'est égal, ça me rassurera... si
c'est pair... et, ma foi, si c'est impair, je n'y attacherai pas
plus d'importance que cela... (comptant.) — Deux, quatre, six,
huit... Oh! mon cœur bat!... S'il allait y en avoir onze...
ou quinze... on dix-neuf ou... (comptant.) Dix, douze, qua-
torze, seize, (atoo joie.) dix-huit! — Dix-huit! c*est pairt
Il m'aimera toij^jours! Dix-huit! Oh! que je suis heureuse.
(Baisant foUement le collier.) Dix-huit! dix-huit! dix-huît! — Oh I
prenons garde d'en casser une, il n'y en aurait plus que dix*
sept. — Dix-huit!... J'avais très-peur, en comptant. — (BraTs.
ment.) Maintenant!... (ATec troobie et latiitade.) Oh! maintenant»,
je ne sais pas ce que j'ai, je... Toutes ces craintes, toutes ces
espérandes, toutes ces émotions... Je ne peux plus respirer...,
j'étouffe..., je voudrais prendre l'air... Tiens, je n'ai qu'à
ouvrir la fenêtre, c'est bien simple, (sue tire lee rideau, u fut
^and jour. — Areo on cri de iorprlae.) Âh ! mOU Dieu! — Com-
ment?... Il fait grand jour... (SUeoaTrela eroisée.) Et tOUS leS
oiseaux qui sont levés... — Ah çà! quelle heure est-il
lonC? (E&e Tient à U eheminée et, etopéfaite.) SiX heurCS! — - Oh!.«.
— Mais alors, ce n'est pas demain, c'est... c'est aujourd'hui t
— Aujourd'hui, tout à l'heure, j'en ris et j'en pleure en
même temps!... — Et maman qui va venir me réveiller?...
Pauvre mère, ce sera la dernière fois !... (u visage dana iod
moachoir, elle étooffe on peUt aanglot mdlé da regret da paaaé et de la joie d»
rinoonna paie, relevant la tôte et se royant dans la glaee.) Eh bien I jd
suis jolie, pour un jour de noce, avec ma figure pâle et mes
yeux tout rouges. — Ah! bien, je répondrai... que j'ai mal
dormi, voilà tout. C'est bien naturel, la veille! — (aeprenant !•
eelljer et le baisant de Bonyeaa.) DiX-huit ! Oh ! quel bOUbeur I
rirt DK LÀ VEILLE DU MABIACB.
TIZIANELLO
PAR
M. ARMAND SILVESTRE
r Le fils dn Titien, ponr la rendre immortoUe,
« Fit ce portrait, témoin d'an mntael amour;
■ Puis il cessa de peindre à dater de ce joir,
. « Toulant, de ses mains, illustrer antre fu'elle 1 •
ALFMKD M MUSSET.
PERSONNAGES
TIZIANELLO.
BÉATRIZ DOITATO.
TIZIÀNELLO
04 mon ami Charles ^Dtifosse^m
!!■ atelin tradn da tentnrei loaibNt. — La fond Mt Meopé par va balean avat
ealonnettai donnant* nr la xust* — Tneai' d'nna fêta qol Sait, aaagiea aaaera
flambantas, taUaa eonTartaa da flanra, da eonpai at da janz. — A. drdta« at pan*
doa à la tapissaria, nna patite annolra gothi^a anmantéa d'annaa. — Loatrw
•t aristanz maltiedorai dans la goût rénitien. — On nanta «a Kalaon jpar dans
aiardias. — Porta à ganeha disainmléa dut la tapisiaria. — Âa monant où la
ridaan sa leva, e'aat la point dn jour. — On antand on duMv jojaai fsi l'éloigaft
anrla mar.
SCÈNE PREMIÈRE
t
TIZIANELLO.
Arae daa gaatas d'adiaa dirigea Tara la mar.
A ce soir, compagnons! Il n'est si gai festin
Qui ne doive finir quand il est grand matin.
11 ragarda le ciel.
De l'azur qui pâlit s'enfuit chaque étincelle,
Gomme ont fait les sequins de ma toile escarcelle*
J'ai perdu... je ne sais... et puis, cw fait cela!
Je suis riche, Venise est ioyeuse, et voilà
22 TIZIANELLO
Poarquoi j'aime les nuits, le vieux Chypre et les roses.
— Si le sommeil avait pitié des jours >moroses,
La Tie aurait, pardieu! bien grand tort de finir.
sommeil, guérisseur clément du souvenir,
Pudique compagnon!... sitôt que Taube nue,
Comme Vénus des flots, s'élance de la nue.
Tu Venfuis!... Que crains-tu?... Moi, j'ai peur de r^ver»
Tout seul avec son âme on est sûr d'y trouver
Quelque chimère douce, à peine ensevelie,
Qui parle d'autrefois et «e plaint qu'on oublie I
-* Autrefois 1... c'était hier!... c'est peut-être demain!
Non, c'est jamais!... Pourtant, comme le gai chemin
Qaeïool aux fiaMés tos Aears éparpillées,
Leflot satablefoiicbé de roses efifèutUées
Par le matin vermeil I... «Mais je ne verrai phis
Surgira rhoriion'moliile des reflux,
Là-bas<oii le Lidodans sa brume se noie,
-*- Et, comme un vol d'oiseau sur l'onde se déploie, «->
La gondole attendue, au sillage vainquera*.
Avec son bruit léger qui tintait dans mon cœur,
Celle qui m'apportait l'espérance et la vie!
— A peine du regard si je l'avais suivie
Qu'elle était là!... Le soir, c'était plus tristement
Que j'entendais mourir, dai» un bruissement,
L'adieu rhythmique et lent des rames attardées...
— Si Béatrix savait les étranges idées
Que me fait son départ!... peut-être elle en rirait!
-^ Moi j'en ris bien!... — Parbleu, j'estime que l'attrait
Le plus vif de l'amour c'est l'imprévu!... Je gage
Qu'elle en rirait 1... Pleurer serait encor moins sage.
Mais je donnerais bien tout l'or que mes amis
Me gagneront ce soir, pour qu'il me fût permis
De lire dans ton cœur, pèle fille de Sienne,
Et de savoir pourquoi, toi, la patricienne,
La fière, la rêveuse aux mensonges divins.
Pendant trois mois entiers et chaque jour tu vins
TIZIAUBLLO n
Causer avec un fou qui te donnait son âme,
^ Mais rien de plus, — et puis, ayant bravé le blâme
Que font autour de nous les secrets mal gardés.
Ta t'enfuis, comme après un mauvais coup de dés.
— Âbt j'ai joué gros jeu contre toi, — mais, en somme.
J'ai payé de mon cosur, comme an frai gentilhomme.
Sans garder une obole I et je crois aii^ourd'hui
Que ma bourse elle-même est moins vide qoe lui!
Atm ma» triUMM eroiiuaito.
Deux jours passés déjà que toi vint te Mie
De me creuser au comir cette mélancoUe
Il ibanto.
Comme on «it vite oiiMiél
— Celle qui mVivut plié
Le front mob «a fintiiri»,
Un bean jour a délié
La chaîne que j^aTâis choisie I
— Comme on est vite oublié l
Mail les roses, Tamitié
Et le vitaz Chypre ont pitié
Des corars qce Tamoiir dette,
Et, bien Tite, ont châtié
L*intttile mélancolie.
Comme on a Tite oublié I
Une Tolz «a débort d'tbord IdaMfat, féê M npfnehiai*
ConuDe on a vite oaUié
La main qui tous a lié
D*un nœud plus fort que la vie I
Ohl la fragile amitié
Qui d*un tel mensonge est saiyiel
Comme on a Tite oublié.
flibneilo recoanalt U Toiz, eoorC rer* la porto de gaaclMj «ù BéatriSf
MoloTant la ta]^trie| apparaît*
lit TIZIÀNELLO
SCÈNE II
TIZIANELLO, BÉATRIX.
TIZIÀNELLOy oomprimant aca premier élan et d'an ton reifleor*
^el caprice da vent, qael remords de la brise
De ce retour sabit m'a valu la surprise,
Dont votre cœur pourtant est complice à demi,
Madame?
BÂÂTRSy elle a deaeenda lei marches da balcon, mida demeure debout
appnyée à an meoMe.
J*espérais vous trouver endormi
Et voulais seulement passer, dans votre rêve,
Comme le spectre doux qu'apporte l'heure brève
Des souvenirs venus d'un ciel déjà lointain!
— Je vous trouve debout. — Puis, après un festin.
Vous comprendriez mal une parole austère,
Un arrêt solennel... J'aime donc mieux me taire.
Adieu 1 — Bon appétit et bon jeul
TIZIÂNBLLO.
C'est charmant
De me railler ainsi!... Mais, tenez! justement
Je n'ai plus soif et j'ai perdu mes dés; si bon vous semble,
€omme de vrais amis nous causerons ensemble!
Un vieil amour, c'est presque une jeune amitié!
d'est de la confiance!
BÉÂTRIX.
Ou bien delà pitié t
TIZIANEUX)^
Le mot est dur, madame.
TIZIANRLLO 28
BÉATRIX.
Il est juste.
TIZIAIŒLLO, ploi •«neaMment.
Peat-étre...
Mais quand Je souffrirais, il n'est femme ni prêtre
Qui me pût arracher mon douloureux secret.
Avec mon corps sanglant la mer l'engloutirait,
L'Adriatique bleue est discrète et profonde...
Àrec ane galté forcée*
Ohl mais ne craignez rien 1... Je ris I Pour rien an monde
Je ne ferais celai... J'ai d'excellents amis
Qui m'offrent ma revanche et je leur ai promis
De remplir, dès ce soir, ma bourse de leurs piastres,
De sequins reluisants comme de petits astres I
— Quand je serai bien riche, eh bien I je vous ferai
Construire une chapelle en un lieu vénéré,
Où vous serai pourtraite au fond d'un oratoire,
En sainte vierge, avec une robe de moire
Et vos nobles cheveux sur le cou relevés.
— Les pèlerins viendront y dire des Aves,
Et, de tous, je serai le plus dévot, madame.
BÉATRIX.
Et c'est vous qui peindrez ce tableau?
TIZUNELLO.
Sur mon âme,
Je voudrais que mon père, en me léguant son nom.
M'eût légué le savoir de le peindre!... Mais noni
BÂATRIX, atee le geste de «'éloigner.
Alors, je ne suis pas digne de vos louanges
Et vous pouvez garder vos Aves pour les anges!
TIZIANELLO) te rapprochant poor l'arrêter.
Et c'est pour me donner ce conseil méprisant
Que vous êtes venue I... Ahl je sais à présent
II. 2
SB TIZIÀNELLO
Que croire à votre amour était chose insensée.
BiÂTBDC.
le TOUS ai ééjà dit quelle était ma pensée
En venant...
TIZIÂNELLC
Quoi! mentir avec des mots si douxt
BÉATRIX, après noe {taoïe.
Selui que je croyais aimer ce n'est pas vous 1
Sur VB yeft* dt lurprlie de Tiâanello.
Ne m'accusez jamais que de m'ètre trempée.
— > J'en souffre plus que vous, et si, l'âme occupée
Du rêve dont je pleure encore Fabandon,
Je vous trompai, je viens vous demander pardon !
TIZIANELLO, sombre.
ài-je un rival?
BËATRIX.
Oui, mais il est mort,
Tont bu.
Ou peut-être,
Ne vivra-t-il jamais l
TIZIANBLLO.
Voilà, pour le connaître
On signalement clair. Pourtant, je jure aux dieux
9ue si jamais il vit, il ne vivra pas vieux !
Avec farear.
— Quoi que nous ayons fait pour détourner Toutrage,
\^otre nom près du mien fut parfois dit , je gage,
El, sinon mon amour, mon orgueil est jaloux I
BiATRIX, très-firoidement.
/e ne crains rien pour lui, mais je crains tout pour voua
^ Vous avez trop quitté le beau pays du rêve
?our rencontrer jamais l'amant en qui s'achève
TIZIAN8LL0 tl
Le doux songe entreva près de ▼onal... GeM»ii,
Près des buveurs joyeux jamais ne s*attabla,
Mais de i'Art immortel il poursuit la folie,
Le front ceint d'auréole et de mélancolie l
— Fier d'un nom glorieux qua^ii fait plus grand enoor»
^ Gomme ua creuset divin dont on fait jaillir l'or, «*
Il tente le secrel des gloires paternelles.
Amoureux seulemeni des choses étemelles.
Des artistes rivaux il attend les défis.
Et le grand Tilien Teût appelé son filsl
TIZIANELLO.
Morbleu ! si j'ai compris la fable elle est amère !
— Si je n'ai pas souci de la cbose éphémère
Qu'on -ppelle talent, c'est qoe je porte en moi
Quelque chose de fier qui m'impose la loi
De ne pas amoindrir un héritage auguste.
— Sur vos lèvres combien cette plainte est injuste I
Qui donc, brûlant mon être entier d'un feu noayeao»
A, d'un coup, pris mon CiBur et séché mon eerveaot
£t, brisant les liens des espérances raines,
A jeté des langueurs divines dans mes veines,
n'apprenant qu'il est doux d'ainsi se consroner
Et qu'il n'est de vrai bien aa m<Ade qoe d'aimer 1
BÉATBIX.
Ah! si j'ai fait cela,!ne plaignes que moi-même I
Il est vrai qu'on ne vit, hélas l qu'autant qu'on aime.
Mais le ciel m'avait donc interdit ce bonheur
Qu'il en ravH poor moi la noblesse et l'honneur I
Cet amour est maudit qui flétrit ce qu'il touche l
Sentir son rêve fondre, au souffle de sa bouche.
Comme fait la blancheur des neiges au print^nps.
Sans rien laisser, sans voir sur les rameaux flottanu
De soh espoir brisé refleurir une rose,
Ohl le desUr affreux et le penser morose l
28 TIZIANELLO
Être à son propre cœur mensoDge et trahison !•••
J'ai fait cela pourtant, et vous avez raison,
S'il eel vrai qu'à jamais, de l'Art divin bannie.
Votre jeunesse en fleur ait perdu son génie I
Je voulais vous aimer, pourtant, Dieu lésait bien!
— Vous aussi. Mais cherchant de quel puissant lien
Se doivent enchaîner deux âmes fières d'elles.
Je pensais que la gloire eût fait nos cœurs fidèles.
Admirer ce qu'on aime ohl le rêve divin,
Et comme on doit mourir de l'avoir fait en vainl
Trouver auguste l'être à qui s'est fiancée
Votre âme et laisser croître une aile à sa penséel
Mettre dans sa grandeur le meilleur de sa foi!
— On croit aux cieux alors qu'on sent au fond de soi
Qu'il faut haotser son cœur pour aimer plus à Taise.
Comme l'enfant divin de la Vierge à la chaise.
On ignore le seuil des Paradis fermés.
Ohl le réveil cruel I... Tenez, si vous m'aimez.
Mieux vaut partir plutôt que pour jamais nous lie
Un amour dont plus rien n'ennoblit la folie
Et dont le souvenir, du moins, doit rester doux.
— Ne m'accusez pas seule, ami, rappelez-vous
Que de fois, de l'oubli pour vous craignant l'outrage.
Ma tendresse a voulu vous rendre le courage I
Gomme l'horizon d'or qui s'ouvre à l'orient.
J'étalais, sous vos yeux, le mensonge riant
Des superbes destins que vous gardait la viel
La palme du grand Art à Florence ravie.
Et Venise à jamais glorieuse par vous,
El moi ûère et tremblante à votre bras jaloux!
TIZIANELLO.
C'est du sang de mon cœur et non pas de fumée
Que se payait l'amour dont vous fûtes aimée,
L'amour cruel par qui mon cœur fut vendangé
Gomme une vigne mûre, et j'avais partagé
TIZIANBLLO t»
Tont mon être en deux parts, l'une à l'antre asservie»
— A Yons toutes les deux! — Cet amour et ma vie!
Un tel rêve suffit bien à qui le comprend
Et, quel que fût le vôtre, il n'était pas plus grand,
Mais il était moins doux. . •
BÉÂTRU.
SoitI mais je suis bien sûre
Qu'on n'aurait pas, du moins, pu guérir sa blessure
Avec des vins, des jeux et de folles chansons 1
— Les étranges échos pour les graves leçons
Qu'un maître ici versait de la bouche inspirée,
Quand, dépouillant pour lui sa majesté sacrée,
Charles-Quint, à genoux, relevait son pinceau.
— Pour reliquaire, il a, sans doute^ ce monceau
De coupes et de fleurs, où votre esprit s'allège
Du vain remords qui doit lui faire un sacrilège I
TIZIANBLLO, Tiremeat et montrant areo nn geste reli^eu la petto arooirt
leiJptée*
Il est là, nul ici ne Ta touché jamais I
— Pas même moi !... D'ailleurs c'est le seul désormais
Qu'on y puisse trouver... Car, vraiment, je le jure,
Au renom paternel craignant de faire injure.
Ne sentant pas mon front brûlé du même feu.
J'ai dit à l'art de peindre un éternel adieu.
BÉATBIX, aree fermeté et s'arançant yen la porte*
Cet adieu, c'est le mien!
TmANBLLO, s'dlançant poor loi barrer le paasage. Béatriz reenle et la têt«
dana lot mains Téconte eomme aliaorbée en elle^mtee.
Béatrix, ô cruelle!
Ecoute-moi! jamais je ne te vis si belle!
Béatrix» mon amour, je t'aime, ne pars pas,
Ou je vais, comme un chien, me coucher sur teepast
Mon Dieu! que t'ai-je fait! j'ai raillé tout à l'heure.
II. 2*
30 TIZIilNELLO
Mais à préseat, ta vois, a'6st-ce pas, que je pleural
Ohl les rapides jours côte à côte effeoillésl
Les beaux livres d'amour d un double pleur mouillés.
La lente causerie oubliée et reprise I
Les beaux soirs, sur la mer que caressait la brise,.
Murmurant nos deux noms dans un même baiser I
Reviens à cet amour que rien ne peut briser !
Vois! Le printemps fleurit la mer comme la plaine:
Les roses et les flots tremblent sous son haleine;
On dirait que cette aube est un regard de Dieu
Et que le ciel» pour nous descend dans le flot bleu.
Le bonheur nous revient par des routes bénies!
BÉATRIX, amèrement.
L'aurore I le printemps! toutes ces harmonies
De Tespoir éternel qui passe près de nous,
La douceur de ces chants si cruellement doux.
C'est l'adieu du passé dont Tâme est déchirée.
k quoi bon luire encore, ô lumière sacrée.
Pour qui porte la nuit suprême dans ses yeux !
— C'est l'amour de nos cœurs qui fait l'éclat des cieux!
TIZIANBLLO.
C'est Tamour de nos cœurs qui doit nous faire vivre!
BÉATRIX.
Mensongère chanson de Tair qui nous enivre.
Tu nous promets la vie et ne peux la donner.
TIZIÂNELLO.
Tu pleures !. . • Qu'attends-tu donc pour me pardonner ?
BÂÀTRIX, elle ta e'élaaeer vere lai, mois s'arrête.
Oui! j'ai tort!... Un pardon!... Pourquoi?... Je serais folle
De tenter la pitié d'un songe qui s'envole.
— C'est mal de me parler ainsi des jours passés*. •
Mes regrets ne sont pas de ceux, trop tôt lassés,
Qu'un reproehe ravive et leur blessure est telle
T12IANBLL0 3|
Qu'il en faut respecter la sottffrance nsmortelle.
Mon seul pardon sera de vous laisser Fonbli,
Ouvrant toute mon âme au cher enseveli
Qui fut notre bonheur et qu'avec moi j'emporte!
— Laissez-nous fuir tous deux et fermez bien la portai
Car vos amis pourraient nous railler en chemin.
— Mais ne le souffrez pas — en vous tendant la main,
Je fus loyale et vraie et je bravai la honte
Pour vous donner la gloire; il faut m'en tenir compte.
TIZIAHBLLO.
As-tu donc secoué de ton front adoré
La blanche floraison du souvenir sacré.
Pour que rien ne te touche et que rien ne t'émeavel
Oh ! non 1 tu ne veux pas partir. C'est une épreuve.
N'est-ce pas? Car, yoîs-tu, j'ai bien assez souffert :
Depuis deux jours, mon cœur était comme un enfer
Où mourait lentement l'espérance vaincue.
On pleure cette vie, après qu'on l'a vécue,
Oj le soleil vous vient d un être bien-aimé...
— Mon front de ton haleine est encore embaumé,
Ton sang, plus que le mien, coule encor dans mes veînesl
A briser de tels nœuds les souffrances sont vaines I
Je damnerais, pour toi, mon âme sans remord,
Et ne veux à mon mal d'autre fin que la mort !
BÉATRIX.
Quelqu'autre amour vreodra guérir ce mal étrange*
TIZIANELLO.
Un autre amour, dis-tu I Mon Dieu, de quelle fange
Me crois-tu donc pétri pour penser, un moment»
Qu'après avoir porté dans l'âme fièrement
La trace dont ton pied superbe t'a blessée.
Cette empreinte jamais en puisse être effacée l
Ohl le réveil cruel quand, un instant joyeux,
J'ai cru voir s'attendrir un pleur dans tes beaux yeuxl
32 TIZIÂNELLO
— Une larme à ta joue est plus vite séchëe
Qa'un peu de ploie au bord d'une rose penchée.
BÂATRIX.
Ne me reprochez pas ce que j'aurais youln
Vous cacher. Dans mon cœur si vous avez bien lu,
Vous savez que, plus haut que la souffrance même»
Je porte Tamour fier et douloureux dont j'aime.
TIZIANELLO.
Âhl tu ne m'aimes pas, de me parler ainsi 1
BÉATRIX.
Si je ne t'aimais pas, serais-je donc ici?
TIZIANELLO.
Reste donc 1
BÉATRIX.
Me crois-tu cette faiblesse insigne
De demeurer auprès de qui me semble indigpae,
Parce qu'il faut briser mon cœur avec le sien?
Tu ne me connais pasi Mon sang patricien
Se révolte au danger d'une intrigue vulgaire.
•- Toute à l'illusion qui m'enchantait naguère,
Je pouvais, sans déchoir, avouer hautement,
— Déshonneur glorieux — le nom de mon amant
Et goûter, au soleil clair de sa renommée,
L'immortelle douceur d'aimer et d'être aimée,
Ce bonheur que tu dis avec des mots cruels!
— Voilà pourquoi, brisant les nœuds habituels.
Je veux, du moins, sauver mon rêve du naufrage^
Et comment, t'aimant plus, je te fuis davantage I
TIZIANELLO.
Quoi! tu pleures ainsi de me fuir et tu fuis !
Es-tu donc folle?... ou bien, serait-ce moi qui suis
Fou de te voir ainsi briser plus que ma viel
TIZIANBLLO 33
— Si de vulgaires soins, ta te croyais servie,
Détrompe-toi! J'ai su mettre dans mon amour
Plus que n'ont pn rôver d'immortel en nn jour,
Le divin Léonard, Giorgione et mon père.
C'est une chose affreuse et qui me d^espère
De sentir méprisé ce que je sais divin
Et, te disant cela, de te parler en vain.
Que ne puis-je briser Torgueil de ta pensée I...
— Ecoute-moi pourtant, pauvre enfant insensée!
Que rêvais-tu? l'amour du beau chez un amant
Qui, de ce mal sacré t'enivrant doucement,
A ta lèvre penchât sa divine blessure!...
Âhl si tu Toulais voir saigner sous la morsure
De l'idéal amer un cœur désespéré.
Que te faut-il, mon Dieu!... Regarde!... déchiré
D'un impuissant remords à me sentir indigne
De t'immortaliser dans ta blancheur de cygne,
Etre sacré que j'aime et n'ose contempler,
Ah! mon rêve, du moins, a su me révéler
Ce qu'eût fait de ta gloire un peintre de géniel
L'aile des visions a bercé l'harmonie
De ta beauté superbe et douce sous mes yeux,
-- Vénus sur le flot vert — madone dans les cieux^
De tes cheveux divins toujours enveloppée!
— Comme les nobles chants d'une lente épopée.
D'innombrables tableaux te posaient devant moi!
— Qui donc a plus souffert du misérable effroi
De demeurer vaincu sous l'effort de sa tâche!
Je suis un malheureux que tu traites en lâche 1
Va, je me croyais fort, porteur d'un nom géant.
Avant que ta beauté m'eût appris mon néant
Et que, m'agenouillant aux pieds d'un tel modèlOf
L'Art divin m'eût trahi, que je croyais fidèle!
BÉATRIX.
C'est toi qui l'CJ trahi pour des plaisirs sans nom.
Cet Art sacré!
t
1
1
34 TIZIANBLLO
AT6e réflotaUoD.
Veux-tu le tenter encor?
TIZIANBLLO.
Non!
C'est inutile!
BÉÂTRIX, grarissant 1m marche» qnl ooadnltiat à la parle*
Adieu pour jamais!
TIZIANBLLO, aree déteipair.
Oh!rinfâmer
Puisque nulle pitié ne peut toucher ton âmoy
Pars donc!
Béatrix est devant la porte, posée contre la tapisierle rar leimarehei* «■
EUe semble non pas hésiter, mais jeter on dernier eoap d'osil sur lae limB
qu'elle quitte. — Fose très-plastiqae* .* Mains jobtM. — Yu d»
trois quarts et tournée ren TisiaDello.
TIZIANELLO^ il s'arrête en extase derant eDa et d'une rvAx rapplIaBta»
Non pas! arrête! un seul moment I
De cette main qui tremble, oh ! je veux, seulement,
Puisque je ne dois plus revoir ton doux visage,
Sur la toile en tracer la fugitive image!
Il saint une toile, cherche un pineeau, n'en troare pas, ooort à l'amielrt
de gauche, en brise la serrure et en retire le pineean dn Titien.
Du souffle paternel qu'un moment agité.
Ce pinceau, sous mes doigts, affronte ta beauté.
Dans cette pose austère et charmante enfermée,
Vénus!... ô madone!... ô pâle bien-aimée !
n a mis nn genou en terre et M aet è l'osafnw
i4e me refuse pas un moment de merci 1
BÉATBIX9 lui tendant les bras.
Je resterai toujours si je te vois ainsi!
Il se précipite Ttn elle et Ini prend les mams ateo amour*
Ridean.
Fin Dl TIZIAICELLO
UNE
MAUVAISE ÉTOILE
SAYNÈTE
PAR
H. JULES GUILLEMOT
PERSONNAGES
PÂSTORXL.
MàRIUS CâBASSOL.
La scène te passe dans on hàbû, aa Hatft»
UNE MAUVAISE ÉTOILE
SCÈNE PREMIÈRE
PASTORELy teolj anU à aoe table et f'epprètent à écrire.
Écrivons vite là-basl Seront-ils surpris d'apprendre mon
retour 1 Moi, qai, depuis tant d'années, ne leur ai pas donné
signe de viel... Mais quel courant d'air il y a icil Fermons
cette fenêtre. (U va à U fenêtre, jette on regard au dehorty ferme la fenêtre,
et dit.) Ce monsieur d'en face est encore à sa croisée : voilà
un homme qui doit s'ennuyer 1 (ll revient s'asseoir, et ra eommeneer
sa lettre.) « Le Havro, le... ■ Quel jour sommes-nous donc?
(n se lère, Ta consniter an almanach suspendu aa mur, et se rassied.) ff Lo
Havre, le 17 juillet 1877. »
A ce moment^ on heurte Tigoureusement à la porte. 11 ra onrrir.
SCÈNE II
PASTOREL, MARIUS CABASSOL.
GÂBASSOL, entrant impétueusement*
Pardon, monsieur! c'est bien vous qui, tout à l'heure,
avez fermé brusquement cette fenêtre?
II. a
38 UNE MAUVAISE fiTOILE
PASTORELy trèt.e«lni».
C'est moi qui, tout à l'heure, ai fermé cette fenôtre : si
c'est brusquement ou non, je ne m'en souYlens pas.
CABASSOL.
Permettez, monsieur, permettez I Toute la question est là :
vous rayez fermée brusquement... J'étais à la mienne, tan-
tôt, (u moatro m fenêtre.) là, OU facel Vous babitoz, daus cet
bôtel, au second; moi, au troisième. Vous avez vue sur la
rue et sur la cour; moi. Je n'ai vue que sur la cour. La vie
offre de ces injustices. Enfin, je m*ennuyâis; et je m'étais
mis à la fenêtre pour me distraire... (s* reprenant aree on foarir*
amer.) si regarder dans une cour d'hôtel peut s'appeler une
distraction. Mes yeux sont tombés sur cette chambre, vous
étiez en train d'écrire : voici encore votre papier à lettre.
(il montre k lettre eommeaoèe, et frappe mr la table.) Je me miS à VOUS
regarder bien innocemment' : je nep^ne pas qu'il y ait in-
discrétion à regarder quelqu^uniéerirejàdix mètres de dis*
tance. C'est alors que vous vous êtes levé, et que vous avez
fermé brusquement cette fraètre. Mon Dieu, je ne suis pas-
susceptible-, et je puis dire- que j'ai un bon caractère; mais
le procédé m'a para blessant, et je viens vous ÙBaaaûer si
vous averagi dans l'intention de m'offenser.
PASTOBBL, tràe-étooné.
Moi, monsieur? J'ai agi dans l'intention d'éviter un cou-
rant d'air, et parce que le vent faisait mine d'emporter mon
papier, (a part.) U est drôle, ce monsieur, mais il m'ennuie.
CABASSOL.
Vous m'assurez que vous n'avez pas eu d'autre motif?
PASTOREL.
Je vous l'assure.
CABASSOL.
Sur l'honneur?
UNE MAUVAISE ÉTOILE %$
PASTOBBL^.MMiciaat mmigré M.
Sur Thonnenr !
GABASSOL, à Ini-mèiM.
Alors, c'est à moi de m'excuser... c'est nn peu fortl (Haut.,
Monsieur, je vous salue, et je ne vouft.en yeux pas.
FaoMo fortio.
PASTOBBL, 1« rMODduiMDt.
Monsieur 1...
CABASSOLi NTeiMnt tont Ji ooap «ir le» pM«
Non, c*est que, voyez-Tous, on n'a pas idée de ça : jMyitd-
les querelles tant que je peux, étant très-accommodant par
caractère et par principe... ehl bien, monsieur, elles.me
recherchent avec acharnement. Il faut croire que je suis né
sous une mauvaise étoile. Si je- vous racontais mon his-
toire {«••
PASTOBBL, inqoitl.
Ohl je ne voudrais pas abuser!... et moi-même, vous
voyez...
D moDtre la lettr* ooumMocéo.
GABASSOL.
Ça ne fait rien : j'ai la temps.
n •'■Mied.
PASTOBBL, à pwt.
Eh ! bien, il s'installe ! c'est trop fort!
GABASSOb^
Je suis du midi, monsieur.
PASTCBSL.
Ça se voit, monsieur.
GABASSOL, froissé.
Comment rentendez-vous, monsieur?
éO UNE MAUVAISE ÉTOILE
PASTOBEL.
D'aucune façon qui puisse vous blesser; car J'en suis moi-
même.
GABASSOL.
Ahlçanese voit pas.
PASTORBL.
Ohl moi... Il y a trente ans que je voyage.
GABASSOL.
Moi, monsieur, Je suis du midi; etJeneTai presque Ja-
mais quitté.
PASTOBEL.
Et cependant vous voici au Havre.
GABASSOL.
Alors, on ne peut plus se promener 1 Non, mais dites tout
de suite qu'on ne peut plus se promener 1
PASTOBEL.
Ce n'était pas mon intention...
GABASSOL.
J'accepte vos excuses. Je disais donc que Je suis né dans
le midi. Je ne remonterai pas jusqu'avant ma naissance.
PASTOBEL, à part.
Je l'espère bien.
GABASSOL.
Je vous parlerai môme brièvement de mon enfance... Ma
première dent...
PASTOBEL, effirajé.
Si nous passions à la seconde 1...
GABASSOL» rexé.
Pardon, monsieur, si je vous ennuie, dites-le tout de
suite.
UNE MAUVAISE ÉTOILE M
PASTORBL.
Moi, monsieur? Au contraire, vous m'amusez.
GABASSOL.
Gomment Fentendez-vons?
PASTOBEL.
Je veux dire que vous ne m'ennuyez nullement
GABASSOL.
C'est qu'il ne faudrait pas avoir l'air... Où en étais-je? Ahl
les dents 1... £tes-vous père de famille?
PASTOBBL.
Hélas! non.
GABASSOL.
Vous ne connaissez guère votre bonheur. Je le vois ; mais
si vous n'êtes pas père de famille, je passe les dents. (MoaTe-
ment de joie de Pistorely CdbMMl e^ea «permit.) Quaud JO dlS qUO jol OS
passe...
PASTOBEL, à paru
Il en garde une contre moi. Décidément O est original,
mais désagréable.
GABASSOL.
J'arrive à ma rhétorique : vous allez voir quel guignoiM
Je concours pour un prix d'honneur. Je l'obtiens.
PASTOBEL.
Alors, je ne vois pas...
GABASSOL.
Vous allez voir, vous allez voir! Oo me donne en prix les
Œuvres de Molière^ superbement reliées...
PASTOBEL*
Eh bien t.»»
112 VNE MAUVAISE ÉTOILE
CABAS80L.
Attendez! Et avec ça le Petit Carême de Masillon.'Eh bien,
monsieur, j'avais le Petit Carême dans ma bibliothèqae î
Est-ce da guignon, hein?... Et ce n'est rien encore! A dix-
huit ans... (il ■'«néte bnuqaameat, et dit «d moatrant U lettre de Pastorel
IniditTée, restée oartrto for U taUe.) MaiS SerrOZ-moi dOUC Ça !
PASTOBBL*
Pourquoi?
GABASSOL.
Ça me gêne pour raconter; et puis ça n'est pas aimable ;
ça a l*air de me crier : Dites done, vous, aurez-vous bien-
tôt fini?... (Paetorel terre sa lettre d«ns aa barardi Cabessol eooiiaiia^) A
dix-huit ans, je passe mon baccalauréat...
PASTOBSL.
QnyousrefuseX...
GABASSOL.
Par exemple! Je suis r^çu d'emblée.
PASTOREL.
Mais alors!...
GABASSOL.
Attendee donc! ie suis reçu d'emblée; mais Je n'ai que
quatre boules blanches, et mon ami Balthazar en a cinq! £t
toujours comme ça !... Tenez ! A vingt-huit ans, je me marie. .
Si c'était à refaire I... Enfin, je me marie : une femme char-
mante!...
PASTOnSL.
BonJ
GABASSOL.
Je yeux dire : une femme que tout le monde trouvait
charmante. Moi» c'est ma femme, vous comprenez!... D'ail-
UN B HAinfAISB ÉTOfLË 43
lenrs, une fort belle dot : Ûen cent mille francs... c'était
inespéré, j'en conviens.
Ala Jn, monsienrl...
Mais attendes i]onofl...'6ix motsaprbs, Balthnar épouse
deux cent cinquante mille francs. Ça aurait pu être pour
moi, n'est-ce pas? Eh bieni non, ce fut pour Balthazarl
Toiqours ma chance, mon infernal guignon !
En TonUnt-waMft— r -m^filMyi jtywni, tarU.ltbb» tair«MtMii à pi^iw»
*FA<raUL.
Mais, monsieur, tous cassez ce couteau à papier.
GÂBASSOL.
Ça ne m'étonne pas : J'ai.la.maln malheureuse... J'ai tout
malheureux.
PASTORSL.
Encore s'il était à moîl... Mais il est à l'hôtel.
GABASSOL.
iAlors, ga.ne fait rien : on le mettra sur yotre note... Ah!
j'oubliais la preuve la ,plus étonnante de mon guignon. Ma
femme avait des obligations de la ville : au dernier tirage,
il en sort une, avec prime : dix mille francs!
PASTOREL.
C'était superbe.
IQABASSOL, «Bèremaat.
Yous trouvez ça superbe, VOUS !*Eh bienl écoutez I J*flivais
le li* 340, '600. A qui croyez^vous qu'échut le lot de cent
mille francs? Au n^ddO, 601 1 Oui, monsieur 1 oui, monsieur I
C'est à ne pas le croire!... Biais je devrais y ôtre habitué,
puisque c'est toujours la même chose depuis mon enfance.
'^
44 UNE MAUVAISE ETOILE
PASTOREL.
Depuis votre première dent!
GABASSOL, reprenant.
Depuis ma première dent... Quant je prends nn parapluie,
il fait beau ; quand je sors avec ma canne, il pleut. Vous
avouerez que ces choses-là n'arrivent qu'à moi.
PASTORSL, d'on air de doute.
Ob!
CABASSOL} poursuit sans lemarqaer Fintermption.
Si je cours après un omnibus, il est complet : j'ai remar-
qué que cela m'arrivait surtout les jours de pluie. Une fata-
lité, quoil... M'invite-t-on à venir voir une éclipse à TOb-
servatoire, ohl je peux être tranquille, elle est immanqua-
blement finie quand j*arrive.
PASTORBL.
Et on ne la recommence pas pour vous I
GABASSOLy étoardiment et appi^ant avec rage.
Et on ne la recommence pas!... (S'arrètant «n s'aperoerant de M
méprise.) Âh çàl mais vous vous moquez de moi, vous?...
S'il en est ainsi, monsieur, je m'arrête; mais nous nous re-
verrons, (n lalt mue de eortir, et aalae d'an air liantab.) MonsieUTl...
PASTOREL, aaloant.
Monsieur I...
GABASSOL, à part.
Il a l'air content de me voir partir : alors, je reste. (Re-
descendant.) Je réfléchis : je ne peux pas me battre avec vous.
Avec ma chance!... Vous pourriez être le dernier des mal-
adroits, vons m'étendriez net sur le carreau. Et je ne tiens
pas à voir encore s'ouvrir ma succession. C'est assez de ne
voir jamais s'ouvrir celle des autres.
UNE MAUVAISE ETOILE 45
PASTOBEL, à put.
Mate quel vilain animai I
GABASSOL.
C'est encore une de mes cliances, çal Balthazar avait deux
tantes, on coasin, une cousine. Il a enterré tout ça... Â qua-
rante-cinq ans! C'est du bonheur. Moi, Je n'ai ni oncle, ni
tante, ni cousin, ni... (s'tn«uat.) Âli! sil Au faitl j'ai un oncle
d'Amérique.
PASTORSL.
Tiens, tiens 1
GABASSOL.
On a beaucoup plaisanté les oncles d'Amérique. Il y a
pourtant des gens qui en ont. Il y a môme des ces oncles-là
qui reviennent. Mais le mien n*est jamais revenu, et il ne
reviendra jamais. Non, monsieur il ne reviendra pas.
En êÔÊêut eeU, il gMdenle «tm on prt i ia pt pto r an eriital.
PASTORBL.
Monsieur, monsieur, vous allez briser ce presse-papier.
GABASSOL, erUnt.
Mais puisqu'on le mettra sur la notel...
PASTOBBL, loi retire doaeement le preeae-piqplar des maiiie.
Ah! VOUS avez un oncle en Amérique. Permettez! Quel est
donc votre pays?
GABASSOL.
J'habite Andance.
PASTOBBL.
Où placez-vous Andance?
GABASSOL.
En face d'Andancette.
a. 3.
«6 UNB MAtrYAlSE KTOILB
PASTCMIBL.
Trèsrbien ; mais Andancette?
Cette gaeflâoni 1^s«)h-m â'ÀBdanee... ^n aTaisen %n dire
que les Franck ne eavent pas la igéogrepfaie.
BASTOBBLy à loi-mêaïa.
Me Yoilà bien renseigné !
Mais ça, c'est le pays de ma femme. Moi, )e suis des Mar-
ligues, près de Marseille.
Des Wurfignes^! t^oitlnî, bien sûr! (o«it.)1Bt irotre'cmcle'se
nomoMit^
GÂBASSOL.
Pastoral, le vieux gredin! Je dis : vieux... il était parti
leune; mais comme il y a longtemps de cela, il a dû vieillir.
Mais 4l.iMFait, poursftr, des vices, cet homniHlà ! il «uai ttout
mangé dans les plaisirs, à moins gu*il n'ait été mangé lui-
môme par les sauvages, ce qui serait bien faitl... Au fait,
ces questions presque indiscrètes... Est-ce ijueTous Taoriez
connu?
;RAS10IIIL.
Votre gredin d'oncle? Un peu, je le crofis.*. f>t«-il savait
ce que vous dites de lui!...
GABASSOL, inquiet
Vous, VOUS m'avez Tair dlua jexcellent homme : vous ne
voudriez pas répéter des paroles en Tair... Ah! vous l'avez
connu? Alors, il n'est pas mangé?
PASTOR'EL.
Non ; et sa fortune non plus.
UNS WAUVATSI ATOILI W
CABASSOL.
Ahlahl
Gela TOiis'intéf08scrY
Damel
thii, Yonsme^niblez f6n'intéres8é...'p8riOBtte1iist6ire...
Quand Je Tai va^ il songeait à s'embaniuer pour laTrance.
GABA880L.
Bahl
PsABnOflBL.
Avec une ftirtnne ide deux cent mille "dollars.
GABÂSSOL.
Deux cent mille dollars 1 ce brave oncle!
PA810BBL.
Boni U aurait jm en^jgagner quatre cent mille» i'il avait
voulu.
Et il n*a pas vouttfl liais pourquoi ^timais-pourquoi iQat
Il était las de la solitude; crt il a mieux aimërevoir son
pays avant d'être tout à fait affaibli par l'âge.
GABASSOL.
Eh bieni voilà ma chance, la voilà, deux cent mille dol-
lars que Je perds du coupi Je ne m'en consolerai jamais.
PAOTOIUIL.
Non, vous ne les perdez pas*
48 UNE MAUVAISE ÉTOILE
GABASSOL, jo7«u«
Comment?
PASTOBEL.
Vous ne les perdei pas, monsieur Marias Gabassol.
GABASSOL.
Mon noml
PASTOBBL.
Il m'a si souvent parié de vous! Pour les perdre, il fau-
drait d'abord être rhéritier de M. Pastorel.
GABASSOL.
Cette bôtisel Je suis son seul parent.
PASTOBBL.
Mais il est libre de son bien: et il se pourrait...
GABASSOL, fnriens.
11 se pourraitl... Âh I si je le pensaisl...
% PASTOBBL, froldemtBt.
Pensez-le, monsieur Marins Gabassol, pensez-lel... Et
puis, voulez-vous que je vous le dise : en œ monde, quand
flous sommes malheureux, c'est neuf fois sur dix par notre
faute; et ce que nous appelons notre mauvaise étoile n'est
le plus souvent que notre mauvais caractère.
GABASSOL.
C'est pour moi que vous dites ça?
PASTOBBL.
Un peu, mon neveu.
GABASSOL.
CommentI Vous êtes?... ji
PASTOBBL. J^
Votre oncle : oui, mon neveu.
UNE MAUVAISE ÉTOILE 49
GABASSOL9 mte d'abord abaMrardi ; pnif 11 dit.
£h bien! pour cette fois, au moins, vous conyiendrez que
je n'ai pas de chance.
U enfine* brut quemant soo ebapeaa sur sa tAta, at «'an ra.
SCÈNE III
PASTOREL, taoï.
Ça, mon neveu! Et moi qui viens de quinze cents lieues
pour faire sa connaissance 1
Fin DB UKl KAinrAIil tTOOB
Ulï
DOUBLE AVEU
SGÈNK
PAR
M. GUSTAVE NADAUD
1
PERSONNAGES
HàRIB (t9 aoi.) U^^ 8AHART-BSQUIBR.
J£ANNB (ISaiif) H^*** JBANNB SAHART.
UN DOUBLE AVEU
MARIE, JEANNE.
JBÂNRS.
Si ta m'en priais bien, je te ferais, Marie,
Un aveu; mais il faut, il faut que...
HABIB.
Je t'en prie.
JBAHNB.
Eh bien, j'aime... quelqu'un.
MABDB.
Depuis?
JEANNE.
Depuis un mois.
MARUi.
Et tu m'en fais l'aveu pour la première fois?
JEANNE.
C'est vrai.
MAIUB.
Va, ne crains pas que je te catéchise;
Et, puisque la franchise appelle la franchise.
J'aime aussi... quelqu'un.
54 UN DOUBLE ÂYEU
JEANNE.
.AhlBepois?
HARIB.
Depuis trois mois.
JEANNE.
Et ta m'en fais l'avea?...
MARIE, l'arrAtant.
Pour la première fois.
C'est qne, vois-ta, mon cœur n'est pas on cœur vulgaire»
Il est si grand, si purl...
JEANNE.
Le mien ne Test donc gaère^
Tu crois être la seule à ravoir pur et grand?
Tout le monde est ainsi.
MARIE.
Mais moi, c'est différent.
JBANrai.
Très-bien I et comme c'est toi qui fais le partage,
La différence doit être à ton avantage!
MABIE.
C'est possible; en tout cas, j'ai la prétention
Qu'a chacune de nous, d'être une exception.
JEANNE.
À ce compte, ta flamme est exceptionnelle?
MARIS.
Et la tienne?
JEANNE.
La mienne est simple et naturelle.
MARIS.
Est-elle partagée au moins?
C'est mon secret.
MABIE, finomeat.
Ta me fais un aveu, mais nn aven discret.
Changeant de tmi.
Je n'ai le droit de rien exiger, mais en somme,
Tu peux bien me parler de ton joli jeune homme»
JBANNB.
Pardon : d'abord il n'est ni jeune ni joli*
MARn.
Ahl c'est comme le mien.
JBANNS.
Il est, donc accompli»
MARIR.
Pas beau?
JEÀNKE.
Tu ne crois pas, certes, que je désire
Un gandin, un gommeux, une tête de cire?
MARns.
[1 est Yieux?
JSANNB.
Il n'est pas .antédiluvien *
Il a trente-deux ans.
MAROS, TiTenant.
Juste l'âge du mien.
Aprèf no repoa.
Blond?
Non. Blond?
5it UN DOUBLE AVEU
MARIE.
Non. Bran?
JEANNE.
Non. Brun?
MARIE.
Non. Roux?
JEANIOS.
Pas encore.
MARIE.
Ni blond, ni brun, ni roux... il est donc incolore?
JEANNE.
C'est châtain si Ton veut.
MARIE.
Châtain clair?
JEANNE.
Oh! très-clair.
MARIE» areo ioteation»
Les feuilles quelquefois tombent avant Fhiver.
Bref, il est chauve?
JEANNE.
Un peu. L'on dit que le génie
Ëvite le front bas et la tempe garnie.
MARIE, inquiète.
Il est grand?
JEANNE.
Non.
MARDS*
Petit?
UN DOUBLE AVEU 57
JSANNB.
Non.
HABIB.
Il est donc moyen?
IXANIŒ.
Oui, ni grand, ni petit
XARni.
Toi^onrs comme le mien I
Jeanne I
IBANNI.
Marie 1
KABDE, à put*
Alors, Je frémis.
nJdXNMf m«nMjflii«
Plus de doute.
C'est lui I
IfABOB.
Ce ne peut étire un antre.
Alknt npidMD«Bt jtn Jeann*.
Ëconte 1
JEAimi.
Écoute.
Vrèf-rapidement.
EsMl négociant? rentier? agriculteur?
HABIB, mènejen.
Avocat? médecin? magistirat? armateur?
JBANNB.
Ingénieur? soldat? marchand? propriétaire?
88. UN DOUBLE MAU
Avoaé? professeur? journaliste? notiure?
JBA{II9B«
Nous marcherions une heure ainsi sans faire un pas.
Arrôtons-nous : il est artiste, n'est-ce pas?
MÂBIB.
Nous chercherions en vain à nous tromper nous-mêmes.
Son nom, tu le connais.
JBÂNNB, avee lensibilité.
Et j0 sais que tu Taîmes.
De quel droit Taimes-tu?
MARIE.
Quoi? tu parles de droits!
Tu ne peux alléguer qu'un mois, et j'en ai trois.
JEANNE.
C'est la première fois qu'une femme se flatte
D'être rainée en âge et la première en date.
MARIE.
En revanche, je vois que les jeunes souvent
Ont plus d'instruction qu'on n'en puise au^ couvent
JEANNE.
Peut-être.
MURIE.
Aux quarlités que ton esprit lui donnot
Je cherche ce qui peut te plaire en sa personne.
JEANNE.
Ta seule expérience est mon unique loi.
MARIE.
Je n'ai fait que parler après toi, d'après toi.
Il n'est pas beau.
ON DOUBLB.ibVftU 5f
JBAMHS.
Mais non.
MAJEUS.
Pas jeaiiêi
JB&MMI.
U faut t'-en croliiu
MARIE.
Trente-deux ans, pas vrai?
JSANNE.
Si j*ai bonne mémoire.
HABIB.
ITai-je pas entendu qu'ii manque de cheveux?
JSANNB.
1^ je l'ai bien compris,. c'est un de tes aveux.
MABIE.
Cet ornement est bon pour les cerveaux infirmes.
JEANNE.
C'est mon opinion, car c'est toi qui l'affirmes.
MABIK.
Pas grand et pas petit? llédiocre.
JEANNE..
Moyen.
MARIE.
Bref un homme qui passe et dont on ne dit rien.
JEANNE.
Soit, n'en parlons plus.
MARIE.
Mais alors, mademoiselle.
60 UN DOUBLE AVEU
Gomment expliquerai-je on tel excès de zèle?
JEANNE.
Mon zèle trouvera son explication,
Madame, dans Texcès de votre passion.
IfABIE.
Pour vous livrer ainsi, vous avez l'assurance
Qu'on ne pense qu'à vous?
JEANNE.
J'en ai quelque espérance.
Madame, Je suppose, est dans le même cas?
MARIE.
Je ne saurais aimer qui ne m'aimerait pas.
Mais quand ainsi deux cœurs...
JEANNE.
Deux ou trois !
MABUS.
Correspondent,
Quelle preuve en a-t-on?
JEANNE.
Oh! les preuves abondent.
MARIE, ironiqaement.
C'est un signe, un regard, un serrement de main?
JEANNE.
Peut-être.
MARIE.
Une façon de se dire « à demain? »
Voilà tout?
JEANNE.
C'est assez.
UN DOUBLE AVEU ftt
MARIE.
Et puis?...
JEANNE.
Je suis muette.
MARIE, aprèt on repot.
Il VOUS a fait des vers?
JEANNE.
Non, il n'est paspoôto»
MARIE.
Je le sais.
Aree iotentioa.
Il a fait votre portrait?
JEANNE.
Gomment?
U n'est pas peintre.
MARIE, TÎTement.
Il n'est pas peintre?
JEANNE.
Non vraiment.
Puisqu'il est architecte!
MARIE.
Alors c'est... c'est un autre 1
Toi le tien, moi le mieni
JEANNE.
Bref chacune le nôtre!
MARIE} embrassant Jeanne.
Jeanne I
II. 4
«s UN DOUBLE ÂYBU
JEANNE, emhrawMt Maria.
Marie! Hélas 1 dans quel pénible émoi
Tu m'as mise!
MARIE.
Et toi donc! Enfant I
JEANNE.
Pardonne^mm.
Après an dlanea.
Dis donc, Marie, es-tu bien sûre, mais bien sûre,
Qu'il est peintre?
MARIE.
Et le tien, architecte?
JEANNE.
Je jure
Que... que je n'ai jamais aimé monsieur...
MARIE.
Plus bas!
Ni moi monsieur...
JEANNE, lai mettant la main aar k bonehe.
Tais-toi !
MARIE.
Que je ne nomme pas.
JEANNE.
Peintre!
Architecte 1
MARIE.
JEANNE.
Dieu I que c'est beau, la peinture!
Le premier des beaux arts !
UN DOUBLE AVEU 6»
MÂROB.
Après l'architecture.
JEANNE) loi tendant U main.
Ohl qne c'est bien à toi d'aimer le tien I
MARIE, m£me jeu.
£t que c'est mieux à toi de n*aimer pas le mien
pur DB uir double Antv
Lfi
VOYAGE A TROIS-ÉTOILES
PAR
M. CHARLES GROS
II. 4.
PERSONNAGE
T0T4GBini..«,... M. C001Ul<ISf*CAJ>St.
La sotae se puse à «.... de aos jourt.
LE VOYÀOE À TEOIS-ÎTOTLES
Pardonnez-moi, ItaHieurs, ^si je «ois «an mard. G'eaC
j'anivfl de .mogr^ge à l'insUnl môme. Dn dumnam j^tit
voyage .foe Je ;fien8 de iaire 1 Jigurez-Yûxis un village,
non, un tbonig, un,grosJ>oijjçgméme, ^.uneJiûoiai deux
lieiiFes, trois benses no pins Ae Paris^ (je ne sais pins au
|D8lBia4i8tanaQ, panée Que j'ai oublié de regarder l'heur»
an partant ât imème en arrivant ^ et ipuis j*al dormi tout
le leng'delajHnte^) D'aibord j'étais |uurti pour des affaires...
«nfin, qà ne tous imére&serait pas. J'ai pris ma petite
ialifi4, parce que moi, les gros Mgogesie les oublie tou-
jours dans le train ou ailleurs ; tandis que ma petite valise
je la tiens à la main (G«t«.) et elle ne me quitte jamais, je
monte dans le ttain,J'en descends, et comme vous voyez je
i'ai tOIijOUnL .(Bisndtiift «v«e alapsar «ItnMtivMMBt n nain vld* et !•
jrirfto.) C'est la première fois que sa m'arTive. Baàl Elle
doit itre restée à la gare, je vais aller la réclamer tout à
l'heure. C'est facile à retrouver une valisfi en cuir, non,
vous savez, une espèce de toile. Il y a beaucoup de
clous, oui, beaucoup de clous autour ; je la retrouverai ;
c'est tout justement à la gare d'où je suis parti, on doit
me connaître. CTestt la gare du Nord, «nonl de TEst,
«8 LE VOYAGE A TROIS-ETOILES
nonl Oaest... Enfin je ne sais pas moi, je ne suis pas d'an
port de mer; je ne connais pas les points cardinaux... Dans
les ports de mer, ils se mouillent un doigta ils le lèvent en
Tairetils vous disent, il est sud-sud -ouest; enfin! c'est leur
affaire! La gare que je veux dire est au bout d'une grande
rue où il passe beaucoup de voitures. C'est effrayant ce
qu'il passe de voitures dans cette rue-là I... Enfin, je vais
me rappeler le nom tout à l'heure. Il faudra bien pour
retrouver ma valise. (Regardui n mùu Tida.) Je vous assure que
c'est la première fois que ça m'arrivel
J'ai donc pris la gare de... enfin, passons, et nous sommes
partis. C'est très-gentil de ce côté-là. Tout le long du che-
min, ça doit ôtre très-gentil aussi, mais je me suis endormi
après la première station. La première station c'est... Ahl
je me souviens de ce nom-là... c'est quelque chose-ceinture.
Ça va nous aider à retrouver la gare.
Oh! si vous aimez voyager, il faut aller par là. Moil
j'adore voyager; surtout comme ça. J'ai dormi!!! j'ai
bien entendu crier des noms en mUe^ en va2, en gny. Je
n'ai pas la mémoire des noms, cependant vous com-
prenez bien que j'avais retenu celui de l'endroit où j'allais.
C'est?... comment donc? je l'ai sur le bout de la langue.
(C'est si joli ce petit pays!) Enfin, je vais vous le dire dans
un instant. Aussi je me suis réveillé et je suiw descendu
du train. Ah! vous devriez y aller, c'est très-pittoresque.
Mon Dieu, la station, vous savez, c'est un peu comme
toutes les autres stations. C'est gentil tout de môme. Il y
a comme un hangar en bois peint, tout ouvert du côté de
la voie ; il y a une banquette autour, en dedans, et puis
des affiches de toutes les couleurs; vous voyez bien ça? Des
affiches rouges, des bleues des vertes, des jaunes, v^ ça fait
up très-joli effet.
11 y a un petit omnibus qui mène au bourg qui est à un
bout de temps de là.
Ah! c'est amusant les voyages! Surtout cet endroit-là.
LE VOYAGE A TROIS-ÉTOILES 69
Fignrez-Yous que dans romnibasje regardais le paysage...
C'est très-pittoresque par-là. A droite, il y a des champs,
des champs... de luzerne... de blé... ou d'orge, luoi je ne
connais pas rés plantes, c'est Taffaire des cultivateurs. Il y
en a qui voient de Therbe et qui vous disent : ça c'est de
l'orge, ça c'est de l'avoine, ça c'est du trèfle. Moi, Je n'y
connais rien. Pourtant là, à droite, je vous assure qu'il
y a beaucoup de luzerne ; c'est d'un très- joli effet; c'est
très-pittoresque... Et puis il y a une route que suit l'omnibus,
une route comme une autre... pas tout à fait comme une
autre, non ! Il y a une maison, une petite maison blanche
avec des volets verts. Vous n'avez pas idée comme c'est
joli des volets verts sur une petite maison blanche.
A gauche... attendez! ahl oui! je vois ça d'ici... à gauche
il y a encore des champs, des champs de luzerne aussi. Ces
champs à droite, ces champs à gauche, toute cette luzerne,
c'est très-joli, c'est très-pittoresque, je vous assure.
L'omnibus vous descend devant l'hôtel, le principal hôtel
sur la place ; c'est l'hôtel du SoleQ éCOr f non, du Lion d'Or?
non... enfin c'est quelque chose en or.
Je sais bien qu'il y a un autre hôtel à côté, quelque
chose en or aussi ; mais il faut aller à celui dont je vous
parle, c'est le meilleur ; vous le reconnaîtrez bien, allez-y de
ma part. Les gens qui le tiennent sont très-gentils; je n'ai
eu besoin de m'occuper de rien ils m'ont donné tout de suite
une chambre au premier... ou au second, je ne sais pas. Si
vous y allez, demandez cette chambre-là. C'est le n»... 7,
non... 3, ou non, je ne sais plus; mais ils vous la donneront :
ils sont si gentils. C'est une chambre très-propre.
La bonne a pris ma valise; (c'est ennuyeux que je l'aie
oubliée il va falloir que j'aille la rechercher dans un ins-
tant.) Elle n'est pas mal... la bonne. Comme elle disait bien :
« Bonjour, monsieur. Monsieur a fait un bon voyage? »
Et quels yeux II vous savez, a-t-elle les yeux bleus noirs,
verts, je n'en sais rien. Est-ce que je fais attention à la cou-
70 LE VOYAGE A TROIS-ftTeiLM
leur des yenx? H y « te •|>eM-fiù to«s disent eetle âarat
est grande, petite, eUe est btooée, elle est brane. Qu'est-^
que ça fait? poanra qu'elle soit ge&tttle! Moi je se me
souviens pas de tocs oes détails.
n faut prendre cette chambre quand yons irez là-bas.
Il'est propre ! H y a nn lit d'abord ayec des rideaux blancs ;
il y a aussi des rideaux blancs à la fenôtre ; il y' a une
table, puis il y a deux... non I trois chaises. Ah I il y a
encore un fauteuil; le fauteuil par exemple est un peu
dur, mais en voyage il ne faut pas être si difficile que ^a.
La bonne a ouvert la fenêtre... (e&le n'est pus mal du
tout, la bonne.) elle a ouvert la fenêtre pour donner un peu
d'air. 11 y a une vue très-jolie ; ça donne sur la place ; ou
est juste en face du café du Commerce, non ! de rCnion«
non! je crois, du Progrès. C'est le café le plus convenable
de l'endroit. Je suis descendu avant le dîner au café ; il y
avait beaucoup de monde. Il faudra que vous alliez à ce
caffé-là. Vous le reconnaîtrez, il y a un billard. C'efi là
qu'on voit les habitudes du pays, les costumes, et cœtera.
Ainsi là il y avait des gens en blouse bleue, il y en avait
d'antres qui avaient des paletots. Ils sliabillent drôlement
dans ce pays4à. En somme le costume est gentil. Ce sont
des gens très4>ien... je les ai entendus causer de leurs
affâTres. Ils causent bien ; ils parlaient, mon Dieu vous
sa^z^ du prix des grains, des foins, des achats et des
ventes de bestiaux, des bœufs, des veaux, de Uot pour
cent. Il y avait un grand en blouse a^ec un fouet ; je crois
que c'était un maquignon parce que je lui ai entendu dire :
« Quand j'achète un cheval, je veux que ee soit un cheval,
car si c'est pas un cheval l... moi je veux un cheval 1 »
Je vous assure, c'est un très-joli petit pays. Vous de«
vriez y aller.
Après j'ai été dîner à l'hdtel, à la table d'hôte. Vons
ne savez peut-être pas ce que c'est, une table d*hôte? C'e>t
très-curieux, surtout celle-là. Allez donc voir ça, allez-
LE YQTâGC A TROiS-tTOILKS 7ft
y de ma part C'est ue table: dans une sali» à Bftnger \mt-
gne, mie taMe <|«î a h fome itxat earré loiigf... neiil ^»
crois qae eelle dont je tous park est rende, on plutôt ovale;
enfin, ça ne fait rien ; moi je mange aussi bien sur une taUi
carrée que sur une table ronde.
* Il y avait des gens très-bien, des gens qui venaient
de... vous savez bien, la principale commune des envi-
rons?... *
Je ne sais plus ce qu'on a mangé! Il y avait du potage
et puis des viandes ; enfin I on mange très-bien. On a dis-
cuté, mais discuté gentiment.
* Vous savez, sur... sur quoi donc? Enfin je ne sais plus
le sujet de la discussion. Je me rappelle que le monsieur
qui était en face de moi a cru que je n'étais pas de son avis;
alors il n*a plus rien dit et il a mangé le nez enfoncé dans
son assiette.*
La discussion est devenue un peu vive à la fin; je serais
bien resté, mais Fomnibus de la gare est venu me reprendre,
j'ai dû repartir toutde suite pour affaires... Vous savez des
affaires... Enfin! ça ne vous intéresserait pas. J'avais mangé
an peu vite. J'avais envie de dormir! Et je m'en suis donné
tout à mon aise, je vous assure, à peine assis dans le vagon.
En revenant, figurez-vous que je me suis rendormi dans
ta voiture qui m'a ramené ici.
U tire M montre.
Mais voici la demie. Ah I je ne sais pas de quelle heure.
Ha montre marche juste, mais elle n'a qu'une aiguille, la
grande, pour les minutes. C'est égal, il n*est que temps
d'aller rechercher ma valise. Mais comment vais-je faire
pour retrouver la gare?... Ahl je demanderai à un cocher...
et avec un bon pourboire... (ii le foaflie.) Mais, mon porte-
monnaie?... il doit être dans ma valise! Enfin, si vous en-
tendez parler de cette valise en cuir... en toile, avec des
clous, beaucoup de clous, écrivez-moi n»... rue... Ahl
72 LE VOYAGE A TROIS-ÉTOILES
sapristi I enfla ça ne fait rien, écrivez-moi; je suis très-
connu dans le quartier, (ii t'ea ra et revient dire.) Mettez bien le
prénom, à cause du voisin d'au-dessus qui s'appelle comme
moi.
Nota. Lm ligna* précédées d'un astérique n*ont pas été dites.
mf DU VOTA 61 \ TROIS-ÂTOILBS
LE
ROMAN D'UNE PUPILLE
COMÉDIE
EU UN ACTE EN TERS
PAR
M. PAUL FËRRIËR
II.
PERSONNAGES
BIDIISR (85 ans).
BBIGITTB (i» ani).
LE ROMAN D'UNE PUPILLE
Un eabinel de tray«3. — iMMre «a fond. — Portas ItlérdM. •* Um tebb
chargée de fifrae^ avee «ne Mappeaioode, dee eonioMy nae boite à eeapas ;
» on téla«epdde«eatk futtire, biUtothèqoe, gnltid»; — mmkim eai^oa^
et/le evpirc.
SCÈNE PREMIÈRE
DIMER, seul, à U eastonde.
Déjeuner I... déjeuner! si tôt!... — Oh! par pitié!
Le rapport que j'écris n'est encor qnlt moitié,
Je voudrais le mener au bout tout d'une haleine,
Et votre déjeuner interromprait ma veine 1
— Il est tard, dites- vous?... ^ Pour cette seule fois!
Demain je... — Vous riez, et ce rire narquois.
Malin comme le diable et frais comme la rose.
M'oppose que je dis toi:ûours la même chose!
— Êhl bien, non ! je promets, je fais serment, la main
Haute, de m'amender, et d'être exact demain :
Vous n'aurez plus sujet de gronder, ou je meure!
Gonsentez*vous enfin, Brigitte?... — A la bonne heure t
£t puis — pour vous venger — dites, ma chère enfant.
Que e'est nn ennuyeux compagnon qu'un sanantl
n redeieend.
7(> LE ROMAN D*UNE PUPILLE
... C'est vrai pourtant qu'elle est d'une rare constance
De plier sa jeunesse à ma triste existence,
Et d'accepter sans plainte, à Tâge dont elle est,
La vie ingrate et morne où mon chagrin se plaît!
U écrit.
■ Et dès le gaz produit, voici comme on opère. •
S'interromp«nU
Or, çà, père Didier, faites-vous bien en père?
Vous avez assumé des devoirs sérieux —
Etes-vous convaincu de les remplir au mieux?
La fillette a seize ans, c'est une demoiselle
Aujourd'hui! — Vous l'avez instruite avec un zèle
... Absurde! Elle connaît les Grecs et les Romains,
Et saurait — comme vous — passer des examens I
... Mais le joli tuteur qui contraint sa pupille
 se charger l'esprit d'un bagage inutile,
Et qui, triste pédant et méchant bouquineur,
Lui donné le savoir aux dépens du bonheur i
Car elle ne peut être heureuse de la sorte!
Car elle est jolie! elle est rose et blanche! accortel
Aimante! gaie! elle a seize ans! elle aimerait
La toilette — le bal — le plaisir! Elle aurait
Des succès! et ceci flatte une jeune fille
Qu'on murmure, à la voir passer : « Qu'elle est gentille ! »
— Et vous la séquestrez à l'ombre d'un vieux mur
Poudreux! Vous lui volez le soleil — et l'azur!
Stupide jardinier, maussade en sa caboche.
Qui n'avez qu'une fleur, et la laissez sous cloche!
... Elle se mariera! Je veux que son mari
Illumine ce ciel trop longtemps assombri!
Je le veux jeune — bon — joyeux — étourdi même ! —
Je veux qu'il la distraie avant tout - et qu'il l'aime
Et plus, et mieux que moi je n'aurais su l'aimer!
Elle se marierai... — Tâchons de résumer
Ma pensée! Aussi bien le temps passe, et Je rôve!..c ^ ,^ ^
LB ROMAN D'UNE PUPILLE 77
Aprèf «A lAinps.
Du diable maintenant si mon rapport s'achève!
En cherchant à Brigitte un digne prétendu,
C'est de mes arguments le fil que j'ai perdu l
SCÈNE II
DIDIER. BRIGITTE.
BRIGITTE, nne lettre à U maU*
Puis-Je TOUS déranger?
DIDIER.
Toujours!
BRIGITTE.
C'est une lettre...
t Qu'entre vos mains, seigneur, on m'a dit de remettre! i
— Je ne vous eusse pas jusqu'ici relancé,
Si la suscription ne portait : très-pressé!
DIDIER.
t Très-pressé. » — Voyons donc quelle pressante affaire. ••
Urit.
Âh! bahl... ah! bahl... — Ceci vous concerne, machèrel
BRIGITTE.
Moi? qui donc vous écrit?
DIDIER.
Fabien.
BRIGITTE.
Monsieur Fabien?
DIDIER.
Mon élève — Fabien de Cheillit, tu sais biea:
1
78 LE ROMAN D'UNE PUPILLE
Ce gai compère à qui j'avais la bonhomie
De croire qu'on poorrait enseigner la chimie!
L'ardeur de la science est son moindre défaut,
... Et c'est tout Justement le mari qu'il te lauti
BRIGITTE.
Le marit
nmiBB.
Le maril — ma foi, sans préambules,
Sache qu'il m'est venu dans l'instant des scrupules,
Et qu'à certains remords dont mon coeur s'effraydt
Le billet que voici répond comme à souhait l
BRIGITTE.
Je ne vois pas en quoi tout cela me concerne?
DIDDSR.
C'est juste! j'oubliais d'éclairer ma lanterne 1
Ecoute donc un peu ce que Fabien m'écrit :
« Moucher maître 11 •
S'iatertompftiit*
J'allais me torturant Tesprit,
Mal à propos -^ songeant ^ comme un lièvre en son gîte»
Qu'il serait temps bientôt de te pourvoir, Brigitte,
Et.. • -— bref, je te cherchais un mari!
BRIGITTE.
Grand merci 1
Voilà de quoi songer et vous mettre en souci!
Me chercher un mari ! Que c'était bien la peine
De laisser, à loisir, s'écouler votre veine,
Et la bonne raison, mon tuteur, à donner
Pour faire — après midi — garder le déjeunerl
Dinuuu
Brigitte!
:.B ROMAN D'UNE PUPILLR 79
Baiorm.
Je croyais — excès de confiance! —
Que vous Yons oubliiez, monsieur, dans la scieneoi
Et je pensais — ainsi que vous disiez d'abord —
Que TOUS ayiez l'esprit tout à Totre rapporti
niDISB.
En effet... je Youlais...
BRIGrrTB.
La trahison est noire»
Et je trouve abusif, sévère, et vexatoire.
Quand on a de son temps un plus utile emploi,
De me vouloir chercber des maris malgré moi!
DU)IKR.
Allons bon! allons bien ! ô cœurs des jeunes filles I
On veut te marier, fillette!... et tu sourcilles!
Et sur tes grands coursiers tu montes au galop!
Fi! rindigne tuteur ! le vilain Bartbolo
Qui pense marier son Lindor à Rosine !
— Tu rêves le chapeau de sainte Catherine?
BRiarrrx.
Je n'ai pas dit celai
DIDQDU
C'est alors que Fabien
Te déplaît?
BRIGITTE.
Me déplaire est trop dire...
DIDIER.
Son bien,
Son âge, son humeur méritent qu'on l'entende:
BRIGiTTB.
Vous voulez lui donner ma main?
60 LE ROMAN D'UNE PUPILLE
DIDIER.
Il la demande 1
Lisl
BRIOITTB.
SMl faut obéir, en tonte occasion,
Comptez aveuglément sur ma soumission.
DIDIER.
Eh! veut-on t'imposer un choix qui te déplaise?
— Ne lis pas!... Sapristi!... je suis tuteur, —je pèse
Les candidats comme un tuteur, — brutalement,
— En chiffres.. . connus! — Mais toi, tu veux ton roman.
N'est-ce pas?... Tu t'es fait un idéal peut-être!
Gomment le rêves-tu? — je déchire la lettre.
BRICnTE.
Vous étiez bien pressé de m'éloigner!
DIDIER.
Oh 1 non !
Pressé de l'éloigner?... non pas! — ce m'est si bon
De te voir près de moi, jolie — aimante — et douce!
— Il faut que le devoir soit sacré, qui me pousse
A rompre l'écheveau de ces jours fortunés —
... Car je serai bien seul si vous m'abandonnez!
BRIGITTE.
Qui parle d'abandon?
DIDIER.
Ni toi, ni moi sans doute,
— Mais la raison. — Le ciel fait à chacun sa route,
— lusqu'ici nous avons suivi môme chemin...
•^ Il n'en faudra pas moins se séparer demain.
BRIGITTE.
Pourquoi cela?
LE ROMAN D*UNE PUPILLE 81
DIDIER.
Pourquoi?... — Ma tâche est terminée;
Quand ton père, en mourant, à mon cœur t'a donnée,
Je lui fis le serment que je te tiendrais lieu
De famille !
BRIGriTE, «Tee une émotion eroisMnta.
Serment bien tenu, certes I — - Dieu,
Qui m'a — dès le berceau — pris mon père et ma mère.
Me fit, par tqs bienfaits, la douleur moins amèrel
N'ayant jamais connu ceux dont je tiens le jour.
Et ne voyant que vous où porter mon amour,
Je TOUS aime, pour vous si tendre en ma disgrâce,
Et pour ces morts chéris dont vous prîtes la place!
DIDIER.
Brigitte!... mon enfant! —tu pleures! •* Sapristi!
Voyons donc! — * nous prendrons un mari bien gentil,
Qui fera le serment de nous laisser ensemble! ^
— Et nous vivrons ici — tous les trois! — quet*en semble?
— Et pour être assurés qu'il y consentira.
Nous en ferons la clause expresse du contrat !
BRIGITTE.
Çà| de me marier qu'est-ce donc qui vous presse?
DIDIER.
Ne te l'ai-je pas dit? — le devoir — ma tendresse —
Le soin de ton bonheur!
BRIGITTE.
Mon bonheur est ici.
DmiER,
Chère enfant! que c'est bon de me parler ainsi !
^ Mais je suis vieux...
BRIGITTE, riant.
Très-vieux! trente ans!
II. 8*
81 LE ROMAN D'UNE PCTPILLS
Ohl davantagel
Trente-fSbiql
BBIGITTB.
•
Je TOUS prie« est-on vieux à cet âge?
•^ Pent-ôtre que mes yeux tous sont trop indulgents,
Mais TOUS me semblez jeune entre les jeunes gens,
Et vous TOUS souTenez que je n'ai pu me faire
— Quelque soin que j'en prisse — ^ à tous dire : mon pèrel
DHHKU
Flatteuse I
BRiGnrB.
Non, Didier I non, c^est très-sérieux 1
Prenez des cheyeux blancs» et je tous cnHrai yieux !
nmiBR*
Je puis fadleoMmt réparer la méprîM,
El je Tais acheter uoe perruque
BRicrrTB.
Bon I la perruque grise est déjà du progrès 1
DIDIER.
Et nous reparlerons de mariage, après?
BRIGFTTB.
Ah I sur le môme ton souffrez qu'on tous réponde.
Monsieur qui tous plaisez à marier le monde,
Puisque le mariage a pour tous tant d'appas,
Expliquez-nous pourquoi vous mariez-TOUs pas?
MDIBB*
Moi, c'est différent!
BlUOfrTB.
Mïl.. — L'énngile dit : « Aime
LB ROMAN D'UNE PUPILLE 83
• Ton prochain, et fais pour lui comme pour toi-mômel »
Dn>lER.
S'il te faut le secret de ma confession,
*ai dû me marier..* Elle est mortel
BBIGITTI.
Oh I pardon !
DIDIER.
le vouai ce jour-là ma jeunesse à l'étude,
Et quand tu vins, enfant, peupler ma solitude,
Veuf par le souvenir, — père par Tamitié,
J'ai pu croire ma tidie aficompUe à moitié!
BBIGRTS.
Non, vraiment I c'est, BMmsieur, trop tôt perdre courage»
Et Ton n'a pas fini sa carrière à voire âge!
L'ombre que vous MMee ne jalouserait pas
Qu'un peu de bonlMiur vous sourie iei-hasl
Grois-tu?... — Hais quelle femme, assez infortunée.
Daignerait à la mienne unir sa destinée?
BRiorrrB.
J*en sais pertinemment qui ne dirait pas noni
DIDIBR.
Ta m'as connu pourtant maussade, compagnon,
Misanthrope sévère entre les misanthropes,
Le nez dans les bouquins — et l'œil aux télescopes,
— Entre une équation toujours et mes compas,
Et de plus, jamais prêt à l'heure des repas I
BB161TTB.
Je vous ai cousu bon, si vous êtes sauvage*
Instruit sans pédantisme » et tendre sans tapage,
Et celle-là serait heureuse, que je crois.
Sur qui s'arrêterait i*fei(»ineur éè votre cholil
84 LE ROMAN D'UNE PUPILLE
DIDIER.
Ce ne sont point vertus dont les filles soient folles I
BRIGITTE.
Toutes les filles, donc, les jugez-vous frivoles?
Il en est — croyez-moi — de très-sages!
DIDIER.
Ohloui!
— Les vieilles!
BRIGITTE.
Vous voilà bien sévère aujourd'hui 1
DIDIER.
Mais toi-même, réponds, friponne qui me flattes I
Âi-je Tart seulement de nouer mes cravates?
Suis-je à la mode avec mon habit suranné,
Mes souliers de cuir jaune, et mon col chiffonné?
Sais-je valser du moins, ou chanter la romance?
Ai-je quelque talent? me vois-tu quelque chance^
Et toi-même, malgré ta précoce raison,
Voudrais-tu d'un mari tel que moi?
BRIGITTE.
Pourquoi non?
DIDIER.
Cher ange 1 il n'est donc pas d'aveugles que les pères
"^ C'dst ma faute!... Liée à mes travaux sévères,
Tu ne peux soupçonner même — cœur ingénu! ^
Qu'il soit un autre amour que tu n'as pas connu,
— Qui ne fleurirait pas dans ma sombre demeure,
— Et qu'un jour... — Mais je vois que j'ai devancé l'heure
Je t'di crue une femme, et tu n'es qu'an enfant!
BRIGITTE.
Un enfant s'il vous plait? ma raison s'en défend I
LE ROMAN D'UNE PUPILLE ' 85
Je snis femme, monsieur, et femme point frivole
M'étant — docile élève — instruite à votre éeole!
J'ai mon roman — roman grave, et très-pea banal.
Et mon cœur s'est déjà formé son idéal!
DIDIER.
Voyez-vous la fatéel Elle aimait en cachette I
J'aurais du m'en douter tout d'abord! — Pauvre tête
Qui battais la campagne et ne devinais rien !
Ce noble empressement à refuser Fabien,
Ce gros dépit rien qu'au seul mot de mariage,
N'était-ce, pardieu! pas le plus sûr témoignage
Que ce cher petit cœur avait déjà battu?...
Quel est-il, ton héros? Gomment le nommes-tu?
Est-il très-beau? très-bon? jeune? brillant? — Sans doute!
Sait-il qu'il est aimé? d'où l'aimes-tu? J'écoute!
BRIGITTE.
Je ne sais s'il est beau, connaissant qu'il est bon.
Il est — selon mes goûts — moins brillant que profond.
Son âge me convient, malgré quelque distance —
Et je lui crois, dureste^ une modeste aisance.
Je l'ai connu chez vous ! Je Taime dès toujours —
Il l'ignore — il faudrait qu'il vint à mon secours,
Et qu'enfin — me voyant justement interdite —
Il surprit ces aveux où ma pudeur hésite!
Je vous en dis beaucoup! à vous de deviner
... Ce pendant que je vais chercher le déjeuner!
Elle sort.
SCÈNE III
DIDIER, Moi.
Brigitte!... je. . moi... — Oh! c'est un rêve!... je rêve
^^surémentl — Brigitte! -^ un mot encorcr.. achève!...
«6 LE ROMAN D'UNE PUPILLE
Son nom?... le... — > Fardieul j'ai dormi sur monnpimrtl
On songe étrangement qaelquelois quand on dort,
Et de pareils travaux sont assez somnifères I...
Pour des réalités j'aurai pris ces chimères 1
— Je ne dors pourtant pas I... je veille, sacrebleu!
Je rai vue ^ entendue — et, ce n'est pas un jeu,
Sa douce voix m'a dit des choses... impossibles!
~ Mais réelles 1... aussi claires -— qu'inadmissibles!
Et ce portrait qu'elle a tracé — c'est mon portrait!
Et sinon moi ^ Didier I qui s'y reconnaîtrait?...
€'est moi!... je suis aimé d'elle! tout me l'assure!
— Je croyais que mon cœur fût mort de sa blessure,
Et je le sens qui bat!... D'où vient qu'il bat si fort?
Serait-ce qu'il renaît, et puis-je aimer encor?
Brigitte!... Oh! mon sang bout — et ma tête s'égare!
Brigitte! Âh! ton amour a ranimé Lazare!
— Mais non! rendormez- vous, mon orgueil triomphant 1
Je ne puis être rien qu'un père à cette enfant;
Elle-même s'abnse, et — dans son innocence —
Pour de Tamour, hélasl prend sa reconnaissance 1
Contre renchantement je saurai m'agnerrir,
Et c'est là mon premier devoir» da la gnérirl
SCÈNE IT
DIDIER, BRIGITTE, avec le déjennar sor an platean fp'tUs
le gudridon.
BBIGITTJB.
1
Le déjeûner!
Djnuu^
Mafiilel
L« SOMAN irUNË PUPILLE Sî
BBUHTTV, à put.
Eh qnoi! bonté diyinel
Il m'appelle « sa fille »l... est-ce ainsi qu'il derine?
lUDIEB*
Viens rers moi!
BRIGim.
Me voici*
DIDIEB.
fai tom GoispriB*
BRIGITTS.
VraimeBtl
C'est de qvm faire haniieur à soa enteidementl
Dmisn.
J'ai connu ton béros à travers Tanonyme.
BBiarniB, i pwu
Perspicacité rare... étonnante... et sobltmel
nmiEB*
Son portrait m*a aott i^a«r démêler soi Bom.
BBicrriB.
Voilà des compliments à flatter mon crayon !
nmiBB.
Mais, par quelque tendresse un moment égarée,
De ton cœur, ma Brigitte, es-tu bien assurée?
Et ne l'aimes-tu pas, celui que tu chéris.
Pour de minces bienfaits dont tu grossis le prîK?
... A ton âge, on se peut abuser de la sortel
On se laisse emperiar où l'instinct vous emporta,
Vers /a source limpide — et le rayon dorél
Et de la soif d'amour votre cœur dévoré
— Ignorant la douleur et son amer baptême — >
88 LE ROMAN D'UNE PUPILLE
Prend Tombre da bonheur pour le bonheur lui-môme I
... Mais il a marché, lui, de longs et tristes pas,
Lui que tu crois aimer — et que tu n'aimes pas —
Et qui de ton erreur ne peut-être complice!
Dans ton rêve d'amour il voit un sacrifice,
Inconscient peut-être — et certain cependant.
Et ce n'est pas à lui d'immoler son enfant!
Il sait faire sa part à ta reconnaissance!
Mais des soins qu'il a pu donner à ton enfance
T'es-tu pas acquittée, et plus que de raison,
Par tout ce que tu mis de joie en sa maison?
N'es-tu pas son orgueil? et le bien de sa vie?
Toi qu'on admire, et que toute mère m'envie!
Et ne Yois-tu pas bien — entre ma fille et moi —
Que^ s'il est des bienfaits, ils viennent tous de toi?
BRIGITTE.
Et vous ne voulez pas, mon Didier, qu'on vous aime.
Vous dont le cœur ardent est l'éloquence même?
Vous qui trouvez des mots d'amour brûlants et doux
A rendre Juliette et Roméo jaloux!
Vous ne concevez pas que le cœur d'une femme
Veuille embraser son aile à cette pure flamme,
Et qu'une âme se donne entière et sans retour
A qui — chantre divin — chante si bien Tamour!
DIDIER.
Brigitte!
BRIGITTE.
Il vous plaît mieux d'imaginer un conlo
Où la reconnaissance est tout à votre compte,
Et vos raisonnements serrés et délicats,
Prouvent par A -(- B qu'on ne vous aime pas!
DIDIER,
De grâce!
LE ROMAN D'UNE PUPILLE 89
BRIGITTE.
Je m'incline, et je dois reconnaître,
En ceci comme ailleurs, que vous ôtes mon maître!
Vous êtes la sagesse — et mes seize ans ont tort.
Vous saurez, mieux que moi, mener ma barque au port»
Je rends pleine justice à votre expérience,
Et pour vous témoigner quelle est ma confiance,
Ecrivez à monsieur de Gheillit dès demain
Que j'accepte son nom, sa fortune, et sa main.
DIDIBR.
Vous acceptez?...
BRIGITTE.
Sa main, son nom, et sa fortune.
DIDIER.
Y songez-vous?
BRIGmE.
Comment?
DIDIER.
Sans dépit — sans rancune —
Croyez-vous que ce soit le mari qu'il vous faut?
BRIGITTE.
Pourquoi non? — il est jeune — il est brillant — et beau,
Ni misanthrope, ni sérieux que je sache,
Et j'ai vu qu'il excelle à friser sa moustache.
DIDIER.
Vous riez?
BRIGITTE.
Nullement 1 c'est un très-bon parti I
Et le couple sera galamment assorti,
Et ceci me sourit de plus — je le confesse — .
Que monsieur de Gheillit me fera vicomtesse'
1H) Ll ROMAN D'UNE PUPILLE
DIIHRR.
Voas avei trop d'esprit, ma cbère^ et de raison»
Pour YOBs laisser séduire aux appâts d'an blason^
Et je ne croirai pas, — hormis qae je le voie —
Qu'an semblable hameçon prenne une telle proie!
Non, monsieur de Gheillit, tout vicomte qu'il est^
Assurément vous doit déplaire — • et vous déplaiti
Je le connais, et Dieu garde que j'en médisA»
Mais, s'il faut vous parler d'une entière franchise.
Fût-il marquis ou duc, — c'est un très-bon garçon
... Qui ne vous conviendrait en aucune façon 1
BRIGITTE.
Tous croyez?...
DIDIBR.
... Affectant des airs de personnage —
Inconséquent — léger plus encor que son âge —
Ignorant — désœuvré — fat — sceptique — railleur —
Yain de quelques succès... qu'il doit à son tailleur,
— Grand amateur da club — de sport — de vénerie —
Richelieu de manège, et don Juan d'écurie —
Et qui vous aimerait — ayant tous ces défauts —
Un peu plus que ses chiens, et moins que ses chevaux
BRIGITTE, à part.
Allons donci
DIDIKB.
D'un pareil trésor il n'est pas dignel
— Cherchez ailleurs I
BRIGITTE.
Très-bien, monsieur, je me resigne. ••
... D'autant plus aisément que — s'il vous en souvient "—
C'était sur votre choix que je réglais le mien.
UDIER.
Eh bienl oui... je croyais... trouver... quelque avantage. •;
/
LE ROMAN D'UNE PUPILLE 91
BBIOITTB.
Vous voyez donc, Didier, qa'on se trompe à tout âge I
Mais me voici plongée en nn grand embarras,
Car monsieur de Cheillit — dont nous ne voulons pas ^
De la mode du Jour n'est qu'un reflet fidèle,
Et l'on dit qu'ils sont tous taillés sur ce modèle I
Si ce qu'on dit est vrai, dans un tel désarroi.
Où trouver à cette heure un bon mari?
DU>DSR, homblement.
Prends-moi 1
BBIGITTI.
Vous?...
DIDIER.
Tu voulais tantôt!
BaiarrcB.
Vous m'avez éclairée!
J'ai va — depuis -— combien je m'étais égarée!
Vos avis ont porté leur fruit!
DmiBB.
... Faute de mieux!
BRIGITTE.
J'y consentirais bien, si vous n'étiez si vieux!
nmiER.
Si vieux?
BBIGim.
Trente-cinq ans!...
DIDIER.
Non! il faut en rabattre I
Trente-cinq dans un mois... cela fait trente-quatre.
BRIGITTE.
C'est beaucoup I
92 LE ROMAN D^UNE PUPILLE
DIDIER.
Je n'ai pas ombre de ride au front!
Vois donc! — ni cheveux blancs!
BRIGITTE.
Les cheveax blancs viendront l
DIDIER.
Tard!
BRIGITTE.
Vous êtes sauvage, et n'aimez pas les fêtes I
DIDIER.
Je m'y ferai.l j'irai dans le monde I
BRIGITTE.
Vous êtes
Râpé comme un savant, et cela vous vieillit!
DIDIER,
Je prendrai le tailleur de monsieur de Gheillitl
BRIGITTE.
J'aurai — je le prévois — l'algèbre pour rivale!
DIDIER.
Ârchimède s'engage à filer pour Omphalel
BRIGITTE.
Vous serez inexacte l'heure du dinerl
DIDIER.
Ce sera ton devoir de me disciplioerl
BRIGITTE.
Et puis -<- voudriez- vous, mon ami, que je fisse,
— > Voire inconsciemment — un si grand sacrifice?
DIDIERt
Méchante!
LB ROMAN D*UNB PUPILLE A3
BRIGITTE.
Je ne puis yons aimer autrement
Qa*en père — n'est-ce pas votre graud argument? —
Etant accoutumée à vous dire : mon père 1
DIDIER.
Non! tu n'as jamais dit : mon père I... Ohl nonl — j'espère!
Car je vois qne tu ns tout bas! — que c'est un jeu!
— Et que tn m'aimes! Oui! tu m'aimes! — Oh! mon Dieul
Félicités dn ciel! félicités suprêmes !
Anges du paradis, se peut-il que tu m'aimes?
— Oui ! je ne doute plus! j'étais aveugle et sourd,
Brigitte — de nier que lu m'aimais d'amour!
Et pourquoi pas?... mon âme est la sœur de ton âme,
Et je vous aime... autant que vous m'aimez, madame!
BRIGITTE.
Ah! voilà des aveux qui m'ont donné du mal!
DIDIER.
Mais qu'un savant, ma chère, est un sot animal !
C'est moi qui me trompais, et toi qui voyais juste —
Mais mon doute est tombé devant ta foi robuste,
Et nous étant prêches l'un l'autre, concluons...
BRIGITTE.
< ... Que les jeunes curés font les meilleurs sermons! »
mr DB LB KOMÀV d'okb popilli
LE BILBOQUET
PAR
M. CHARLES GROS
LE BILBOQUET
Of Coquelin-Cadet.
Mais non! ça vous ennuiera. C'est une chose comme il en
arrive à tous les artistes. Enfin I je vais vous raconter ça en
deux mots, (ll tire sa montre et regarde Fiieare.) parCO qu'il faUt qUO
je m'en aille travailler.
C'était un dimanche, du côté delà Bastille, sur un boule-
vard très-commerçant; il y a des trottoirs larges et des
arbres pleins de poussière. On allait fermer les boutiques. 11
y avait des concierges assis devant leurs portes à respirer
Fodeur de la station de fiacres. Ils appellent ça prendre le
frais I « Et puis un tas de gens qui venaient de la campagne;
ils étaient harassés, ils portaient de gros bouquets de fleurs
des cbamps, et puis des paniers où on entendait ballotter des
bidons de fer-blanc, des croûtons de pain et des bouteilles
vides. » Il y avait aussi des demoiselles qui jouaient au volant
devant les boutiques de leurs parents, vous savez, des mar-
chands de lampes à pétrole, des petits épiciers-merciers, des
herboristes... Tenez, c'est là, justement que j'ai remarqué
un rond de gens, bâillant comme des moules autour d'un
petit herboriste : un garçon de quinze à seize ans, avec des
cheveux blonds sales^ en pluie, des yeux étonnés et gonflés
en dessous, des grosses mains. — Ce moutard était là avec
un air idiot à jouer... devinez? du bilboquet I... Âh! il avait
lU 6
98 LE BILBOQUET
enfilé dix-neaffoîs la boule! et il continuait en comptant:
vingt, vingt-cinq, trente... ça ramassait le monde... jus-
qu'aux filles qui jouaient au volant qui se sont arrêtées pour
venir voiri C'était un succès.
Le petit bonhomme emporté par la gloire, passe à d'autres
exercices ; il reçoit et maintient la boule en équilibre sur la
pointe. Il prend la boule à la main. C'est maintenant le bil-
boquet qui voltige et vient se planter sur cette boule. Mur-
mures d'approbation dans l'assistance! Alors le jeune artiste
attrape le bilboquet au vol, et enfile la boule, puis at-
trape la boule et y plante le bilboquet, et il continue long-
temps comme ça, et, pour terminer par quelque chose de
remarquable, — il connaît le public, — il tire son canif,
coupe la ficelle et par des mouvements concentrés du poi-
gnet, il dégage la boule qui tourne sur elle-même et vient in-
variablement se planter sur la pointe...
C'est là que je l'ai arrêté, j'en avais assez 11 je lui ai dit :
a Vous croyez jouer au bilboquet, mon bon ami? je lui ai
pris son bilboquet. « Qu'est-ce que vous avez là?... Ça n'a
pas de poids pour les premières études, ça n'a pas de pré-
cision pour le jeu correct, vous ne ferez que vous perdre
la main avec cette bûche! » J'essaie la boule, en la faisant
rouler sur mon bras; le centre de gravité n'était pas dans
i'axe du trou ! Il me regardait avec des yeux énormes,
il ne savait pas ce que c'était que le centre de gravité,
et il voulait être bilboquétiste!!!
Je lui disais : Jetez-moi ça au feu ! Il faut pendant six
mois, au moins, vous faire le bras avec un bilboquet
f hompson, en bronze d'aluminium, (au publie.) Ceux en pla-
tine sont excellents, mais ils coûtent trop cher pour un
herboriste. — Oui, six mois, au moins d'exercice avec le
Thompson. C'est ce que j'ai fait, moi, messieurs, et non pas
six mois, mais trois ans ; après ces trois ans je ne savais
rien, j'avais de la résistance, j'avais le bras alourdi mais...
e ne savais rien, moins que rien !
Alors je passai au bilboquet Schutzenberger en ébène
LE BILBOQUET 90
avec boaie e& ivoire — pas de Schutzenberger, la boule,
mais de Gascarini de Bologne. Gascarini fait les premières
boules du monde, mais il n'entend rien ayx manches ; du
reste il a renoncé à les fabriquer. Mais pour les manches
de bilboquet il n'y a que les Schutzenberger, j'entends ceux
d'avant 1817, signés! parce que les nouveaux sont taillés à
la serpe. Je sais bien qu'il y a Van-der-Dussen-le-vieux de
Rotterdam qui imite les Schutzenberger, pas mal môme,
seulement on ne les trouve que d'occasion et comme ils
sont à bas prix, ils ont été mal joués... et quand un bilbo-
quet a été mal joué ! pfsst ! (Geste.) Quant aux imitations belges
de Jean Moêrickx, c'est mal réglé, mal centré, il n'en faut
pas! Ah! par exemple, à Ravennes, il y avait un fabricant,
un artiste Glambattista Farone, celui-là est excellent pour
la retouche et le montage.
Quant à la cordelette c'est tout une autre question ! Il n'y
a au monde que la cordelette fabriquée par Juan Fonseca à
Lisbonne. Vous la faites macérer... tremper... mariner, deux
heures^ pas plus, avec du vitriol vert, puis vous la faites,
sécher et vous la graissez avec de l'huile de noix conservée
dans un endroit bien sec.
Et puis il y a la manière de retirer au fuseau de cuivre,
de l'enrouler sur la bobine ovale. Enfin, j'ai la formule
et les appareils chez moi ; — vous ne les trouveriez pas
ailleurs.
Et l'ajuster, cette cordelette au manche du bilboquet! et
l'ajuster à la boule! Vous ne saurez pas, vous ne saurez ja<
mais ! moi-même je ne sais pas. Ça ne fait rien, venez me
trouver, je vous l'attacherai.
Il y avait des gens là qui avaient l'air de ne pas du tout
s'intéresser à ce que je disais; mais il y a des choses qu'un
artiste ne peut pas laisser passer! Aussi je lui ai dit à ce
garçon-là, ce que j'avais fait. — J'ai travaillé six mois, trois
ans, sur un Thompson, mais ce que j'appelle travailler! Je
me levais tous les jours à six heures. Une demi-heure pour
ma toilette. Une demi -heure pour manger ma soupe et faire
100 LB BILBOQUET
an pen d^exercice. Totijours de la soupe! Jamais de café an
lait on antres excitants qui dtent la sûreté aux nerfs. À sept
heures, sept lietiTes un quart j'étais au travail. Âh I quand ar-
rivaient dix lieures le bras me faisait souvent mal, (Gefta.)
pourtant j'allais jusqu'à dix heures et demie. Là je laissais
le travail, et la demi-heure d'avant onze heures était em-
ployée à des douches glacées et des frictions au gros sel gris
pour empocher les courbatures. De onze heures à midi, je
faisais une promenade assez longue. Â midi. Je dînais. Tous
les jours la soupe et le bœuf avec un plat de légumes.
Quelquefois une petite sucrerie pour dessert. Très-peu de
vin, jamais de café! Après dtner, je faisais encore une petite
promenade ; moi j'aime mes aises.
Mais à une heure j'avais repris le travail jusqu'à quatre
heures. A quatre heures, encore une douche froide (sans
friction) et croquer un morceau de pain sec. Et me voilà
encore avec mon instrument jusqu'à sept heures. Et puis
souper, ohl légèrement; une petite promenade. J'ai remarqué
qu'un peu de loisir vers le soir ouvre l'esprit à de nouvelles
combinaisons. L'exercice n'est pas tout dans l'art, il faut la
rêverie! A dix heures et demie au plus tard, au lit. Je mets
à côté de moi, sur la table de nuit, mon bilboquet, parce
qu'il peut venir des idées subites ou bien des insomnies.
J'ai fait cela tous les jours que Dieu fait pendant dix ans,
après dix ans je ne savais rien! réellement rien! rigoureu-
sement rien ! Je n'ai pas perdu courage, je me suis mis au
travail encore dix ans (on ne peut rien apprendre, on ne sait
rien)...
Moi qui vous parle à cette heure-ci, je ne sais rien! Vous
me direz que j'ai gagné le prix au grand concours interna-
tional de 1858. Vous savez, avec les Américains? Mais pas
de concurrents sérieux! ce n'est pas moi qui parlerai de ce
concours-là!
J'ai dit à ce jeune homme : c Lâchez tout à fait votre her-
boristerie. Faites ce que j'ai fait pendant dix ans^ pendant
vmgt ans, vous ne saurez rien. Ne perdez pas courage,
LE BILBOQUET 101
continuez, et vous ne saurez rien I rien I rien I D'ailleurs
qu'espérez-vou» en débitant tous les jours de la farine de
lin et des clysopompes?... c'est indigne de vos aspirations 1
Si vos parents (sa mère, une grosse femme, me regardait
d'un air furieux) si vos parents peuvent se passer de vous
et vous assurer six à sept cents francs par an (moi je n'ai
guère davantage), ne faites rien autre chose que travailler
votre bilboquet, pas celui-là, pas cette quille. Si vous n'avez
pas la vocation, vous n'arriverez à rien. Si vous Tavez, vous
n'arriverez pas davantage ; mais vous travaillerez pour faire
comme moi, pour savoir que vous ne savez rien I •
Figurez-vous que ce jeune idiot me tend son bilboquet
pour me voir jouer. Âh I je lui ai répondu : Croyez-vous
que je me sers d'un pareil bâton de chaise? et dans la rue
encore, devant des personnes que je... respecte comme on
doit respecter tout le monde; mais qui n'ont ni l'attention,
ni le goût, — le goûtl qu'il faut dans une séance sérieuse.
Jouer du bilboquet dans la rue? se montrer comme un chan-
teur des cours? Ce serait perdre toute dignité artistique, (au
publie.) Je ne voudrais même pas jouer ici, parce que j'aurais
honte de plaire, vu mon absolue nullité 1 car je suis nul !
je ne sais rien! je suis nul! nul! nul! je ne sais rien!
rien!! rien!!!
U sort les bras levés, exaspéré.
m DU BILBOQUET
IT. 6.
BILLET DE FAIRE PART
M. JACQUES NORMAND
BILLET DE FAIRE PART
(}4 C, Coquelin.
Depuis dimanche une heure et quart
Le ciel, cédant à ma prière,
k hien voulu me rendre père...
Et je Tiens vous en faire part.
Chut! chutl... Dans la pièce voisine
Il sommeille, mon premier-né,
Au fond du berceau tout orné
De dentelle et de mousseline.
J'avais beau soutenir que non,
Chacun disait dans la famille :
« Cène peut être qu'une fille! »
Ten étais sûr : c'est un garçon!
Un gros garçon!... Et, sans système,
Sans vain amour-propre d'auteur,
Un garçon qui me fait honneur
Et me rend tout fier de moi-même!
Ma femme — un ange, un cœur parfait!
Mais qui n'obt pas très, très*jolie,
106 BILLET DE PAIRE PART
Gomme an fait évident, publie
Que l'enfant est tout son portrait.
Elle a mis cela dans sa tête!
Je ne la contredis en rien...
Mais, à dire vrai, je crois bien
Qu'elle est dans une erreur complète.
Si vous pouviez un seul moment
Voir mon béritier! sa tournure,
Son profil à la ligne pure,
Son corps au souple mouvement,
Son front noble, la courbe fière
De son nez, ses yeux bleu d'azur...
Vous vous écrieriez, j'en suis sûr :
« C'est tout le portrait de son père! »
Pour le baptême on a déjà
Gboisi le parrain, la marraine...
Les noms arrivent par douzaine :
C'est celui-ci, c'est celui-là!
Bref, chacun intrigue, cabale,
Plaide pour le saint de son choix :
On ferait moins de bruit, je crois,
Dans une lutte électorale.
Non contents de le baptiser
Nos amis, dévoilant d'avance
Tout le cours de son existence,
Prétendent la prophétiser :
Les femmes le font militaire
Et colonel du premier coup ;
BILLET DE FAIRE PART 107
Le parrain, pins simple en son goût.
Rêve le titre de notaire.
— c Industriel! qnel bel étati »
Dit nn oncle dans l'industrie.
— « Le barreau I Mais c'est là la vie ! »
k
Répond mon cousin l'avocat.
— < Qu'à la culture il se destine I »
Dit le grand-père, agriculteur.
— c Croyez-moi, me dit le docteur,
< Qu'il fa^se de la médecine! n
Mon Dieu! quel sera son métier
Dans vingt ans, messieurs, je l'ignore!
Ne m'en tourmentez pas encore :
Tâchons d'abord qu'il soit... rentier!
C'est pour moi chose secondaire
Que son avenir : et j'attends
Qu'il commence à faire ses dents
Pour songer à ce qu'il doit faire 1
D'ailleurs... Eh bien! qu'est-ce ceci?
Quels cris me déchirent l'oreille?
C'est mon héritier qui s'éveille...
Il s'éveille toujours ainsi.
Il va pendant une heure entière
Crier sans cesser un moment...
Moi, je trouve cela charmant :
Il a l'organe de son père!
Il est gai sitôt qu'il me voit...
Ne le dites pas à sa mère
108 BILLET DE FAIRE PART
Car elle prétend qu'au contraire
Il pleare dès qu'il m'aperçoit.
!••
Allons I voilà qu'il recommence I..
Oui, petit tyran, me voilà! ^
Rien ne vaut pour lui son papa...
Je vous le dis en confidence.
i
Ahl certes! c'est bien mon portrait 1
Et j'en rends grâce à la nature...
On aime à voir sa signature |
Au bas des actes que l'on fait 1
r
Et puis... Mais je ne pense guëres
Tant je me sens le cœur joyeux.
Combien je dois être ennuyeux
En vous racontant mes affaires?
Les.moments paraissent si courts
Quand on parle de ce qu'on aime!
D'ailleurs, c'est plus fort que moi-même...
On n'est pas père tous les jours I
Près de cet être frais et rose
Je suis comme ragaillardi...
Allons voir s'il n'a pas grandi
Depuis si longtemps que je cause.
Oui! je le sens : je fus bavard...
Daignez m'excuser : c'est la joiel
Et permettez qu'en vous envoie
Ce gai billet de faire part!
FIN DU BILLET DE FAIRE PART
LA LETTRE
DU
FUSILIER BRIDET
Pi^R
. £MILË DURA.NDËAU
I
II.
Cette f&ntftitie est extraite Â'nn toIium de M. Emile Dorandeev
CIVILS ET MILITAIRES
publié à la Librairie Taini,
Avec enriroB clMfpMntÊ destmt sur boit À» JhnuniaVy
f*réfaoe de
rHBODORB SB BÀMTILLB
LETTRE DU FUSILIER BRIDET
•^■^^•«AHi^aB*aa»i*ai«^— >aMa**<i^M««tfte«aiiB<^ai^MvaBa»»*>-^*>«ak**-a— i^MMMk^MVa^toi
A Monsievrre,
Monsieurre Jean^Nêpomueène^ Ignace BRIDET, mon père^
ou dans ie cas qui n'y ssrait pas à la femme FréciUe'
Clandestine BRIDET sa oonjeinte^ eu dans le casqu'eUs
n'y seraU pas à Jmsqmes- Séraphin BRIDET, êU le
Fuite, mon frère de iaU à l'hameam de l'Epine près
Saint^enerin par Au^eterre
frtmce^ Europe^ Ancien CamimsnU
Chers parents.
Je snis-t-enta arrîTé-E'au oorfM dont }e voea en^àt «a
deux mots de billet pour tous dire que ma santé se porte
bien quoi que le régime du régiment ne me réussit pas du
tout. — Je profite que je peux vous envoyer ces deux
mots de billet pour vous dire que je m'ennuie à crever
<|uoique, jusqu'à présent, je n^ai encore eu aucun agrément*
— donc, Je profite que je peux voas envoyer ces deux mots
de billet pour tous dire «— que je n'ai pas besoin d'argent
112 . LETTRE DU FUSILIER BRIDET
— VU qae J'ai-t-ici toat ce qu'il me faut, cependant — si,
quelquefois que tous poureriez m'envoyer une pièce de
trois francs, ça me ferait de l'agrément mais ne vous gênez
pas pour cela — cependant, si, quelquefois, mon frère pou-
vait m'envoyer une pièce de quatre francs, ça me ferait
plaisir, seulement dites-y qu'il ne se gêne pas pour cela vu
qu'ici on nous donne tout ce qu'il nous faut. — Cependant,
— si par hasard que vous pouviez m'envoyer... ça ne serait
qu'une pièce de six francs ça me causerait de la félicité, vu
que j'en ai besoin pour faire le jeune homme, mais je vous
le répète, ne vous gênez pas, •— mon Dieu, ne vous gênez
pas.
Dites plutôt à mon frère de me l'envoyer sans se gêner.
Je suis-t-en garnison à Âire-sur-la-Lys, Nord.
Ce pays est fertile en blé, colza, pierres calcaires, grand
commerce de pipes, raffineries nombreuses, théâtre, musée
birbilliothèque, corps de pompiers magnifiquement organisé,
et caetera, et cœtera., toutes les douceurs de la vie enfin! —
Cependant ne m'écrivez pas là parce que je n'y suis plus,
étant parti avec deux compagnies du dépôt.
Ne m'écrivez pas non plus à Saint-Omer, Artois, parce
que j'y suis, — mais je n'y serai plus dans une heure et
demie, deux heures moins le quart environ, ne m'écrivez
que quand je vous aurai écrit d'où que je serai — quoique
je ne sache pas du tout ous que nous allons.
Quant à la pièce de huit francs que je vous demande —
je vous le répèle ne vous gênez pas, vous en avez peut-être
plus besoin que moi. — Aussi dites à mon frère qui me
l'envoyé, sans se gêner, ou bien en se gênant.
Adieu, chers parents, agrégez l'adolescence de mes sensa-
tions perpétuelles et de mes salubrités respectives. Yotre fils
pour la vie.
Joseph BRIDET,
Fusilier au 73« régiment d'infanterie de ligne^
3* bataillon^ 6* compagnie.
LETTRE DU FUSILIER BRIDET HZ
Po9te aux Scriptions.
Tontes réflexions faites. — Si mon frère ne ponvait pas
m'envoyer la pièce de dix francs^ envoyez-la moi Yons-
môme, ça m'e^t égal pouryn qne j' Taie.
FIIV DE LA LETTRE DU FVSILIIl BBTDFT *
* ^* ««f««« Série de Saynètes et monolognee contient une repense
w Cette lAtim.
HIPPOLYTE
^ ou
LES QUATRE FIANCÉES
MONOLOGUE
PAR
M. LÉON SUPERSÂC
PERSONNAGE
HIPPOLTTB (!• ftoi t/t) M. SAINT-OKBVAIV.
A Parif. — De nof jours.
HIPPOLYTE
ou
Î.ES QUATRE FIANCÉES
Une ehambre de gar^n asses élégamment meublée. — A. gauche, une cheminée*
— Dans l'angle de la cheminée, un canapé. — Une table au milieu. — A droite,
une toilette chargée de tous les accessoires nécessaires à un jeune homme qui
cherche à se faire joli pour une présentation. — Au fond, une grande porte dont
un dei batUnti est resté entr'ouyert.
HIPPOLYTE.
cl est sur le seuil de la porte, -r H tient un rasoir & la mdn et est enreloppé d'un
peignoir blanc soigneusement attaché au. menton. •— Criant au-dehors ayee une
grande animation.
Vous m'ennuyez... vous m'ennuyez !! I (soouunt.) Hein?...
quoi??... qaand noos nous reverrons. (Aree force.) Jamais de
la Viel l (il rentre, puis ressortant virement, et d'un tout -autre ton.) OU Un
autre jour... quand vous voudrez... (n rentre encore, même jeu,
et rebondit au-dehors de la porte, criant d'une Toix furieuse.) Idlotsl imbé"
Cilesll crétins! Il (n rentre.) Ahl (au public, très.calme et souriant.)
Ce sont mes amis que je suis occupé à reconduire... Vous
me trouvez peut-être un peu dur avec eux; mais c'est la
vérité»que je leur dis... (ii t'assied.) Et si l'on ne disait pas la
II. 7.
118 HIPPOLYTE
vérité à ses amis, Je ne vois pas trop à quoi on pourrait ati-
iiser cette déesse... (s* réi«TUkt btoBfMncai.) D'aiilears, ils sont
encore plus dors avec moi... et pourquoi?... pourquoi... je
vous y demande ! (n ▼» dertm k glaca et achère de ae f»w,) Ma
situation est celle-ci... ohl pas celle d'un monsieur qui se
fait la barbe. Ce n'est là qu'un incident, (se mettant de u poudre
de rii.) Ma situation est celle d'un fiancé absolument inconnu
à la fiancée qu'il ne connaît pas davantage... hommes
mariés qui m'écoutez... pères de famille à présent. Il me
plâlt au moins de le supposer. — Vous tous aussi vous avez
connu cette épreuve, celte épreuve formidable de la présen-
tation. —Mais cette angoisse pour vous n'a été que l'angoisse
d*une soirée à peine... mettons-en deoxt pour faire la bonne
mesure..^ Eh bi^, moi 1 (D'on too de repvoaiM.) Et voilà pour-
quoi ils ne sont pas gentils, mes amis... (changeant de to» abw»»
loMBt ei d'w lAc icèp^Ugag*.) Eh bien, moL.. voilà le quatrième
mariage que je suis en train de manquer. (Pkmgeant nn petu s»
daof reaa bonlUante, et roulant aee faroris.) Oh I COlui-là manquera
encore, ça ne fait pas un pli... Quand on joue la série, vous
savez... Enfin je suis clerc de notaire, (Ayee orgueu.) notaire
moi-même 1... aussitôt que la dot de ma femme m'aura per-
mis de traiter d'une étude. Eh bien, malgré toutes ces ga-
ranties, je passe mon temps à me faire galamment écon-
dniro... quand je dis galamment... Par bonheur, j'ai l'esprit
bien fait, et je ne leur en iieux pas à ces jeunes personnes...
pauvres petites, ce n'est pas leur faute... si elles savaient.,
(changeant de ton.) Et puis dans cos circonstauces-là, quand il
s'agit pour mai de réussir nn impair bien épouvantable...
ob alors... c'est tout le ooniraire et loes maariages, ça ne
manque jamais. ^ (u «oabe «■éem mt «■ fMtanU.) Et quand je
pense que tout à l'heure.. • (àa potoe, en oanfiienoe.) GertaîBe-
ment je ne sais pas«,. niais j'ai me pear bleue de ce qui va
m'arriverl... Ah! si je m'écoutais..* (u s'étend pamHuemenu «-
Jne petite panae, ae rekviant braa^ement «?ee vigohrtkB.) MaîS, non, nOB»
je ne peux pas... Va, va, va te présenter, maudit|l,.. (Tngb»
<1M.) Ton étude t'exige l ton et... (l prend cmgammnt M* trarate
HIPPOLTIB 119
DTat toB «Ai.edaM.) Bh IÛ6» ooi, moD étude... ceci est ld>eôcé
égoisto.^ Bt pyis (la MiAisBee.) «Mi «otT» ooDsîdérttm ttnito
êê Tinlév oeito-4è^ et 9» sa réMme es on motMiappé des
lente» ienwD portier.., (ttgPtBft» v hamtypniftNpnML) de mon
portier, oui, toi» a^es- kieit emeadu, eencierg» si vous
TQnleK^. j» D'y tieis pas antrenent. — Df aîMeoPS il est It ès>
bieik, cet iNmiiie, il eet nèn» tiofi Ue», ei Y««»aliei 1^
cosaine mt s^Dchaise dans; la vie é^wio faço» siagn^reu.
à ma pfMIliftrB'entreTlia...(n eMtat ■mnrpUuiffmcMraAM blMoNt .
9«^ nieti» MaeeMivtBtni.) Je De* coMMÎBsais pas Casciaîr» — }e
A'arraiiA pas fk^vùem encore croire' dMM soik le toft ooiAé
» sa bîenveiilaBee.». (««prannt») h ma prenière entr&VHe»-
fmni^e^ Un monsiear me reçoit.. Babitnair très-correct...
cravata Uaneiie irréprociiable. (ai^aaiik ifrèsu iiÉ«it.) Il devrait
lien Tenir m>'aiâer à mettra la miennev {kjm» réoM àbimb
DMrf cvM ntfiiMiito.) Ah I ça y est. ficpNMDt.) J*arriT» dene, et
je dis à ce personnage : Très-honoré, cher monsieur, et
mille fois benrenx d'ètro présenté à mademoiseUe Totre
adorable fillov... (s'annurt.) Ici u» silence pénible, le venais de
prendre lo portier qm j'ai eu trois mois pk» tard ponr la o^
beau-père que j'aurais pu avoir... c'était Casimir^* Casimir
superbe en sa tenue de maître d'hôtel d'occasion, et qu'on
avait loué pour me faire honneur... C'est ainsi qu'il utilise
se» soirées, ^x francs pour les gens qui marchandent, et
ÙWL francs ponr les vaniteux... moi, je ne lui donnerai ja*
mais qoe six francs... Les bonnes maisons ne se font pas
.autrement. — (GhtegMat d» im.) Doué d'aittears d'une distinc-
tion natvrefie incontestable. .. e^est de Casimir que je parler
élevé en œtre snr les genoux de Fadminisiratieny et ayant
ainsr collaboré avec une foule de ministres. .• en qualMé de
garçondebnreao, il aso conserver de tant de relatiottsconsi-
dérabies une de ces dignités qui imposent; — e'est-à^irequ'à
côté du beau-père, un affreux petit chafouin d'ailleurs, il le
dépassait de toute la télé... moralement et physiquement*«
c'était le beaa>père qui avait positivemeDt Tair do portier. *
120 HIPPOLYTE
J'essayai en yaln de le lui faire comprendre... avec une foule
de ménagements. — Cet homme susceptible refusa énergique-
ment de se laisser convaincre. — Le froid était jeté* .. nous
étions descendus tout de suite à une jolie température de
carafe frappée... J'y perdis tout ce que j'avais de séductions
sur moi... Casimir seul rayonnait tocgours 1 1... Voilà
comment cet animal-là fut mon premier bourreau! (a
reste méUnooBqiie on inftauity pale m relAr», bootonne ton gilet. ^ D'an toat
autre too, et «ree eomplaimuiee.) Eh bieU, malgré lO tOrt énonUC
qu'il m'a causé, lui du moins ne fut pas un ingrat... Flatté
sans doute de l'impression qu'il m'avait produite, et depuis
que je l'ai élevé à la dignité de mon valet de chambre, (Aree
modestie.) oh! valot de chambre d'occasion aussi... eh bienl
il n'est sortes d'attentions dont il ne me comble. Il s'inté-
resse vivement à mes échecs successifs. — Mais enfin ma-
riez-vous donc, monsieur Hippolytel — Et comment, Casi-
mir? — Ce n'est pas si difficile, allez! — Vous croyez, Casi-
mir? — Dame, monsieur Hippolyte, je suis bien marié, moi !
-^ (aq pubue.) C'est vrai, il est... Qu'auriez-vous répondu?...
moi rien, ce mot fut comme un éclair... c'est lui qui m'a
décidé. En bonne conscience, je ne peux pas rester au-des-
sous de mon portier.
n passe soQ habit.
Là, voyons, examinons un peu... fn se regarde dans la glace, en ar.
rangeant son col, ses manchettes, les plis de son habit. — Arec satisfaction.) Eh!
mais... eh! mais... jesuis très-bien, moi... presque aussi bien
que Casimir... et dans tous les cas très au-dessus de la bonne
moyenne des prétendus, (se montrant an pobUe.) Hein?... ah!
oui, n'est-ce pas?... Eh bien! cependant ils épousent, eux,
ils épousent!... Tandis que moi, moi!... C'est de la fatalité,
e'eSt de la... (Retirant denx paires de gants de sa poche.) J'ai meS gaUtS,
bon... Deux paires, oui... un accident peut arriver (Fouillant
dans nne antre poche.) Des mouchoirs, deux aussi. Mou Diou, co
sont là de petits détails qui n'ont l'air de rien, et cependant
si une belle-mère m'apercevait en ce moment, assurément
HIPPOLYTB 121
etle ne pourrait s'empêcher de s*écrier f « Voilà un garçon
plein de précautions. » Ce serait toujoars une bonne note.
— Il y a tant de maris qui n'ont pas de précautions. — Eh
bien, ]e suis prêt, partons, (sans bouger.) Voyons, partons (n
s'aaded.) G'ost étonuaut comme je me sens follement en train
ce soir» (Ls pendule lonne une demie, il se «elère Tivement.) La demie,
diable! (ll reàU pendule, puis s'arrêtent aree an cri.) Gommentt
sept heures et demie, ce n'est pas possible. (Tirant sa montre.)
Mais si, sept heures... Ah çà! je n'ai donc pas dîné, moi, je
ne sais plus ce que je fais, (atoc désespoir.) Mais il est trop tôt,
beaucoup trop tôt... Ils doivent être à table, eux... Et puis
je n'aurais qu'à tomber sur un autre maître d'hôtel, merci.
— Qu'est-ce que je vais faire de tout ce temps-là?... Une
heure de réflexions sombres à présent, seul, tout seul avec
le fantôme de mes mésaventures... Mais si j'y pense seule-
ment... si je les aperçois se dresser dans leur épouvantable
ironie... Vous allez voir... vous allez voir comme c'est en-
courageant!
Tenez, la seconde fois, par exemple... Enfin, celle-là
du moins pourra vous servir comme un bon conseil.
(Sa confidence.) Rcfusez toujours avec la dernière obstination
une première entrevue dans un théâtre. — Mon Dieu, je
sais bien qu'an premier abord, ça a Pair très-commode, il y
a des gens pour qui c'est presque une tradition. Sans doute
le cadre est agréable, on espère s'y détacher, avec tous ses
avantages... Et puis, c'est un terrain neutre, rien de com-
promettant... on se cherche, on s'aperçoit, on se devine, on
se croise, on baisse les yeux. C'est charmant... et c'est fin...
comme le secret de Polichinelle. — Eh bien, oui, mais vous
ne soupçonnez pas le danger. Ecoutez bien, écoutez bien.
— Ainsi, moi, j'avais exécuté ce petit manège,... promenade
au foyer, coups d'œil furtifs, quelques mots même négli-
gemment échangés... quand on sonne alors la fin de l'entr*
acte, et je disparais modestement. — Mais bientôt revenu,
un sac de bonbons glacés à la main, je me glisse dans le
couloir. — L'ouvreuse gagnée généreusement avait laissé
122 HIPPOLYTB
ouYert le carreau de la loge. Un grand ^lence dans la salle.
— J écoQte^ on jouait les Capricêê de Marianne et (tétait
Caelto qitt tenait la scëne^ tous saTei :
€ Ah! qttei'emee pu me faire wn nom danê le$ Ummoiê
1^ et les batailles ; qu'il m'eût éti permis da portes^ les am-
> leurs de Marianne..^ »
On applaudit. La jenne personne paraissait délieiensement
émue. Enfin l'acte est terminé, il est trës^ong, cet acte, les
bonbons me fondaient dans les gants. Je pensai que e^était
le Trai moment de me présenter, et tandis que je m'inclinais,
en essayant de prendre la plus heureuse de mes pliysiono-
mies... ma jenne fiancée me regarda à s<hi lomr. Ici Tamonr
de la vérité me force à vous faire cette confession donlou*
reuse, mais à ce choc de nos deux regards, en même temps
qu'un petit cri qui ne me parut point un cri d'admitation,
eue surprise regrettable, Texpression du désappointement le
plus vif se peignirent brusquement sur les traits candides de
ma bien-aimée; et comme je cherchais une explication rai*
sonnable... je saisis cette confidence rapide murmurée par
fentanl à Toreille maternelle: c Ahî maman, maman, mais
regarde-le donc, jcnnais, jamais il ne pourra reesembler à
Cœlio, jamais de la fde. »
Certainement, je n'avais pas la prétention de ressembler...
Mais c'est égal... (atws fen».) Ah I défiez-vous tout le temps,
et avec enthousiasme d'une présentation dans ua endroit
où on joue la comédie. (U tombe mm sur wm fcatoQif. -^ Une
panse. B pesae k Bwm wn mo freet eoemie peor «i éeuler de lo int r eg
peotée». — Btgudnft se BMmtre.) Enfin, co soovenii pénible a tOlfr-
jours fait passer un peu de temps.
« Eh bien, ceci n'est rien, encore, comparé à nto» trot-
flième désastre. — Ce n'était pourtant pas faute de précau-
tions, cette lois-là. J'avais scrupuleusement recueilli les in-
dications les plus précises... Par exemple, ne s'inquiéter da
E1PP0LTTE in-
père en aneaiie espèce de f»çon. — Sa femme, an inntraire,
nature impérieuse et makresse, doucement romanesque, et
foUement poétique. — J'a?ais noté tout ça sur des bouts da
papier. Aussi étsat indiquée celte nature-là, un ami à moi,
doué d'une cert»ne imagination... avait trouvé très-ingé-
BJeux de me poser comme le béros d'une petite bistorieite
sentimentale. « Jeune fille entrevue, révélation, coup de
foudre. . . c'est elle 1 1 pae une autre M épouser on mourir 1 1 1 »
— Ce programme qui mentait d'ailleurs comme tous les
programmes cousus, m'avait feit agréer tout de suite.. Un
peltl détail, cependant, ne taiasait pas que de m'inquiéter
an peu... c'est que de la vie» je n'avais entrevn seulement
lebout de la jupe de l'ange de mes rêves... (uB^siienoa.) Le soir
fatal arrivai
-*• Tenez, au fait, vous allez voir comtnenl ça s'est
passé. Soirée intime... (ll amog« les «liaisM et ka faoteiiil»
eoBAe pmv «ne réwptïM.) D'ailleurs, ça pout mo servir de répé-
tition, si je songe à l'accueil qui m'attend tout à l'heure.
Pour ce genre de petite fête, la mise en scène est absolu-
ment invariable, (ittnt m eoap d'«Bii w ma iiMunaâia«) Ou a adroi»
tement disposé tout ce qui peut faire un peu d'booneur dans
la famille... (Aonlant viTenen* iw graad Cntenil rar r«fant-teèDe à droite.)
Ça», c'est quand on a la chance d avoir un parent décoré..»
Eh bienl cet appareil imposant n'est rien encore. (PoiuMat w
tiUe et U ftÔMiit noter wm pe» en aagle, à feoeiie, ear k prenisr pkn, ftvp^
pant mm k tdbk.) ¥oilà l'instrument du supplûe... c'est là qu'est
l'épouvantai 11 — La petite table, oui... amour de laquelle
on a groupé toutes les bonnes petites amies^ceèles auxquelles^
on a dit : c Tn viendras ce soir... tu le verras 1 1 » — Et elles
sont venues... les petits monstres II Elles ontfair bien gen-
til, n'est-ce pas?.», vous croyez qu'elles font du crochet...
qu'elles font du filet, qu'elles font de la tapisserie... allons
donc, leur idée fixe, arrêtée, sans remords... c'est de man-
ger du prétendu I (S'edMeaeat à on toe taMgliMke dmi»k nOk.) Et
VOUS même, monsieur, fussiez-vous plus joli cent fois que
le mieux réussi des dieux grecs, ce qui est d'ailleurs uno
124 HIPPOLYTE
supposition tonte gratuite... eh bien, à peine Ôtes-Tons an-
uonoé seulement... Elles n'ont pas eu Tair de bouger, pas
ée tourner la tête... on ne sait pas par quel miracle épou-
vantable... mais elles vous ont enveloppé déjà de la racine
des cheveux à la pointe des bottines... Et alors ne vous mé-
prenez pas sur le sens du murmure qui vous souhaite la
bienvenue. — C'est toujours le même, (o'ane Toiz de j^ane mie.)
Oh! cette pauvre Louise I... (De sa roix DatareUe.) ou Blanche, ou
Marguerite... (Reprenant la roix de jenne fille.) C'CSt moi^ qui U'CU
voudrais pas 11 — Ni moi... ni moi... ni moilll (Parlé.) Ça
fait tout le tour, comme le furet du bois joli... (Aree oompas.
4ioD.) Au fond, ce n'est pas sincère, mais...
(Reprenant.) Enfin, cct assaut essuyé, je me trouvais très-
embarrassé, moi. Mon gredin d'ami avait négligé de
fn'accompagner, et du diable si je savais quelle conte-
nance tenir. Le père était bien là, (ii désigne l'endrou où est la
toilette.) adossé contre la cheminée. Mais cet homme qui
passait pour complètement nul, et... qui l'était en effet...
cet homme jouissait d'une si belle prestance... que Tombre
de Casimir me passa aussitôt devant les yeux. Heureuse-
ment... quand je dis heureusement... Enfin, une dame âgée
«ut la charité de venir à mon secours... une bonne figure.
La mère, pensai-je. Et en effet. — « Permettez-moi, mon-
sieur, de vous présenter à ma fille, me dit- elle. » Ce fut, je
vous l'avoue, un moment d'heureuse surprise, car enfin,
j'avais peur de m'ôtre lancé un peu à l'aventure, moi! —
Eh bien! figurez-vous la plus adorable petite personne...
blonde,blanche, rose, mignonne... l'air d'une enfant encore,
et cependant avec un je ne sais quoi... ah 1 j'avais parlé du
€oup de foudre... c'était lui, il y était... ma tôte était abso-
lument perdue... Gracieusement elle me fit asseoir à son
côté, là, bien au milieu... (U s'assied sw une chaise à eôté d'nn faa-
«eoU.) à trois chaises à peine de... (ll indique u table d'nn doigt
«arienz.) Et moi tout aussitôt... — a Ah! combien je suis heu-
reux, mademoiselle! » — La jeune personne me regarda
singulièrement, et là, là, à côté, (ii indique encoro u table.) tous
HIPPOLYTE i!g5
les petits nez se redressèrent avec un vif monvemem de cu-
riosité. — Pardon, monsieur, fit-elie. — Oh! dites, made-
moiselle! — Encore? — Plaît-il? — Peut-être semblez-vous
mal me connaître...— Oh! non. — Pourtant... — Non! made-
moiselle!... et tenez... par la noble tête de monsieur votre
père... -^ (Parid.) Elle devint excessivement rouge... et...
(Désignant tonjonrs la Uble.) lOS pOtltS UOZ d'à Côté SO baiSSereUl
avec une prodigieuse rapidité. Quant à moi, ramenant an
milieu du cercle cet homme tocgours nul, mais que je
croyais encore vénérable... —Oh! dites-le lui, monsieur,
dites-lui que je puis aspirer à sa main. — La main de Ma-
thilde? — Mathilde, je veux bien, c'est un joli nom. -^
Mais,monsieur,vous n'y pensez pas. — Comment Je n'y pense
pas. — Mais c'est tout à fait impossible, -r Impossible,
homme cruel! — Réfléchissez. — Arien. Pourquoi, alors
pourquoi m'avoir fait venir ici? — Mais, monsieur, ce n'esl
pas pour épouser ma femme! 1 — Votre?... — Eh bien,
quoi?... — Mais votre fille alors?... — La troisième à droite,
avec du lilas dans les cheveux! vo^^^s m'ennuyez, à la fin. ^
C'était sa femme, ce petit bijou! — lùes secondes noces de
ce vieux bandit! Et on ne me l'avait pas raconté. Voilà pour-
quoi on voulait caser si vite la demoiselle au lilas... Ohl
cette branche de lilas, ce fut mon dernier souvenir... Ce qui
m'est arrivé alors... ce qu'ont pu faire de moi quelques âmes
charitables... (sombre.) je ne le sais pas... je ne l'ai jamais
su... je ne veux pas le savoir!
Um silenoe, pida il se rolère dans an moarement d'azaapéraUoa absolue,
— An pnblie.
Et VOUS croyez que ce sont là des souvenirs encoura-
geants! Vous croyez (Tirant sa montre.) quo d'ici à viugt-deux
minutes je vais encore aller m'exposer de gaieté de cœur...
m'exposer à quoi, mais je frémis d'y songer seulement... Il
ne me reste plus guère que la perspective de me faire en-
voyer au poste. Je n'en vois pas beaucoup d'autre à pré-
sent... ah ! non, par exemple, je n'irai pas, (se pelotonnant dans
•on fantenii.) je n'irai pas!... (lei seordis froneée.) Jo ne scrai pas
126 HIPPOLTTE
notaire!... Eh bien! (ugèMmsiit.) i! y a mie foale d'mtfivîdQs
qui yiTent et qui ne s(»it pas notaires! (Un pstH nitnoe. — set
tnit» M ditandMt, a 6B anlTO à «m mrte d'émoOsii.) Et pniS, je SQÎ8
injiistey moil A côeé de tons ces dédains, il est encore des
compensations générensrâ... (Test ^nri. Je suis là à eoorfr
après nne Ibule de mains, et if en est nne eependanl... (h
•"•ttaidiit.) ii en est une qui ne demande qu'à s^inir à la
mienne, (changtaiit a» tra.) Elle le demande même arec une
certaine insistance. (sonAnt.) La main droHef — Quant à la
gaUClie... (O sotarit en bdnut iM-you «rveime tatnte dlbfctaîM.^ LlH
dimel I (ni eouSAineo.) C'est son nom, Ladt¥ine, Draunie, oui...
nature aimante... et d*nne impétuosité, par enemple... Ah!
Toilè le cdcé périlleux de son earaetère... anisi; à h pfas
petite discussion, crac, etteourre la fenêtre, et seprécipite^..
sur la balustrade. Je passais littéralement ma vie à la rat«
traper suspendue dans les airs. C'était odieusement fatr*
gant. Enfin, j'avais cru prendre le bon parti, j*avais con^
damné toutes les croisées... quand un soir, en rentrant...
» non, il ny a que les femmes peur avoir de ces inven-
tions-ià...;— en rentrant,qu'est-ce que j^aperçois?... Ludivioe
accroupie sur un fauteuil, et pâle comme Latude, essayant
de scier le fer des cadenas avec une lime emnHincbée dans
un bouchon ! — Ah ! le lendemain je déménageais par eiem-
ple. — C'est alors que je descendis à ce petit rea-de-diaossée
qui se trouvait à louer, par bonheur... depuis cinq ans,
pour cause d'humidité incurable. — (ii étiniM.) Ah! c'est la
vraie patrie des rhumes de cerveau. Mais, elle du moins, ne
risque plus de tomber sur la tête des passants. (Arec une
MriMM«oiiTietioii.)Ce n'est pas que Ludivine soit absolument
un mauvais parti, non. Elle a quelques petites rentes^., des
souvenirs laissés par de vieux amis de sa famille. Ac^r*
d'hui encore, elle est chez ma notaire d'Orléans pour régler
une nouvelle suecessîeii. Assurément pour le prix d'une
étude, ce n'est pas suffisant, et elle-même le comprend bien.
(s'adNMwt m pobiie.) Mais s'îl s'agissait d'un petit commerce
par exemple..» si quelqu'un... Yéritablement je vous assure
HIPPOLYT» m
^6 c'est nn6 bien bonne personne... abl mais une bien
bonne... (od fr«pp« èia porte.) Hein? qu'est-ce qu'il y a? Entrez.
(n entr'oaTre la porta.] Âb 1 C'est YOUSt Casimir. (Praoank an platoai»
qni lui est tenda dans raDtrehalUamaDt do la porta. — C'est no plateau à porter
1m rafrelcUasoiBonU, du plu petit modèle.) MerCÎ, mOU ami» (Montrant an
poUle le plateau qn^ tient à U Bah et lor lequel Oft un télégtuiimo.) Geci^
c'est une des nombreuses attentions de Casimir. Il n'oseraK
famais me présenter autrement ma correspondance. Et puis
ses plateaux sont à deux fias. Il en a de toutes les séries.
Ainsi, dans les maisons modestes, si on a besoin qu'il les em-
porte... Seulement, vous comprenez, c'est plus cher, (ii poi»
li plateau.) Uu télégramme! (u outto reaveioppe.) Tiens... on a
bien raison de le dire : Quand on parle d*un ange, on aper-
çoit le bout de ses ailes. (Regardant u ngnature.) LudivinO. (lisant.)
c Tes caché de moi^ pas 6ten, mU tout, rien n'empêché
plus tn'épouser^ dispos non, ou me tuerai plutôt d^abord^
et toi après. » (Pari«.) Âh! si elle veut commencer par elle...
mais, non, non, Timprovisation aura trahi sa pensée... c'est,
évidemment moi le premier... (Trèa.étoané.) Mais pourquoi
cette fureur de carnage? (Relisant.) « Sais tout,.,, rienn'em'
pêche,.. » Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça...
(il se promène oToe agitation. On frappe de noarean à la porte qni s'entr'ouTre et
laisse paAer un second plateau double de grandeur du {vemier et sur lequel sont
deux lettres.) EUCOrO... Herci. (Montrant le plateau qu'il porte.) Ça, C'eSt
le second modèle. Deux lettres!... (En prenant une qu'U ourre.
liasnt.) « Malgré un si long temps écoulé, monsieur, nous
» ne pouvons nou>s résoudre à renoncer à une alliance
> aussi flatteuse que la vôtre. > (s'arrètaot.) Hein! (cherchant
virement la signature. .— Areenn en.) Ma première bellC-mère! Ah!
bab 1 (Reprenant.) « çuc la vôtrs. Mon mari s'est facilemsnt
» expliqué votre méprise si naiurelle au sujet de (fasimir.
3 D'aiUeurs, il aime le peuple^ et CcLsimir est un hon-
> nête homme... en ne peut donc qu'être fier... » (Parlé.)
Ah çà! c'est Casimir qui a dicté cette lettre-là... (Reprenant et
pareoarant Tirement.) c Une mère qui osc VOUS prier,., laissez-
» moi donc espérer... réunion intime... » (Trèo^rpris.) Mais^
m HIPPOLYTE
ils me font des excuses, mais ils se traînent platement à
mes pieds... (ATse beaneoap d'ADîmiitioD.) Voyons donc, voyons
donc*. (U oarre rapidement le eeooode lettre. Un Moond cri.) L'hommO
aux Spectacles à présenti I (Lisant.) « J'at bien tardé à vous
» écrire,., mais si mes réflexions ont été tahorieuses peut-
> être ont-elles été fécondes.,. Le théâtre a trompé nos
> espoirs. N* accusez pas ma fille, c'est une enfant impres»
» sionnable,' mais il n'est pas douteux qu'une entrevue
» nouvelle... dans un endroit paisible^ loin de toute
» comparaison irritante... au jardin d acclimatation par
» exemple... » (panenz, jetant la lettre.) Comment... le jardin.. •
Gomment, le jardin... pourquoi pas le palais dçs singes tout
de suite. C'est un idiot, ce père... Mais enfin lui aussi, lui
aussi à présent, il me jette sa demoiselle à la tête... (Ayee une
grande enimation.) Il m'ost arHvé quclquc choso... biou sûr.
J'exerce une séduction qui n'est pas naturelle... Ahl je don-
nerais tous les plateaux de Casimir... (On frappe eneere à la porte
an trarere de laquelle pesM an troinftaie plateau, immenae, eelnl-Ià, enr lequel
«ont po«4s an bouquet blane, on numéro da Petit Journal et nne lettre.) UU
bouquet, maintenant ! (n court an pUtean qu'a ne peut tenir qn*en le
prenant par les deux poignées. — Répondant à Casimir.) DO qui CC bOUqUCt?
Comment 1 c'est vous! quelle est cette plaisanterie, mon-
sieur... quelle est?... (u repousse Tiolemment la porte.) UU bOUqUOt
blanc encore I et le Petit Journal. Le numéro d'hier... Trois
lignes encadrées au crayon bleu... (Lisant rapidement.) « Nous
» pouvons donner aujourd'hui à nos lecteurs le nom de
» V heureux possesseur de V obligation^ numéro 31,497, la
» prime de 500,000 francs est échue à M. Hippolyte Desau-
» biers. » — (atm un grand en.) 500,0001 1... Hippolyte! 1 ! (s'ap.
o puyant ehaneelant sur un fauteuil, et d'une toU étouffée.) Âh! qUO c'OSt
bête... %h! que C^est... (Tout à coup, par réflexion, se redressant aree
on eri de désespoir.) Âh ! mals oui% c'ost trôp bêto, c*est bien plus
bête que ça n'en a l'air... (Furieux.) Animal de Casimir, va.
(Désolé.) Mais je n'ai jamais eu de numéro 31,497, moi ( Est-
ce que j*ai des obligations... C'est mon oncle qui en a lui!
Hippolyte, parbleu son nom... la seule chose qu'il m'ait
iamais donnée.
HIPPOLYTE 129
(Afae «&• gneté aUolainent eoatraiote.) EqÛO, Ça nO SOrt tOU-
Jours pas de la famille, (sau u moindre oonTîeuon.) J'en sois cer-
tainement bien content pour lui... bien... (cbaageant de ton.)
surtout, comme il a continuellement négligé de rien faire
pour moi... C'est-à-dire... c'est-à-dire: qu'est-ce que je vais
faire des trois ingénues qu'il vient de me replanter sur les
bras?... (Ramawant la lettre qnieft restée rar le plateau.) Je parie qUO
la quatrième est là-dedans. (Rejetant la lettre sans l'oayrir.) Je le
gagerais, je le gagerais. (Aree indignation.) Mais c'est de la cu-
pidité la plus basse... mais toutes ces familles-là sont dé-
nuées de la plus vulgaire délicatesse, (agitant le journal.) Car
enfin, je vous demande un peu si cette somme misérable
pouvait m'ajouter seulement la moitié d'une vertu domes-
tique. Je les conserverai, mes vertus, et ma fierté avec. Je
veux les dédaigner à mon tour. Sans compter, ces gens
avides, qu'ils seraient capables de me jeter encore par les
fenêtres, si je me présentais sans le numéro 31,4... etc. (au
pubUc.) Eb bien, vous me croirez si vous voulez, je la re-
grette, cette somme. Ab! grand Dieu! ça n'est pas par inté-
rôt... Je l'aurais gardée tout entière, et ils n'en auraient
rien eu, rien, rien... Voilà comment j'aurais trouvé agréable
de leur exprimer mon indifférence! (s'assejant à la table.) Com-
mençons d'abord par éteindre une ardeur généreuse... (u
êerit.) « A mademoiselle Ludivine... Gros lot, pas moi, c'est
oncle à moi, Arpajon {Seine-et-Oise), veuf, quatre enfants, »
(Parlé.) Si elle peut l'épouser, tant mieux!... (Arec colère.) Et
les trois autres aussi, toutes, toutes... Je leur enverrai cette
circulaire, (u marebe aree animation, bontonnant son babit d'an monrement
résoin.) Et moi aussi, je me marierai!... pas avec elles... Car
enfin, je suis encore très-demande... avant la prime. (Mon-
tnmt son babit.) Cotto toilctto rechorchée en est la preuve, (atm
attendrissement.) C'ost vral, jc suis occupé à faire attendre des
gens charmants... Je suis sûr qu'ils sont charmants ceux-là.
Une jeune fille doucement émue sans doute... j'^me à
croire à cette émotion... (ATeefea.) Non, non, je n'hésite pas,
mademoiselle, (o'oa antre ton.) D'abord, je suis ena)re très à
430 HIPPOLYTS
mon aise, moi, dans cette maison-là, je n'y aieneore c^nmis
ancnne inoonvenanee. Je n'en oemmettrai pas, mademoi-
selle. Protégez-moi, é vous qne je ne connais pas... Je suis
sdr qoe vous ôtes trèt-j •He. Moi anssi, je serai très-bien. Le
charme sera rompu à la fia... vous yerrac... vous vermc,
noas serons trèe>heuraux, ee sera ton fait. Tant pis pow
les autree. (j^u^t u{Mr<i«MM «ur ««èr*». ^ cnut.) Casimir 1 ime
voilorel
Il toBt «a etiiMi*.
enr D*Bin>OLiia
LA PERLE
COMÉDIE
EN UN ACTE, FN VERS
PAR
M. THÉODORE DE BANVILLE
PERSONNAGES
GLÉOPÂTRB.
ANTOIMB.
CHARMION.
Lit scène est k Alexandrie, dans le palais des Ptoliaées,
en l'an 40 avant Jésus-Cbrist.
LA PERLE
La théàtrt représente une ehambre carrée, reeerant le jour par le reflet de la eeur
eatoleiUée. — An fond, une porte ornée de deux colonoefttes, sur lamelle tombe
one tapisserie à personnag^es. — A droite et à ganche, des baies fermées par des
nattes peintes de ooolears variées. — Les parois de la chambre, de conleor lilas
tendre, sont divisées en panneanz par des colonnettes très-riehesy peintes snr le
mw. — Dans les panneaux, des ornements, des gerbes de fleurs, des figures
d'oiseaux, des damiers de eonleors contrastées, des scènes de la yie intime, cou-
pées de bandes Tertieales peintes en blane et eouyertes d'hiéroglyphes de tontes
eouleurs. — Dans un coin, à droite, un petit dieu de bronze sur un piédestal de
granit rouge, devant lequel e^t placé un grand yase d'argile peinte, porté snr un
trépied de bob, et rempli de fleors de lotus. — Fauteuil en bois doré, rechampi
de rouge, aux pieds bleus, aux bras figurés par des lions, reconyert d'uo épais
•onssin à fond pourpre et quadrillé de noir, dont le bout déborde en yolnte par-
dessus le dossier. — Tabouret de eèdre, à pieds d'animaux peints en bleu. — Au
fond, à gauche, sur une table de Iwonze à trois pieds, un laehjtos de yerre phé<
iiieieB, et une large coupe d'or.
SCÈNE PREMIÈRE
CLÉOPATRE, CHARMION.
GHARMION.
Oui, ma reine, un courrier venu de Sicyone
Cause là-bas avec le noble empereur.
ii«
134 LA PERLE
GLÉOPATRE, irritée et Inqnlèl».
Dome»' ,
Moi le coup de la mort. — Oai, je sens le danger;
<]'eât le malheur qui vient avec ce messager.
Mais Antoine, dis-moi, quelle est son attitude?
GHARMION.
Il semblait frémissant et plein d'inquiétude.
CLÉOPATBE.
IUUmJi ^-^Rapp«Uâriûi biaDv toui^ ma.Glumteiii
GHARMION.
Un éclair flamboyait dans ses jè\3L\ de lion, -«
I! est proche, riitst8ntftol'qitejeredtot8i'
GOARBUON.
£t le sttg^itinei» gooflaii sa lèvro^
GLÂOPATRSii
Ta le tsQwrec. SU eati an. proie ^ son ennuti.
Si tu Yoifr su£ SQU. fnmt la. toi^assa,. difevliU,
<}ue je danse; mais s'il est gai, dis-lui. bian.TJitft
Que je meurs.
GHARMION.
Vous cberchez les maux que nul n'évite.
Pourquoi le tourmenter ainsi*?
GLÉOPATRE.
Va, je sais bien
Ce qu'est leur faible amour, et tu n'y comprends rien«
QHARMIOM,
Antoine vient.
Lail
LA PERLE i»
CLÉOPATRE.
Je vais donc voir s'il me résiste,
SCÈNE II
CLÉOBÀT&E, CHARMXON, ANTOINE.
tâanmsoL
Ma reine...
GLÉOPÀTRB.
Seigneur, je suis malade et triste.
ANTOINE.
J'ai pris avec douleur la résolution
De partir. Le devoir commande.
GLÉOPATRB.
Charmion,
Aide^moi, je te. prie, amortir. Je succombe.
ANTOniB.
Qaoi I ma reine, des pleurs dans ces yeux de colombe l
Ah! laisse-moi calmer ta peine et ton effroi.
Donne-moi cette main.
CLÉOPATRE, laDçnissante.
.Non, reste loin demoL
làmora.
Qu*as-tu doni?f
'Cfcamûoii mmW
136 LÀ PERLE
SCÈNE III
CLÉOPATRE, ANTOINE.
GLÉOPATBB» fiéTrensement.
Ciéopâtre est-elle iojariée
Dans leurs lettres? Que dit la femme mariée?
Tu peux partir. Va-t*en comme un époux soumis*
Je voudrais que jamais elle ne t'eût permis
De venir. Après tout, qu'emportes- tu? Ma viel
€e n'est rien. Va trouver ta Romaine.
ANTOINE, graremeiit.
Fulvie
Est morte.
CLÉOPATRE.
Que dis-tu? Non. Est-ce qu'elle peut
Mourir 1 Si ton visage à cette heure s'émeut.
C'est pour quelque chagrin léger qu'un souffle emporte!
Pour Ciéopâtre, pour un rien.
ANTOINE.
Fulvie est morte.
CLÉOPATRE.
Et tes yeux sont plus secs que le sable vermeil
De nos déserts.brûlé par le fauve soleil!
Ainsi ma mort sera pour toi ce qu'est la sienne.
Tu diras : <i Ce n'est rien. La noire Egyptienne
Est morte. » Voilà tout. Nous aurons eu nos parts
De ton amour!
ANTOINE.
Ma reine...
. LA PERLB 137
GLÉOPATRB.
Âdiea, puisque ta pars.
ANTOINB.
Ecoute-moi. Laissons tout reproche vulgaire.
Si je veux éveiller les clairons de la Guerre,
C'est pour toi. Qu'elle hurle à présent sur son char !
Vois, Fulvie et mon frère ont combattu César :
Penses-tu qu'il remette au fourreau son épée?
Puis à chaque moment grandit Sextus Pompée;
Déjà le voilà près de Rome. On voit, hélas I
Ces pirates cruels, Ménécrate et Menas
Ensanglanter la mer qui sous leurs vaisseaux ploie.
Si Ton doit partager le monde, cette proie.
J'y veux tailler, du sud jusqu'au septentrion^
Des royaumes pour nous et pour Césarion,
Et pour nos fils en qui revit ton front céleste»
Ptolémée et le doux Alexandre.
GLÉOPATRE.
Non, reste.
Rome te reprendrait pour toujours, ô mon roi!
ANTOINE.
Crois-tu qu'elle pourrait me garder loin de toi?
Si je te quitte un jour, toi que j'aime et qui m'aimes,
C'est pour te rapporter bientôt vingt diadèmes.
GLÉOPATRE.
Eh bien, puisqu'il le faut, adieu, presse ton pas.
Va-t'en d'un cœur léger I Ne te retourne pas
Quand Je maudis le sort pour ce qu'il me dérobe,
Car je te retiendrais par un pan de ta robe.
Je ne veux plus te voir, ami, qu'à ton retour.
ANTOINE.
Non. Au départ ma lèvre en feu, pâle d'amour,
Veut baiser cette main qui tient les sceptres. Cesse
II. 8.
138 LA PERLB
Tes rigueurs, mon Isîs, ô puissante déesse,
Et laisse-moi i^uisar fô vie à ton œil noir»
CLÉOPATBB.
Mon cœur se brise. Antoine, adieu.
Kon. Au revoir.
SCÈNE IV
GliÉOPATRE.
Il partirait! Et moi? Moi, je resterais seule
Dans cette affreuse Egypte au sombre front d'aleulo»
Où partout nous entoure, ainsi qu'un vaste mur,
Le ciel farouche, fait d'un implacable azur;
Où d'un air inquiet, ainsi que des molosses.
Veillent d*horribles dieux et de hideux colosses;
Où les vivants sont pleins de deuil et de remords
Et se plaignent tout bas à l'oreille des morts ;
Où les globes ailés, les serpents, tes balances
Ne parlent que de mort aux éternels silences;
Où comme en une tombe au couvercle brûlant
Brille rœii du soleil, toujours :rouge et sanglant!
Ah! sans doute av^clui j'aimais 1 Egypte noire,
Mieux que la Grèce amie où sont les dieux d*ivoire
Et les myrtes fleuris et les ruisseaux d'argent!
Mais quoi donc! je verrais son départ outrageant!
Je resterais, moi qui l'adore, abandonnée!
Et cependant à Rome, en moins d'une journée,
Octave et Lépidus, ces cœurs bas et rampants,
Auraient bientôt fait rire Antoine à mes dépens;
Ils sauraient Fenchaîner au gré de leur envie.
LA PimLE 13^
Et César lai dirait : « J'ai ma sœar Octaviel •
3'aurais une rivale encorl moi dont les fils
Régnent, moi que la terre admire comme Isis,
Et noriime, sous Téclair que mon regard lai jette.
Délices du soleil et déesse Evergète!
Je ne veux pas. Avant que ce sort odieux
Accable mon amour, je serai morte. dieux
De jaspe, qui rêvez, sinistres, sur des trônes!
Célestes éperviers, dont les prunelles jaunes
Ont brûlé mon visage avec leurs flammes d*or,
Je vous adjure! £t toi, reine, déesse Héthor
Qui, sans avoir pitié de nos angoisses vaines,
Fais courir le désir déchirant dans 'nos rBines,
Et toi Phtha, dieu du feu, brûlez, dévora^'^mor;
filais pour qu'il reste, lui mon héros, lui mon roi.
Mettez la volupté vivante en ma ceinture,
Et changez, s'il le faut, l'ordre de la nature!
Oui, faites un miracle, et que lui, l'empereur
Reste. Puis, s'il le faut, que vouée à l'horreur
De supplier, vaincue et seule, je succombe!
Que, vivante, je sois murée en une tombe.
Et que là je caresse, en mon fatal dessein.
Quelque agile serpent qui me morde le sein !
Mais ô dieux, laissez^^moi le divin fils d'HercuIel
Dieux terribles, ayez pitié de moi, que brûle
De ses traits furieux Tare enflammé du jour.
Et qui pâlis de rage ^t qui me meurs d'amour!
Areo one sorte d'eztaie.
Mais quel rayon sabtil firémit dans ma peffsëe^
Tout mon être tressaille.
Cornue 'fMppée d*ane «WttiniitMoirfMAUfiMK
Oui, tu m'as exautée,
Hâthor, qui m'écoutais dans le bleu ûrmameml
Je mourrai, mais tu vas me rendre mon amant.
Botre Ghtfinlon»
140 LA PERLB
SCÈNE V
CLÉOPATRE, GHARMION.
GLÉOPATBB.
Ah I C'est toi.
À part.
Gharmion, le seul être qai m'aime 1
Haat.
Va dire à Tempereur... Mais non« j'y vais moi-même.
Tu ne saurais pas bien lui parler. Reste ici.
SCÈNE V?
CHARMION.
Elle regarde CléopAtre qai a'éloigne*
Et pourtant que je l'ai vue aimer Gésar ainsi.
Revenant sur le devant de la scène.
Cette reine pareille à Taurore, et plus brave
Qa'un héros, aime et souffre aussi bien qu'une esclave.
Ayez donc, pour voler jusques aux cieux profonds,
Des chars d'argent et des quadriges de griffons;
Ayez des perles dont les lueurs sont divines,
Des robes du pays de Sérique, si fines
Qu'elles passeraient dans l'anneau de votre doigt,
Et des pourpres trois fois teintes, ainsi que doit
En posséder Isis ; buvez dans une coupe
Où Myron et Lysippe ont fait vivre le groupe
Des Nymphes; que les cieux vous regardent marcher,
«
LA PERLE Uî
Pour qu'ensuite Tenfânt Eros, le fol archer,
Vous prenne sans façon dans sa nasse dorée,
Tout aussi bien qu'il fait de nous!
Entre Antoine en umare, ayant à ion braa Cléopàtre.
SCÈNE VII
CHARMION, ANTOINE, CLÉOPATRE.
ANTOINE.
Reine adorée,
Que ne puis-je avec toi demeurer, fût-ce au prix
De ma vie I
CLÉOPATRE.
Eb bienl...
ANTOINE.
Mais j'encourrais ton mépris
Si je calmais le fier désir qui m'aiguillonne.
Reine, tu m'as aimé baisé par la Bellone
Vengeresse, couvert de poussière et de sang,
Vainqueur, ayant le casque au front, Tépée au flanc ;
Et si je révais, comme un berger de Sicile,
Ta me reprocherais d'avoir été docile.
Car le sang tout fumant sied au bras meurtrier
Du soldat, comme au front du chanteur le laurier.
Quittons-nous donc
CLÉOPATRE.
Eh bien! non. S'il faut que tu partes.
Je te suis. Nous irons vaincre à nous deux les Parthes.
A tes côtés, sans craindre Octave ton rival.
Je marcherai, pressant du genou mon cheval,
i42 LA P>SRLI
Et j'aurai sur mon llrolit, comme Penlbésiiée
Le vol éblouissant 4-une X^iimère ailéel
ÊawVfBfm*
En cette^nerre, inroîe offerte au noir danger.
Il nous faudra dormir dans les rochers, man jer
Des racines parfois, et boire Feau saumâtre
Des lacs. Ce n'est pas là ta place, Gléopâtre,
Ma bien-aiméel
CLÉOPATRE.
Ainsi, je ne suis bonne à rien,
Qu'à porter, demi-nue, un voile aérien!
Mais toi» déjà choisi par le combat vorace.
Te voilà rayonnant dans ta rude cuirasse
Que presseraient en vain mes bras martyrisés.
Et sans honte opposant du fer à mes baisers.
Tu semblés Mars lui-même, enfilant de son haleine
Des clairons, et poussant les guerriers dans la plaine
Vers la mêlée affreuse et vers les durs ttâsauts.
Ou faisant s'envoler de rapides vaisseaux
Loin du tiède rivage où la vague déferle I
Et Mars chérit VénttsI
CLÉOPÀTRE, frappée toat à coup par l'éclat d'oae perle éaorme qa'Àntoin*
porte sur loa en^are et qu'elle n^ pai encore Tn«.
Mais quelle «st cette perle
Que je vois briller sur ton armure, et qui luit
Gomme Phœbé parmi les astres de la nuit?
Rien qu'à voir sa blancheur mon regard s'extasie,
uorroiNB.
Elle est l)8lla,'en effet. Aneun roi de TÀsie
Ne pent la piayer ; pour l'éclat et la grosseur*
On chercherait en vain dans le monde sa sœur»
Pourtant si je suis sûr qu'une telle merveille
Restera sans rivale et n*a pas sa pareille,
Et qu'avec son éclat frissonnant et riant
On pourrait acheter les trônes d'Orient^
Ce n'est pas pour si peu <l^eft«0e*que j'attache
Un prix inestimable à sa splendeur sans tache.
CLÉOPATBB, «TM eariodté.
Quel est donc ce Joyau divin ^
Quand* mon aïeul
Bâcchus, alla Jadis conquérî^ l'l«idè, seul
Guerrier, maia.aui bruit dfi» cjaibAto âffnânées
Emmenant ua tcQU(ieaa de fenuofifr (orconéea.
Qui, chantant les raisins^ Unaraiaat aoXi venta plaiotUl.
Leurs chevelumadjQr cainteft.dft sarpeol&^vjls»
La déesse du Gange aux flots bleus, amoureuse
Du dieu, lui fit présent de cette perle heureuse.
Talisman qui soaoMtlASiflots mélodieiis»
Et qui fait obéir Ift Vietoira erlUft dieu»
Et la tempête, en vain dan& Ifij^oioux révoltée.
Qu'entends-jel
ÀNTOuau
lla pwia 1(W» alto aiti tai^wm^iMét'
Dans la famille dMAstAiiia. liaft;aia«ft.
Par elle ont toujours vu leurs bras victorieux,
Et son charme inconnu, sur tout ce qui respire
Nous a fait obtenir la victoire et Temp^ew «^
Si quelqu'un me la peut déroben, 1» destift
Lui promet lltalie et le monde latin.
Bien plus. Je serais son esclave. H sepaU maître
De ma volonté, de mon cœur, de tout mon' étM»
En vérité 1 De tout «m étrel
/.44 LA PERLE
ANTOINE.
Oai, relno.
GLÉOPATBB.
Mais
Qai le peut?
ANTOINE.
Qui prendra, si je ne le permets.
Cette perle qui vaut l'empire de la terre?
GLÂOPATRB.
Un homme peut aller dans les bois de Cythëre;
Là, surprendre Vénus près d'un ruisseam dormant,
Et dérober à sa ceinture un diamant
De flamme, ou le rubis sanglant, ou la sardoine. —
ANTOINE.
Mais qui peut arracher sur Tarmure d'Antoine,
Cette perle qui semble un astre du ciel bleu?
GLÉOPATRB.
Certes. Pour te la prendre il faut, que sais-je? un dieu!
ANTOINE.
Si donc un dieu prétend ravoir, qu'il me la vole!
Des hommes ont parfois tenté ce coup frivole;
Mais moi, jusqu'à présent, j'ai tué les voleurs.
CLÉOPATRE, à part.
Reine secourable, Hâthor, qui vois mes pleurs,
Viens, déesse, il est temps que ton œil me regarde I
Haut à Antoine.
C'est bien, cher seigneur. Puisqu'il en est ainsi, garde
Ta perle. Je ne la veux plus.
ANTOINE, snrpria.
Tu la voulais?
LA PERLE ' 14S
CLÉOPATRS.
Non pas. Que sais-je? Elle eût dans un de mes palais
nrillé comme un soleil, qui de la nuit fatale
Sort, en bai^rnant les cieux d'une clarté d'opale.
Ou peut-ôtre i'aurais-je attachée à mon doigt 1
Mais je ne la veux plus, à présent qu'elle doit
Soumettre l'Italie et le Partbe barbare.
Car plus que toi je suis de ton bonheur avare.
Mais seulement, soumise, et mes yeux sur les tiens,
Laisse-moi la tenir et la caresser.
ANTOINE^ détaehaat la perla de son anniire et k donnant à Cléopàtre.
Tiens.
CLÉOPÀTRE, admirant la perle, qu'elle tient dans sa main.
Qu'elle est belle! De sa blancheur suave éprise.
Une lueur frémit dans sa neige et l'irise,
Et, tremblante, se môle à des reflets d'azur.
Perle céleste I Elle a raison de briller sur
L'armure d'un héros qui jamais ne recule!
A Charmion.
Toi, verse à l'empereur dans la coupe d'hercule
Un vin clair!
Charmion remplit la eonpe et la donne à Cléopàtre, puis elle sort.
SCÈNE VIII
ANTOINE, CLÉOPÀTRE.
CLÉOPÀTRE.
Tu ne m'as jamais quittée encor
Sans vider jusqu'au fond cette coupe aux flancs d'or,
En invoquant pour moi, devant ton sort courbée,
Tes dieux latins 1
II. 9
446 hk PERLI
ANTOINE.
Ma reino*.*
GLÉOPATRE} laÎMant tomber la parle dans la eoapa plÛBe de ?!•»
Ab I la perle est tombée
Dans la coupe ! Elle en fait jaillir des diamants.
ANTOINE.
Eh bien 1 il faut la prendre avec tes doigts cliarmanls»
GLÉOPATRB*
Oui.
ANTOINB.
Prends la perle!
CLiOPATRE.
Son reflet qui tremble, attir»
La clarté. M'aimes-tu?
ANTOINE.
Sans doute. Mais retire
La perle !
CLÉOPATRE.
Oui. Béni soit l'instant cher qui mêla
Nos destins.
ANTOINE.
Mais la perle enfin, retire^lal
GLÉOPATRBf wtà un feu sombre dane les jenz.
Il n'est plus temps. Ce vin pourpré comme l'aurore»
Qui vient de la Lybie, est de flamme; il dévore.
Brûle tout, et dissout les perles, où le jour
 mis ses purs rayons. Tel Timplacable amour,
Lorsqu'il s'y précipite avec son flot farouche,
Anéantit et brûle en nous tout ce qu'il touche.
LA PERLE 141
AKTOINBt comme égaré.
Quel nuage soudain passe devant mes yeux?
Un trouble me saisit, triste et délicieux;
/e songe, et comme si j'avais bu Tonde noire
Du Lethé, vers la nuit je sens fuir ma mémoire*
GLÉOPATRBy «tm nn» aaoTage amertmne.
Pour moi, j'avais dans Tâme ainsi qu'un firmament
Plein d'astres, et l'orgueil fier du commandement,
Des voluptés, des vols d'espérances ailées.
Des chimères; l'amour les a toutes brûlées I
Maintenant, sous le ciel de ma chute ébloui.
Il ne reste plus rien en moi qui ne soit lui!
Eleraot la eonpe.
Antoine, à nos amours I
Bnrant.
Vois, je mêle à mes veines
Ta perle. Maintenant, fuyez, ô craintes vaines 1
Que m'importe si la Victoire devant nous
Glisse et tombe, les reins brisés, sur ses genoux,
Ainsi qu'une cavale efl'râyée et foui;bue;
On ne me prendra pas ton âme, je l'ai bue!
Oui, j'ai bu ton ardeur, ta bravoure, ta foi,
Ton invincible orgueil qui fait honte à l'effroi.
Ton âme enfin, livrée à mon désir avide!
Tu m'appartiens.
ANTOINE.
Oui, mais la coupe n'est pas vide!
Par un moayement soudain, U arrache la eonpe des m fins de Cléepàtre*
CLÉOPATRB.
Oh!
ANTOINE, élevant la coupe.
Glécpâtre, à nos amours!
Il boit .
i48 LÀ PERLE
Plus de souci.
€ar si je t'appartiens, tu m'appartiens aussi.
GLÉOPATRE, à part.
Dieux! le passé lointain, comme une blanche étoile
S'évanouit. Je sens mon regard qui se voile;
J*ai le cœur inondé de joie, et je me meurs.
ANTOINE.
A présent, défiant le monde et ses rumeurs.
Aimons-nous! Comme an sein des profondes vallées
S'embrassent follement deux rivières mêlées.
Etant deux, nous serons un seul. Que nous songions
Aux combats, tu sauras mener tes légions
Au carnage, dans la mêlée affreuse et noire
Et caresser le sein meurtri de la Victoire;
Et dans la belle Asie ou sur les bords du Nil
Subir la faim, la soif, la misère, Texil.
Mais si tu fuis, laissant incomplète la tftche, —
CLÉOPATRE.
Eh bien?
ÀNTOINl.
Moi, sur tes pas je fuirai comme un lâche!
GLÉOPAiaE.
Que dis-tu? Toi le chef suprême» le vainqueur!
Toi le noble Antoine!
ANTOINE.
Oui, nous n'aurons qu'un seul cœurl
Ou soldat, tout sanglant sur son cheval numide,
Faisant voler la mort, ou bien femme timide,
Nous serons ce que tu voudras! mais tous les deux!
Dût s'accomplir mon rêve, oui, ce rêve hideux
Qui me fait voir la mer hurlant sous la poursuite
D*Octave triomphant, et nos voiles en fuite I
LA PERLB
GLÉOPATRS.
TïonI Le sort est pour nous. Je suis forte, ô mon roi
Mon héros 1
ANTOINB, extasié.
Meure dono tout ce qui n'est pas toil
Ta bonche, cette rose amoureuse qui tremble.
Ravit mes yeux. Ensemble, ah! dis, toujours ensemble.
Vivons, régnons^ Le cher parfum de tes cheveux
M'enveloppe. Sois ma guerrière, si tu veux.
Et laissant pour un jour notre chère inertie.
Vainqueurs de la Médie et de la Gilicie,
Triomphons; puis ici, plus tard, couple indulgent.
Parlons aux rois du haut d'un tribunal d'argent!
Ou, si tu Taimes mieux, que chaque jour se noie
Dans les fêtes ; buvons la pourpre de la joie,
Et, comme les doux fruits savoureux d'un verger^
Cueillons sans fin les jours I
SCÈNE IX
ANTOINE, CLÉOPATRE, CHARMION.
GHARMION, entrant.
Seigneur, un messager
D'Octave, pour te voir arrive en toute hâte.
il est là.
ANTOINE.
Maudit soit Fimportun qui me gâte
Ce bel instant!
GHARMION.
César, dit-il, est irrité,
Et réclame ton prompt retour.
{4%
i50 LA PERLE
ANTOINE, en proie à ane londaine eolèr*.
En vérité !
Que ce messager-là cherche d'autres auberges
Que nos palais. Ou bien, qu'il soit battu de verges.
CLÈ0PATR£, hypoeritement.
Le pauvre homme! C'est trop de cruauté. Battu
De verges 1
ANTOINE.
Eh bien I qu'on le chasse.
GLÉOPATRS.
T penses-tu?
Sachons du moins son nom.
ANTOINE.
Pourquoi faire? On le nomme:
Trop tard l
CLÉOPATRE.
Un tel éclat, c'est la brouille avec Rome l
ANTOINE, ioipassible.
Va, Charmion.
Cliarinion sort*
SCENE X
ANTOINE, CLÉOPATRE.
ANTOINE.
Qu'importe Octave? Tout est bien
Puisque j'ai Gléopâtre, et le reste n'est rien 1
Oublions. Ravis-moi. Parle 1
LA PERLE 151
CLÉOPATRE.
Que puis-je dire,
Quand ce que tu veux, tout mon être le désire!
Pourtant je parlerai, ober seigneur, si ma toIx
Te plaît.
ANTOINE.
Quand Je te vis pour la première fois,
C'était sur le Cydnus. Le flot semblait sourire.
Ta voguais, étonnant les deux, sur un navire
Dont la poupe était d'or; le radieux soleil
Sur ses voiles de pourpre étincetait vermeil;
Les avirons étaient d'argent, et pleins de joie
Tremblaient et frissonnaient les cordages de soie.
Toi, couchée à demi sous un pavillon d'or,
Et portant les habits de Vénus, mais encor
Plus belle que Vénus, et gardant une pose
Divine, tu brillais dans tes voiles de rosel
Tu montrais un lien de fleurs pour bracelet;
L'air était embaumé des parfums qu'on brûlait
Sur ton vaisseau. Le peuple et moi» nous t'adorâmes.
Des lyres par leurs chants guidaient le vol des rameSi
Et les flûtes mêlaient leurs voix à ce concert.
Tout le troupeau charmant qui t'adore et te sert,
Nymphes, Divinités, Grâces aux fiers visages,
Néréides, faisaient obéir les cordages,
Ou de leurs belles mains tenaient le gouvernail,
Et de petits Amours agitaient l'éventail,
Afin de rafraîchir la reine de Cythère,
Vénus, Tenchantement et l'orgueil de la tene !
CLÉOPATRE.
Puis Vénus amusa par un festin le dieu
Bacchus; il savoura les vins d'or et de feu.
Et les rires alors voltigeaient sur sa lioiudie,
tTS2 TA PERLB
Car, ce jour-là da moins, le conquérant farouche
Etait dompté.
ANTOINE.
Je veux retrouver ma Vénus!
Oui, celle que mes yeux virent sur le Gydnus,
Et qui, dans une étrange et formidable fête.
Me nomma son vainqueur.
CharmîoD entre et perle bee à CléopAtrt*
SCÈNE XI
ANTOINE, CLÉOPATRE, CHARMION.
GLÉOPATRE.
Eh bien! la table est pr^te.
Ami, pour un festin pareil à celui-là I
Dans la salle où mon fier caprice amoncela
De hauts entassements de colonnes et d'arches,
Des escaliers formés par des milliers de marches
De porphyre et de jaspe, où les colosses noirs
S'irisent, réfléchis comme par des miroirs ;
Des griffons d'or, des sphinx dont l'œil médite et souffre,
Voyant en haut s'ouvrir le ciel bleu comme un gouffre,
Nous aurons tout à coup les éblouissements
De plus de feux que n'ont d'astres les firmaments!
Servis par des enfants d'Asie et par des reines,
Nous mangerons les paons et la chair des murènes,
Les sangliers rôtis et pleins d'oiseaux vivants;
Nous aurons des bouffons alertes et savants,
Et, buvant le Ma^^sique aux divines brûlures.
Nous essuierons nos mains avec des chevelures!
Des danseuses, en leur délire agile et prompt,
Poseront en passant leurs lèvres sur ton front;
LA PERLE 153
le tympanon railleur, la sambaque, le sistre
Empliront de leur bruit la nuit bleae et sinistre;
Gomme sur le Gydnas, je parerai mes bras
Avec des bracelets de roses ; ta verras
Celle dont la prunelle en ton regard se plonge.
Attentive, épiant ton désir, comme en songe,
Et nous rirons, pareils aux dieux olympiens,
Car je suis ton esclave et ta maîtresse.
AOTOINEj fasdné, embrassant amonreasement QéopAtre, et Tentraloanl
Viens!
SCÈNE XII
GHARMION, au pabUe.
Toilà comment on perd les trônes. Une femme
Vient, et change le sort de Rome et de Pergame.
Et celui qui, faisant frémir les ailerons
Des Victoires, enflait jadis les durs clairons.
Est pareil au tremblant agneau que mène un pâlro.
Mais au prix de tenir en ses bras Cléopâtre,
Qui ne voudrait tomber d'une telle hauteur f
Dites 1 — Et pardonnez les fautes de Fauteur.
FIH DE LÀ PEBLB
II. 9.
\
LA BONNE
SAYNÈTE
FAR
M. CHARLES GROS
PERSONNAGE
Là BONNE m"» JEANNE SÀMÀRT,
Accessoires : on fluuMUL, on tablier.
LA BONNE
Oa Mien.
Gomme c'est difficile pourtant de rester dans une bonne
place!
Il n'y a que huit jours que je suis ici. C'est la première
fois que je suis en service. C'est la directrice des postes de
chez nous qui m'a recommandée à madame.
Âh 1 comme je devais avoir l'air bête quand je suis arrivée !
Madame n'a pas l'air commode : c'est pourtant une bien
bonne personne que madame; excepté quand elle a ses
nerfs comme hier soir.
Je suis arrivée ici, il était trois heures, madame m'a
montré l'ouvrage qu'il y avait à faire; sa chambre, épousse-
ter les bibelots tunisiens de dessus Tétagère; la chambre de
mademoiselle, c'est mademoiselle qui doit la faire toute seule
pour avoir de bonnes habitudes quand elle se mariera. Et
puis voilà tout.
Le reste regarde la cuisinière, qui est grêlée! ! mais bonne
fille. Figurez-vous qu'elle me fait mes lits, qu'elle balaye
pour moi. Elle ne veut pas que je me fatigue; aussi, tout mon
ouvrage c'est d'épousseter les bibelots tunisiens, même j'ai
cassé un magot hier. Il n'y a pas de mal, il était si vilain.
Oh! oui, une bonne fille que la cuisinière. EIIa m'achète
des flacons d'odeur au bazar. Le matin elle m'apporte mon
café, et puis elle vient me coiffer, c'est comme qui dirait ma
femme de chambre à moi. Quand je serai riche je la pren-
drai... comme cuisinière! parce que ça serait triste une
femme de chambre si grêlée que ^ai
158 LA BONNE
Alors, madame m'a dit de me mettre propre poar ouvrir
la porte qaand on sonnerait. On a sonné, madame m'a dit:
a C'est monsieur qni rentre. Il rentre tous les jours à cinq
heures. » J*ai été ouvrir. Âh 1 qu'il avait l'air sérieux, mon-
sieur!
Il n'est pas décoré, mais il a tout à fait l'air d'un mor^ieur
décoré. Je l'ai aidé à retirer son pardessus; mais j'avais une
peur! Il avait l'air si sérieux, et puis il est d'un certijin âge
puisque M. Eugène, son fils aîné, celui qui fait des affaires,
a vingt-six ans, mademoiselle en a dix-neuf et M. Jules qui
vient d'arriver en vacances va en avoir dix-sept.
Il y avait du monde à diner; deux messieurs, M. Dubois,
l'aiDi de monsieur, son ami d'enfance, et puis M. Oscar : je
crois que celui-là on veut le marior avec mademoiselle.
Après diner, M. Eugène, le fils afné de monsieur, celui
qui s'occupe d'affaires, (il a de grands favoris noirs; il a
l'air presque aussi sérieux que monsieur; à vingt-six ans!)
M. Eugène est parti. Il m'a demandé la bougie pour allumer
un grand cigare. Il m'a regardée avec des yeux tout drôles.
Il s'est avancé vers moi, j'ai laissé tomber le chand'^iier, la
bobècbe s'est cassée, j'ai poussé la porte; M. Jules (celui qui
vient d'arriver en vacances,) est venu... f ai dit que c'était
4c vent qoi avait cassé la bobèche; mais lui a dit à sa mère
cjue c'était âè sa faute. Il est si gentil, M. Jules. C'est dom-
mage qu'on le fasse partir demain chez sa tante qui demeure
aox Andelys.
Je Tons demande ce que peut faire im grand beau garçon
de dix-sept ans (comme il a de beaux yeux f) aux Andélys
<;hez sa lante? Il s'amuserait bien mieux à Paris pour sm
vacances, M qui s'ennuie tant au bahot (c'est son collège
qu'il appefie le foabut). En voilà un au moins qui n'est pas
fker; Hi est même tout je ne sais comment; il n'ose pas vous
regaroer quand M vous parie ; }e crois qu'il a grandi trop
vitCr C'est dommage, M a de ai beaux yeux.
Le soir, madama a pria sa tapisserie et mademoiselle son
crochet. Monsieur, H. Dubois, (son ami d'enfance) et M. Oscar
LA BONNE io9
(oêlni Qu*ofi va marier avec mademoiselle) se sont mis à ioQer
aux cartes; même ils parlaient d'an mort, je croyais que
c'était on locataire de la mais<^o; mais c'est dans le jea^ on
dit le mort; je ne sais pas, moi 1
M. Jnles (celai f lû vient en vacances) est venu à la cnisine
fumer des cigarettes. Oh) il nous a faH rire avec ses his-
toires 1 Nous dînions avec la cuisinière (c'est dommage qu'elle
soit si grêlée). Il nous a raconté qu'il montait à cheval tons
les jeudis. L'an prochain il va venir à Paris se mettre étu-
diant. On m'a sonné et M. Joies s'est sauvé, parce que ma-
dame ne veut pas qu'il vienne fumer à la cuisine.
J'ai apporté le thé. Monsieur causait très-fort avec M Du-
bois (son ami d'enfance). Madame disait que M. Dubois avail
raison, et M. Oscar (celui qui va se marier avec mademoiselle)
disait que M. Dubois avait tort. Mademoiselle ne disait rien
parce qu'elle comptait les points de son crochet.
Monsieur et M. Dubois se disputent comme ça tous les
soirs, mais ils ne peuvent pas se passer l'un de l'autre.
Souvent» avant le diner, madame a ses nerfs parce que
M. Dabois est en retard, et monsieur demande : c Dubois
n'est pas eocore arrivé. » Mais M. Durbois ne manque jamais
d'arriver au moment où on se met à table. Après le thé, ce
M. Dubois (l'ami d'enfance de monsieur) est parti avec
M. Oscar (celui qui va se marier avec mademoiselle); je les
éclairais. A la porte, ils m'ont regardée. Hase sont dit je ne
sais quoi et ils se sont mis à rire; mm, je me tenais loin, de
peur de casser encwe une bobècbe, M. Dubois s'est avancé
sur moi; et puis tout à couf^.. Il a pris un air bête... mais,
bétel C'était madame qui était derrière mol et qui m'aippe-
lait. Ils se sont sauvés tous les deux, et plus vite que ça 1
Madame m'a dit qu'il ne fallait pas plaisanter avec les
messieun, que M. Dubois arait de mauvaises mmières ei
qu'il ne fallait pas l'écouter.
Ah) par exemple, elle se donne bien de la peine poui
rien, madame, aToo son M. Dubois 1 Mais il a une perruque
et des rhumatismesl
160 LA BONNE
Obi non, moi qui ne suis qu'âne tonne^ je ne voudrais
pas d'un museau pareii quui que ce soit un monsieur.
Figurez- vous qu'il m'a ofifert des gros sous et des dragées.
Il me prend donc pour un singe!
Oh! c'est la nuit après que j*ai eu peur! Ma chambre es
tout au boui du couloir; elle est bien propre ma petite
chambre; je rai arrangée bien gentiment, j'y ai fait un jardin
avec un rosier de Bengale tout petit petit et un pot de basi-
lic. La cuisinière me la nettoie tous les jours (c'est dommage
qu'elle soit si grêlée, la cuisinière).
Il y a une échelle dans le couloir à côté du coffre à bois,
vous savez une petite échelle double qui sert à changer les
rideaux des fenêtres.
Il était bien minuit et demie quand patatras I j'entends
tomber l'échelle sur le coffre à bois. Je pousse un grand cri;
et j'entends la voix de monsieur qui disait: « Voilà une idée
de laisser cette échelle dans le couloir I »
Madame est venue ; elle a demandé à monsieur ce qu'il
faisait sans lumière dans le couloir. C'est vrai, qu'est-ce qu'il
venait faire dans le couloir ?
Ils se sont en allés, madame avait Tair fâché et elle parlait
fort comme quand elle a ses nerfs.
Après ça madame est revenue avec un bougeoir et elle a
frappé à ma porte, j'ai ouvert, elle a eu l'air de chercher
partout dans ma chambre, elle m'a regardée dans les yeux
et elle est partie en me disant que je devrais dormir à cette
heure-là; comme c'est facile de dormir avec des échelles qui
tombent toute la nuit sur des coffres à bois... Quelle drôle
de maison!... Mais je ne sais pas où j'ai la tête pour bavar-
der comme ça après ce qui s'est passé hier et aujourd'hui.
Oh ' je ne sais pas ce que vais devenir. J'ai une peurl...
D*abord hier matin, monsieur a fait sa barbe, (c'est vrai
qu'il la fait tous les jours, et à s'en faire saigner... Vous
savez, un homme si sérieux.) Et puis, avant le déjeuner il
m'a rencontrée dans le couloir... Oh! il voulait me donner
rétrenne de sa barbe! J'ai eu peur! je me suis sauvée!.
'•••
iA BONNB i6i
Pensez donc un bomme si sérienx! (siiê tNMmta.) Tenez, je
l'entends tout justement qui se mouche.
À déjeuner on a décidé que madame irait à Gonesse. Elle
a dit que c'était pour le mariage de mademoiselle. Made-
moiselle est chez sa tante aux Ândelys. Après le café, M. Du-
bois (l'ami d'enfance de monsieur) est venu comme ça me
demander si j'irais avec madame. Je lui ai dit que oui, pour
voir; il a eu l'air bien content et il a mis la main dans son
gousset; je parie qu'il voulait encore me donner des gros
sous et des dragées. Alors je lui ai dit que ce n'était pas vrai,
et que je restais, et je me suis sauvée.
Oh! non, je n'aime pas ce monsieur-là; avec sa perruque
il semble empaillé... et puis il met de drôles d'odeurs sur
lui. M. Oscar (le prétendu de mademoiselle) veut que j'aille
aux Andelys; mais je n'irai pas; parce quej'ai mon ouvrage
à faire ici. (Vous savez les bibelots tunisiens sur l'étagère.)
(Elle treuaate.) Mousiour qul so moucho oncore!
J'irais bien aux Andelys, pas pour M. Oscar, mais à cause
de M. Jules qui va y achever ses vacances, et qui va tant
s'ennuyer.
Est-il bête M. Oscar, il m'a dit que quand il serait marié
avec mademoiselle, il me prendrait pour être la femme de
chambre de mademoiselle; c'est-à-dire alors de madame
Oscar. Mais je ne veux pas moi. M. Oscar est trop regardant.
Il me demande toujours combien on a acheté ceci ou cela,
combien on me paye; combien l'appartement coûte de loyer.
Est-ce qu'il devrait s'occuper de tout ça puisqu'il est
amoureux de mademoiselle?
Ouil tout le monde voulait m'emmener à la campagne,
même madame; mais monsieur n'a pas voulu; il a dit qu'il
n'y aurait plus personne ici pour faire Touvrage.
Il ne sait pas que c'est la cuisinière qui fait le principal.
(Quelle bonne fille, mais trop grêlée) ! Ça ne fait rien, j'ai
très-peur de rester toute seule ici avec la cuisinière et mon-
sieur (un homme si sérieux 1)
C'est surtout pour cette nuit. Je pense encore à l'échelle
162 LA BONNE
<[ui est tombée sur le coffre à bois, (bus trMMmto.) Il se mouche
trop Qu'est-ce que peut avoir un homme si sérieux à se
moucher comme ça? Oh! Je vais aller trouver la cuisinière,
j'aurai qioîns peur.
Jusqu'à M. Eugène, le âls aîné de monsieur, qui est parti
en voyage pour ses affaires I
Do reste ce n'est pas lui qui m'empêcherait d'avoir peur
ici, puisqu'il est presque aussi sérieux que son père (à vingt-
sit ansl)
Heureusement que la onisiniëre n'est pas encore couchée.
Elle vient souvent le soir me demander si Je n'ai pas besoin
de quelque chose.
Hier soir, ils se sont disputés; M. Dubois avait ses rhuma*
tismes et il a dit qu'il n'irait pas à Gonesse. (Il me regardait
«n disant çal qu'est-ce que ça me fait?) Monsieur lui a dit
qu'il fallait rester tranquille chez lui, au chaud. Madame a
en ses nerfs. Elle est partie ce matin en me disant qu'elle
rentrerait ce soir par le train d'onze heures; mais j'ai bien
peur qu'elle ne rentre pas, parce que j'ai entendu dire qu'elle
doit rester cinq jours : j'aimerais bien mieux qu'elle rentre.
Ah I j'ai une peuri Monsieur avait un air ce matin en fai-
sant sa barbe, je n'y comprends rien, vous savez, à un
homme si sérieux.
Oh I mais, j'y pense; c'est aujourd'hui le jour de sortie de
la cuisinière. Elle sera partie aussi I Ohl j'ai peur! Tenez!
encore monsieur qui se mouche! Oh! non; je veux m'en
aller. Mais, où? Et la concierge?... J'entends ses pasi c'est
monsieur... un homme si... qui vient par ici! Dans ma
chambre la porte n'a pas de verrou. Il va encore tomber des
échelles. Oh ! la, la 1 La fenêtre, c'est trop haut. Oh ! tant pis I
un homme si...
(Beomut.] On sonne en bas. C'est la voix de madame... elle
a ses nerfs... et la voix de M. Dubois. (TngMmtaat.) Ohl main*
lenant ^ m'est égal, ils peuvent tous se moucher l
FIN DE LA BOimi
sous BOIS
OPERETTE EN UN ACTE
PAROLES DB
M. CHAUVIN
Musique de M. F HITZ
PERSONNAGES
ULT8SE RONCHONNARD (45 ans, très-gras) MH. DAUBRAT.
80STHÈNE DE LAPORTB DU PARC (45 uf,
très-maigre) SCIPION.
Us sont Tdtai toiu deux d'un yèteuient de chasse en Telonrs marron,
eas^ette de chasse, ete«
S'adresser, pour la musique, ches Trbsss, éditeur, galerie du Théfttre-Français
(Palais-Boyal), et chet 0. HAaTMAMM, édluar de musique, 19, bouJerard de la Ma*
deleine, à Paris.
sous BOIS
La scène représente une forêt. -* Au denxième plan, on peu rar U droite, an
hangar couvert de chaume sons lequel se tronrent des fogots, une hache, une soie
et divers outils de bûcheron.
An lever da rideau, il pleut. — La scène est vide un instant.
SCËNE PREMIÈRE
SOSTHËNE, entrant de droiie, en costume de chasse, an eamier en ban*
doulière, son fusil so.us le bras.
Quel temps, mille carabines!... et pas un abri dans cette
forêt... toujours ma mauvaise chance... la guignol... Tiens!
un hangar!... (u se réfugie sons le hangar.) Âhl co n*est pas dom«
mage, nom d'un canon! car mon vêlement est déjà trans-
percé... (il tire à lui on fagot et s'asseoit dessu».) Âb!... Ce n'OSt paS
moelleux... moelleux... mais c'est toujours cela... Dire qu9
je ne puis pas souffrir la cliasse et que, chaque jour, je fais
ce petit manège... quinze lieues à travers ces bois... -*
« Mais, pourq«iioi, me direz-vous, vous donner tout ce mal
si la chasse vous est antipathique?... » — Ah! voilà... c'est
l'amour!... U pleut... je n'ai rien de mieux à faire... je puis
166 SOUS BOIS
bien me raconter mon histoire à moi-môme... L'été dernier,
je suis dllé prendre les bains de mer an Tréport. — Je ne
sais pas trop pourquoi j*ai choisi cette staticn balnéaire... je
ne peux pas souffrir le Tréport... Mais, voilà... j'ai la
guigne!... tout ce qui me déplaît m'attire... — Au casino^
j'ai rencontré une femme du monde, une veuve adorable...
— je n'ai jamais eu de penchant pour les veuves... elles ont
la manie de toujours vous parler de leur défunt... comme
c'est gai!... Vous vous appelez Sosthène, comme moi, par
exemple, et l'époux que vous remplacez se nommait Edgard. ..
vous vous mariez et, le soir même de vos noces, votre
femme, dans un doux épanchement, vousappelle Edgard. . . —
Ces réflexions devaient m'éloigner de cette fille d'Eve...
Eh! bien non, la guigne —toujours la guigne — m'a poussé
à lui faire une déclaration... pour le bon motif I...
Je ne sais pas si vous avez remarqué comme je suis
maigre... — vous ne l'avez peut-être pas remarqué... —
eh bien! je suis maigre... outrageusement maigre... et ma
future — car elle est aujourd'hui ma future — a pour idéal
un mari qui lui rappelle les petits Amours des tableaux de
Boucher, à la /... ace rose et rebondie... — (pirount sur lui.
même.) Âvoucz quo je n'ai rien de commun avec ces petits
chérubins... — Enfin, ma belle, subjuguée par mon esprit
fin — comme moi, hélas! — me conseilla de faire comme
les chapons du Mans... et d'aller me faire... engraisser... Un
médecin, ami de la dame et qui se trouvait là par hasard —
c'est lui qui me l'a dit — me conseilla la chasse... pas trop
loin de Paris... dans les Ardennes, par exemple... où je
voudrais... dans une maison à lui appartenant et qu'il m'in-
diqua... à deux pas d'ici... et voilà comment je me trouve
actuellement dans cette fameuse forêt des Ardennes illustrée
par saint Hubert... — En voilà encore un qui me déplaît!...
et je suis forcément un de ses disciples.
Le régime que le docteur m'a donné à suivre est des plu»
simples... un œuf dur chaque jour à déjeuner et, après, tout
ce que je voudrai... Voilà quatre mois que je le s:srsreli-
sous BOIS <67
gieusement... Eh bienl je n'«ngraisse pas!... la guigne^
toujours la guigne.
Air.
G*6Bt la guigne
Qui me guigne
Et m'arrête à chaque pas I
C'est la guigne
Qui me guigne,
Bile ne me lâche pas!
La guign* sous forme de cerise
Est un fruit gracieux et bon,
Mais celle qui me martyrise,
Affreuse guigne, est le guignon.
G^est la guigne
Qui me guigne,
Etc.
Voyons, mille escadrons! la pluie —encore une personne
que je ne peux pas souffrir! •— la pluie n'a pas l'air d'avoir
l'intention de cesser de m'inonder... il faut pourtant
rentrer, et je ne sais quel chemin prendre pour retourner
chez mon hôte... je ne m'étais pas encore aventuré si loin...
je me suis perdu!... Mais, j'y songe, ces fagots, ces outils de
hûcheron ont un propriétaire et il est probable qu'il n'est
pas dans la forêt de Saint-Germain... je le trouverai peut-
être par ici... Allons! marche, Juif errant de l'amour...
marche! (n qnîtttu hugar.) Nom d'un clairon! ça tombe à
verset
11 sort à gauekft.
168 SOUS BOIS
8GÈNE II
ULYSSE} d'abord à la eantoaado, pnls entrant de droite en eettnme de
ua eamîer en bandonlièrey eon fasil sont le bref.
(▲ la eantonade.) Taïaut! taïaut I (il entre.) Taïaut! taïami...est-c6
assez cela!... ne dirait-on pas un vrai chasseur!... c'est égal!
quel chien de temps!... — Il y a des gens qui disent : c Quel
temps de chien!... » moi je dis : « quel chien de temps!...
— ça dépend de l'éducation qu'on a reçue dans sa jeunesse...
^ D'ailleurs, j'ai le caractère bien fait et j'accepte tout,.,
mais rien ne me. réussit... tout ce qui me plaît me repousse f...
Heureusement je sois philosophe et voici mon avis :
Air.
Il ne faat pas vouloir sans cesse,
Se rebutant à chaque pas,
Approfondir avec finesse
Ce qui ne s'approfondit pas*
En philosophe, je suppose
Que tout est beau, que tout est bien,
Car on n*est sûr que d*UDe chose, ^q. .
Cest qu*on n*est jamais sûr de rien.
C'est la fatalité qui me poursuit 1... — Si j'étais peintre
Impressionniste, je ferais ainsi le portrait de la fatalité : Un
doigt dans rœil... -— Ah 1 voici un abri!., je ne m'appelle
pas Ulysse pour rien... soyons malin comme celui dont je
porte le noir et qui se mit à l'abri dans un cheval méca»
nique«... introduisons-nous sons ce parapluie de chaume...
Je sois éreinté, mouillé, traversé et bien ennuyé du métier
que je fais; (n retire «» paletot et l'aeerodie loos U kangar.) Car j'ai
jpair d'un braconnier... (Apereerantie &got.) Tiens! un eanapél
sous BOIS 169
(il l'aneoit denns et m lire aassitôt.) AlOl... l6S reSSOFtS laissent à
désirer; fr: retonma u fagot.) par ici c'est plus doux... Il y a des
gens qui ^ seraient assis tout de suite de ce côté-là... Eh
bien! pas moi! c'est toujours comme cela... la fatalité! J'ai
beau la fuir, elle me repince au demi-cercle!... Ainsi rien
n'est lamentable comme mon histoire!... J*aîme les femmes
blondes et je n'ai jamais été aimé que par des brunes...
C'est même pour cela que je me suis mis à chasser; car je
ne peux pas souffrir la chasse... Je suis harnaché comme
Nemrod et Nabuchodonosor ne Tout jamais été et je ne tire
pas un coup de fusil... — D'ailleurs, je n'ai ni plomb ni
poudre... c'est trop dangereux... —j'ai même eu beaucoup
de peine à me décider à prendre un fusil... enfin, je fais
mes quinze lieues par jour... — < Mais pourquoi tout ce mal,
me direz-vous? » — C'est l'amour!... — Tenez, l'été der-
nier, on faisait la moisson, au Tremblay, chez mon ami le
docteur Rebondisko, un ancien réfugié polonais qui a in-
venté ce nouveau système de médecine à la gomme élas-
tique... tout le monde connaît çà... Vous avez une maladie...
vous frottez la partie malade avec de la gomme élastique
jusqu'à ce que le mal s'efface... c'est très-simple... mais, —
voyez la fatalité... toujours la fatalité! — il paraît que, pour
effacer l'embonpoint ce système n'est pas efficace; aussi...
mais, n'anticipons pas;., il pleut, je n'ai rien de mieux à
faire, je puis bien me raconter mon histoire à moi-même...
L'été dernier, donc, on faisait la moisson, au Tremblay,
chez le docteur en question ; il y avait, parmi les invités,
une jeune veuve blonde comme Gérés et dont je tombai
amoureux aussi vite... — comment vous dirais-je bien
cela?... — aussi vite que la pensée. Je l'attirai derrière une
meule et lui fis une brûlante déclaration : « Bel épis blond
de la verte prairie, un coquelicot ferait si bien dans votre
gerbe... » enfin, un de ces compliments comme je sais las
tourner... Je lui offris ce marché : « Donnez-moi votre cœur,
je vous donnerai le mien... mais ne trichez pas... » La fata-
lité — toujours la fatalité ^ voulut qu'elle eût un idéall v.
II. io
170 SN)US BOIS
Elle me répondit : c Votre esprit fin... » — • pas comme mon
individu hélas! — c m'a subjuguée, mais, j'ai toujours rêvé
un mari svelte et élancé... » — « Alors, m'écriai-je, on pei»t
plier, un mât de cocagne, quelque chose comme une queue
de billard avec de bons procédés! » — « Vous y êtes! »
telle fut sa réponse aussi laconique que désespérante... Fi-
nalement, elle me dît : « Faites comme les jockeys, allez
vous faire maigrir, et nous verrons... d Le docteur Rebon-
disko, 1 ancien réfugié polonais, notre hôte, qui se trouvait
là par hasard, me conseilla la chasse... pas trop loin de
Paris... dans les Ardennes... où je voudrais... dans une
f^me à lui appartenant et qu'il m'indiqua... à deux pas
d'ici... et voilà comment je me trouve dans cette célèbre
fèrèt des Ardennes, à plus de deux cents kilomètres du bou-
levard des Ilaliens, forôt hantée jadis par saint Hubert dont
je suis, actuellement, ufn des disciples forcés... Le régime
imposé par le docteur, en dehors de cette course folle^ à
travers ces forêts jadis vierges... — mais, depuis que saint
Hubert... enfin, passons.^. ^ ce régime, dis-je, est très-
simple... — - « Vous prendrez, m'a dit le médecin, diaque
jour, à déjeuner, un œuf dur... et tout ce que vous voudrez
après... surtout n'oubliez pas Tœuf dur... tout est là. » —
(uattaint 80D cnnier.) Ma foi, âéjeunofts euf att^daut le soleil.
SCÈNE III
ULYSSB, SOSTHÈNË, ventnt de la g<oek«.
SOSTHÈNE.
PaslemoindrebûcheronI...la guigne! toujours la guigne...
et cette pluie... (Ap«rwfant VIjbm en manchet de chemise.) Ah ! enfin,
en voilà uni
ULTSSB.
Qnelqu'uDl
Il M l»f«.
sous BOIS 171
60STHÈNB.
Dîtes donc, mon brave?
ULYSSE, à part.
Son brave?... Je suis son brave!... pourquoi son brave?...
Ah! mon arsenal, j'y suisl
SOSTHÈNE.
On est paresseux dans ton métier, mille cartouches!
ULYSSE, à part.
Bigre 1 c'est un soldat J... il n'a pas Tair commode l
Je n'ai pas rencontré un seul de tes semblables depuis
une demi-heure que je cherche... nom d'un briquet!
ULYSSE, à part.
Il est dans la ligne... je m'en doutais... (Haut.) Mais...
SOSTHÈNE.
Pourrais-tu m'indiquer ma route pour aller aux quatre
chemins?
ULYSSE, à part.
U est familier!... (Haut.) Mais...
SOSTHÈNE.
Répondras-tu, mille carabines!
ULYSSE, à part.
C'est un carabinier! (Haat.) Je ne connais que le sentier des
quinze perches où j'habite.
SOSTHÈNE.
Tu n'es donc pas bûcheron?
ULYSSE.
Mais non, je ne suis pns bûcheron!
172 SOUS B0I5
SOSTHÈNEy à part.
Si c'était un voleur!
ULYSSE.
Je suis ingénieur.
SOSTHÈJSB.
Fallait donc le dire!
ULYSSE.
Vous ne me Tavez pas demandé.
SOSTHENE, à part*
Quelle santé I ah ! si j'étais comme lui! (Haat.) Ingénieur?...
Vraiment 1 nom d'un canon!
ULYSSE, &part.
Je me trompais, c'est un artilleur!... quelle santé ce
gaillard-là!... un véritable échalas!... Âh! je voudrais bien
être à sa place!... (Haut.) Ingénieur, oui, monsieur.
SOSTHÈNE.
Excusez-moi, mais je vous rencontre en manches de
chemise... au milieu d'une forêt et. ..
ULYSSE.
Vous êtes tout pardonné... Je chassais dans ce bois quand
j'ai été surpris par la pluie...
SOSTHÈNE.
Gomme moi, nom d'une bombe!
ULYSSE, à part.
Décidément, c'est un artilleur!... (Haut.) Alors, j'ai retiré
mon paletot pour le faire sécher...
SOSTHÈNE.
C'est une excellente idée, et, si vous voulez bien me le
permettre, je vais en faire autant.
sous BOIS 173
ULYSSE.
Gomment donct... faites comme chez vous!
SOSTHÈNE, retire wn paletot et raccroche à oAté de eelai d'UljMe.
D'autant plus que ce n'est plus un paletot, c*est une
éponge... une véritable éponge!... Enfinje bénis l'heureux
hasard...
ULYSSE.
Le hasard, monsieur, c'est cette pluie persistante.
SOSTHÈNB.
Ma foi, je men réjouis puisque, grâce à elle, j'ai trouvé
une compagnie.
ULYSSE, à part*
Une compagnie?... c'est un capitainel... (naat.) Si vous
voulez bien me le permettre, monsieur, je continuerai mon
déjeuner...
SOSTHÈNE.
Mais comment donc, déjeunez Je vous en prie... d'ailleurs
je vais en faire autant... j'ai apporté là tout ce qu'il me faut.
U ra prendre son earnier.
ULYSSE, roulant nn tronc d'arbre»
Voici une table... asseyez- vous en face de moi; nous
allons, si vous le voulez bien, confondre nos déjeuners.
SOSTHÈNB.
Non, à chacun sa ration.
ULYSSE, à part.
Il est dans l'intendanee. (uaut.) Comme vous voudrez...
cela nous aurait fait un repas plus complet... la diversité des
mets...
SOSTHENE.
Ma foi, vous avez raison.... confondonsi mille baïonnettes 1
confondons!
II. 10.
i74 SOUS BOIS
ULTSSIS.
Mille baionnoltes!... c'est un zouave 1 j(saDt.) Votoqs.*.
(vidant ton oarnier.) Moî, j'ai Un ŒUf dur.
SOSTHÈNE, mdme jaa.
TiensI moi mm.* . mais, j'ai da jambon, (a part, «n n^ardui
Ulysse.) Quelle santé!
ULYSSE.
C'est comme moi! (a >!»ru) Quel gaiUardl (Haat.) Ahl clest
ennuyeux, nous avons tons deux la même chose... An fait,
j'ai du fromage...
SOSTHÈNE.
Toujours comme moi, cent clairons 1
ULYSSE, désappoimé.
Ahl... (a pact.) Cent dairons?... mais il est dans la tmisi-
quel
SOSTHÂNB.
Pas de chance,.. • la guigne I
ULYSSE.
La fatalité!... (sabuament.) Un instant I... Quel fromage?
SOSTHÈNE.
Un bondon.
ULYSSE.
Toujours comme moi!...* Bah! à table! et si vous le per-
mettez, nous assaisonnerons notre déjeuner...
SOSTHÈNE.
'Avec quoi?
ULYSSE.
Avec la chanson de saint fiubert, le patron de ce pays.
.fiOSTHÈNB.
Vorontiers.
sots BOIS
ULTSSB.
COUPLETS
I
Saint Hubert, ud jour,
Ignorant l'amour,
Se promenant dedans ces bois,
Entendit tout à coup des voix
Qui se disaient : Je t*aimel...
Son trouble fut extrême!...
Et le grand saint Hubert (Bis.)
En devint blanc.
En devint bleu,
En devint blanc, bleu, vertl
II
17S
Bis ensemble.
Il vit Qet <:ha5b<^'''s,
Echangeant des fleuis
Avec des belles aux doux traits,
Q u'ils embrassaient sous les bosquets,
En leur disant : Je t*aimel...
Son trouble fut extrême!...
Et le grand saint Hubert [Bis.)
En devint blanc, ^ Bis ensemble.
En devint bleu,
^ devint blanc, bleu, veKI .
11 n'en vit {>>:» plus,
Et crut, au surplus,
Que Tamour, «sand un doute aucun,
Est un échange de parfum.
Lorsquon se dit : Je i\ auel...
Son trouble fut extrême I...
Car depuis, saint Hubert {Bis.)
N'existe plus, ^ j ^^ ensemble.
Ne se voit plus...
11 est en bronze vertl
476 SOUS B0I8
ULTSSB.
Qu'est-ce que vous dites de cela?
n s'asseoit à droite près da troae d'arbre.
SOSTHÈNE, même jea à gauche.
C'est charmant! (a part.) C'est idiot 1 (Haut.) Et de qui cette
chanson?
ULTSSB.
De moi...
SOSTHÈNB.
Mes compliments!... Vous m'avez dit, monsieur, que vous
étiez ingénieur.
ULYSSE.
Oui, monsieur, et inventeur de quelque mérite, j'ose le
dire.
Ils déjeûnent.
SOSTHÈNE.
Je m'en serais douté !••• (a part, le regardant avee envie.) Quelle
corpulence!
ULYSSE.
Oui, monsieur! (a part, même jea.) Est-il maigre, ce gail-
lard-là! (Haut.) J'ai fait une fortune assez rondelette...
SOSTHENE, à part.
Rondelette!... et c'est à moi qu'il dit cela!
ULYSSE, il se lèye et ya à l'avant-seène*
Assez rondelette, j'ose le dire avec une invention surpre-
nante : Le pince-nez^éveille-malin,,. à l'usage des gens
myopes.
, SOSTHBNB.
Si je vous demandais de...
sous BOIS 177
ULYSSE.
Le pinee-nez-réveillMnatin est la chose la plus simple du
inonde...
SOSTHÈNB.
Gomme Tœaf de Christophe Colomb...
ULYSSE.
Il fallait le trouver, voilà tout... Le pinee-nez-réveillMna-
tin se compose d'un binocle ordinaire sur lequel on soude
une boîte à musique d'un demi-centimètre carré... de cha-
que côté du rouleau de cet orgue minuscule est fixé un fil
de caoutchouc à l'extrémité duquel on met un peu de cire
verte...
SOSTHÈNS.
Pourquoi verte?
ULYSSE.
Parce que cette couleur est très-bonne pour la vue... Vous
coiffez votre nez avec le binocle ainsi préparé, le soir en
vous couchant, et vous avez soin au moyen de la cire...
SOSTHÈNB.
Verte...
ULYSSE.
De fixer les extrémités des fils de caoutchouc à la pau-
pière inférieure.
SOSTHàNE, à part.
Ouf!
ULYSSE.
Et VOUS VOUS endormez paisiblement.
SOSTHÈNE.
J'y suis... je dors... après?...
ULYSSE.
Le matin, aussitôt que vous ouvrez les yeux^ les fils tirent
178 SOUS BOIS
sur le rouleau, la boîte à lïiHsique joue son petit air...
(iriomphaat.) et VOUS voUà féveilW.
SOSTHÈNE.
Mais, permettez... c'est à la condition d'ouvrir les yeux
avant de se réveiller.
ULYSSE.
ParhleuL«.>¥oas:in!avez oompns.
'SOSTHÈNE, à p«U
Quel idjotl (lUbt.) C'est étourdissant^ mille sabretaches!
UEYS8E, à part.
C'est un hussard!
SOSTHÈNE.
Si cela ne vous fait rien... causons en marchant.
ULTSSE.
Volontiers, d'avtaÉt plus que rexerciœ tn'e»t recooH
mandé.
A moi également!
Hs Bê promèneot à Ttrant-acène.
ULYSSE.
Tenez! autre chose!... donnez-moi votre montre?
SOSTHÈNE, à part.
Si c'était un filou!...
mLYsn.
Donnez donc!
SOSTHÈNE, à p«rt.
Il n'y a pas à hésiter... je sais seul avec lui... et... (Haut,
doDBant aa aantre.) La VOÎCl I
sous BOIS ^'î'g
ULTSSE, prtttuit Is. montre.
Eh bien! elle est comme toutes les montres en en
SOSTHÈNR, à part.
Si c'était un filou, tout de mêmei... (Haut.) Oh! elle est en
bronze d'aluminium... elle n'a pas de valeur, (a part.) Si ça
pouvait l'en dégoûter 1
ULTSSË, exammant la montre.
Elle est en or contrôlé. .. voilà le poinçon.
S09THÈNE.
C'est un faux poinçon.
ULYSSR. .
Du tout, elle est en or.
SOSTHÈNB*
Oh! si peu!
ULYSSE.
Enfin, cela ne fait rien à la chose... A quelle heure vous
couchez-vous? ,
SOSTHÈNE.
Vous savez... ici, oi se couche de bonne heure... à onze
heures du soir... (a pan.) Pourquoi cette question?
ULYSSE.
Très-bieql.^ A quelle heure vous levez-vous?
SOSTHÈNE.
Vous savez... ici, on se lève de bonne heure.., à ^iriq
heures du matin.
ULYSSE.
Très-bien!... Eh bien! de onze heures du soi" à cir i lieu
res du matia, cela fait six heures pendant les^quelieb vuu^ ne
faites rien...
m sous BOIS
SOSTHÈNE.
Je iMS !
ULTSSB.
D'accord!... Ce sont des heures inutiles... comme on
trouve toujours la journée trop courte... moi, qui vous parle»
je ct)erche à inventer une montre qui utilise ces six heures
perdues en les retirant à la nuit pour les mettre dans le
jour...
SOSTHÈNE, à part.
Il est idiot! mais quelle santé!
ULYSSE.
De cette façon vous avez des journées de vingt-quatre
heures.
SOSTHÈNE.
Mais la nuit?
ULTSSB.
Je la supprime I
n met la montre dans ta poche.
SOSTHÈNE, k part.
Mais il supprime aussi ma montre... (Haut.) Vous vous
(rompez de gousset 1
ULYSSE.
Excusez-moi, c'est une distraction!
U la loi rend.
SOSTHÈNE.
 la bonne heure!... Mais marchons donc un peu... noai
d'un bastion!
Ils reprennent lenr promenade.
ULYSSE, à part.
Il est dans le génie. (Haut.) Et vous, monsieur, vous me
conterez bien vos campagnes?...
sous BOIS fSi
SOSTHÈNK.
Mes campagnes?. ,•
ULTSSB.
Ouï... vos campagnes... (L'imitant.) Nom d'un canon! mille
baïonnettes 1
SOSTHÂNB.
Mon Dieul Je n'en ai jamais ea que deux dans ma vie!
ULTSSB.
Vraiment I... et où cela?
SOSTHÂIOI.
La première à Ville-d'Avray...
ULTSSK.
A Ville-d'Avray?... il y a longtemps alors?... (ad pnbiic) Je
ne me souviens pas...
SOSTHÈMB.
Oui, monsieur, à Ville-d'Avray, pendant trois ans.
ULTSSB.
Cela fait six ans.
SOSTHBNB.
Gomment?
ULTSSE, trèa.iérieas.
Oui... les années de campagne comptent double.
SOSTHÈNB, riant.
Très-joli... Vous êtes farceur! (continuant.) Mais, au bout d^
ce temps, j'ai levé le siège.
ULTSSE, ahnri| à part.
Le siège de Ville-d'Avray?... (Haat.) Et pourquoi avez*
vous?...
482 SOUS BOIS
808THSNB.
Parce qu'il n'y avait pas d'eau!
ULYSSE, à part.
Je ne comprends pas... ça doit être Hà ia balistique; d'au-
tant plus que j'ignore ce que c'est... (Haut.) Et votre autr
campagne?
SQ6THÈNS.
L'autre?... à Asnières.
ULYSSE, àp«Rt.
A Asnières?... (Hwt.) Il y a longtemps?...
SOSTHÈNS»
L'année dernière.
ULYSSE, «iuiri* 4 fart.
Je n'y suis pas du tout!
SOSTHÈMB.
Je rai abaftâonnée tout de suite.
IflLYSSI.
Ah I bah!... et pourquoi?
SOSTHÈNB.
Parce qu'il y avait trop d'eau.
ULYSSE, à part.
Ce que c'est que de ne pas savoir son Histoire de France!
SOSTHÈNE.
Allons bon ! voilà la pluie qui tombe de plus belle.
Il Ta sous le hangar.
ULYSSE, môme jea, sortant àtta fioles de son carnier.
Ahl j'oubliais!... vous accetuerez bien un peu de café et
ja Qoutte?
sous BOIS 183
SOSTHÈNE.
Et la goutte!... Quel homme de précantion! Mais, très-
volontiers I
Ui l'asseyent sur ke A1911U et pteuuat Vi eett dam leui frihalaiii
ULTSSB»
Enfin, monsieur, vons ôtes chasseur?
SOSTHÈIIK*
Pas du toatl... Et vous?
ULTSSV.
Moi non plusl... Tadore la pêche à la lig^e.
SOSTHÈNE.
C'est comme moi... nom d'une bomhel
ULTSSE9 à part.
Décidément il est artilleur... (Hant.) Mais alorSt pourquoi
chassez-vous?
SOSTH&NS.
J'allais VOUS poser la même question.
UL1SSE, Tenaat le eo^uM»
Moi ça s'explique, c'est pour ma santé.
SOSTHÈNE, à part.
Pour sa santé! (Hant.) Et moi pareillement*
ULYSSE, à part.
Pour sa santé i... nn gaillard comme çal
ULTSSE et SOSTHÈNE.
Par ordonnance du médecin.
Ifeee yhmU
ULTSSB.
Pour vaincre mon eoibonpoint
IM SOUS BOIS
SOSTHÈNB.
Et mol, ma maigreur.
ULYSSE*
Dans le but de plaire à celle que j'aime. ••
SOSTHÈNB.
Gomme moil...
ULYSSE» eoatinnaiit.
Qui veut pour époux une queue de billard I... la fatalité l
SOSTHÂNE.
Ma future veut pour mari un Amour peint par Boucherl.««
(a guigne!
ULYSSE, oontiniMAk.
La vicomtesse de Riopiano...
SOSTHÂNE, rmtarrompuiU
Vons dites?
ULYSSE.
La vicomtesse de Riopiano...
SOSTHÈNEy même jeu.
Mais c'est le nom de celle que j'adore.
ULYSSE.
Hein?
SOSTHÈm.
C'est pour lui plaire que je veux engraisser
ULYSSE.
C'est pour elle que je veux maigrir.
SOSTHÈNB, à l'aruit-MèM.
Alors vous êtes mon rival !
ULYSSE, de même
Il y en a un de nous deux qui est de trop.
sous BOIS 181
SOSTHÂNB.
Lequel?
ULYSSE.
C'est le «i>rt qui décidera...
SOSTHÈNK.
Gomme dans le Chalet!
ULTSSEy allant prendra ion InaU al radaseandant la loèna
Si VOUS n'êtes pas un lâche, vous accepterez un duel i
Taméricaine...
SOSTHJENE, mêma jaa.
La chasse à l'homme, çà me va, milles carabines!
ULTSSl.
Amorti
80STHÈNB.
Comme dans les Pampas I
ULTSSB, ia UtanU
Comment... les pans passent?...
SOSTHÈNE.
Un mot d'abord, mille canons l
ULYSSE, à part.
C'est un artilleur, décidément! (naat) Eh bieni parlez I
SOSTHÈNE.
Quand on aura quelque chose à se dire au milieu da
combat, on agitera un mouchoir blanc
ULYSSE.
Le mien est de couleur.
SOSTHÈNE.
Ça ne fait rien 1... tous savez... en parlementaire,... eomme
ça.
Il fait la gaita aTae aon monehoir.
sous BOIS
ULYSSSy mèawjea.
C'est eonvenn... Je prends la gauche I
Il Ta M phoer à gaache d«rrièi:tt an Arbr««
SOSTHBNB, même j«a à imite.
le prends la droite.
DUO
ULTS8B*
Ne bougeons pas^
L*aatre là-bas
N*aurait qu'à m'occiret
SOSTHÈNB.
S'il faisait feu
Sur moi, morbleu 1
Ahl je crois qu'il tirai
ULYSSE.
En joue il me coneiial
Mon Dieu ! je suis morll
SOSTHBNS.
Pas une cartouche I
Quel malheureux sorti
ULTSSB.
Au cœur il me plonge
Son fusil chargé 1
SOSTHÈNB.
Mon Dieul quand j*y songa^
Il est enragé I
ULTSSB.
Il a la bonne place.
SOSTHÂNB.
Je sérail mieux là-bas.
sous BOIS it7
BNSIMBUS.
Allons! un peu d*audace
Et de ce pas
Filons là-bas I
Allons, un peu d*â«Aaoi!
Chipons sa place,
Filons là-bas.
Hoiique de seèM peDdant laquelle ik traveneat h tkéitrt) m «((ttcnl l*ar'
Boachoin, et diangent de pleee*
KNSBMBLB
Position {bis.)
Pleine d'émotion I
Que yais-je devenir?
H^lssl bélasl je Tais movntt
SOSTHÈNE, aa publie*
Il est là derrière l'arbre... si je m'en allais I...
ULTSSB, de mAme.
Il est caché par ce bouleau... si je m'éclipsais!...
Chaenn d'enz rentre en scène avec préeaaA>n et lans yolr Paatri.
SOSTHÈNE, au public.
La fuite... voilà mes armes.
ULISSK9 de méoM.
La fuite est une protestation... je proteste!
▲rrlTéi à ee moment an milieu de la tcènei ils se beortent*
m«TSSE et SOSTHÈNE.
àblgredinl
Ils se eoncbent en joue à bout portant, pais déposent leurs armas et
agitent leurs moucboirs.
SOSTHÈNE et ULTSSB.
Ne tlTii pas l
SOSTHÈNE.
€6 éael est inégal.
188 SOUS B0I8
ULT8SB.
Pourquoi cela?
SOSTHÈNB.
Je n'ai pas de cartouches!...
ULTSSB.
Ni moi non plus I
SOSTHÈNB.
Alors les chances sont égales, reprenons ce terrible coin-
bat.
Ilff font mine de a'éloigaer.
ULYSSE, f'arrètaat et agitant aon moaehoir.
Permettez!
SOSTHiNB, de m«me.
Quoi, encore?
ULTSSB.
Si nous n'avons pas de cartouches ni l'un ni l'autre... ce
duel est absurde.
SOSTHÈNB.
J'allais vous le dire!... mais cela n*amène pas de solution.
Vous êtes toujours de tropl mille bombes!
ULTSSB, à part.
Voyez-vous l'artilleur! (Haut.) Pardon, c'est vous qui êtes
de trop!
.SOSTHÈNB.
Que faire?
ULTSSB, aTiaant la haehe et la sde loiie le hangar et se débarrassant de mtk
fosU.
Sauvés!... voiei des armes laissées là fort à propos par un
nûcheron.
U ki prends
sous BOIS i8(
80STHÈNB.
T pensez-¥0U8?... une hache et une sciai
ULYSSE.
Parfaitement» et je choisis la hache I
SOSTHÈNBy posaot foo fasil cootre im portant.
Comme vons y allez, vous 1... nous allons la tirer au sorti
ULTSSB.
 pile ou facel
SOSTHÂNI.
C'est ditl
ULTSSB.
Avez -VOUS une pièce de cinq francs en argent?
SOSTHÈNB, à part.
C'est un filou, décidément.
ULTSSB.
Avez-Yous cent sous, voyons?
SOSTHÈNEy lai donnant nna fièee de dnq franea.
Voilà... (a part.) Si c'est pour faire un tour, le moment est
mal choisi.
ULTSSB.
La face pour moi.
Il jette la piàoa en l'air, elle tombe pile.
SOSTHÈENB.
La pile est pour moi!
U ramaaae la pièce d'argent.
ULTSSB.
Plaise à Dieu que tous ayez dit la vérité!
SOSTHÈNB, prenant la haehe qall brandit dau l'air.
Voilà donc cette hache tant aspirée !
u. "•
ita sous Boia
Pardon, on dit 9M kmhê.
Dq tout, puisqn?elle est aspirée.^ ÂHont, proMS la scie ef
Qommençons ce combat singulier.
QLTSSB.
Singulier, en effet!
SOSTHÂNB.
En garde l
ULTSSB.
 cinquante pas?
SOSTHÈNB.
 cinquante pas. (Softhèae compte let pas en marehant rers la gaaéb» ^
«ù même temps Ulysse tùi la même chose dans le sens inTcrse. ^ Ils sortent da
cène. ~ A la eantonade.) Qu'eSt-CO qUO VOnsMl
ULYSSS, é» même.
Je compte les cinquante pas.
SDSTHÉRK9 de nlBMi*
Etmoi qui les camptaisf
ULTSSBy de m«iM.
Chacun compte les siens.
SÛSTHÂNB» panissiiA à ganch*.
Mais cela fera cent pasi
ULTSSB, de idAib*.
làst nieozU^svii presbyte.
SOSTHBR^ U mime.
It moi qui suisnsFVpet
Dites donc?
SOSTHÀIO^ mêm |ea.
Quoi? (ils M rapprocneot prudeimeirt Pan &ê tmXt9.)
T31Y8SS.
Si Je votis ttie, sôrai-jd plus maigre?
SOSTHÈNS.
Au t^itl^ et si c'est vous qui snccomkez, serai-îe plus
gras?
. Il dépose U hache dent on coin*
ULTSSB.
En effet l... ce duel est aussi bêle <iae Tautre*
11 dépote la aele.
SOSTHÂNB*
J'allais le dire.
ULTSSB.
Ah! une idée L
SOSTHiNX.
Encore!
ULYSSB.
Etes-Yous chatouilleux?
SOSTHÈNB.
Horriblemeut.
ULTSSB,
Moi aussi.
SOSTHÈNB.
Où Youlez-Tous en venir, mifle baïonnettes I
ULTSSB, à part.
C'est un fantassin! (Haat.) J'ai entendu dire qu'en chatouil-
lant les gens sous les pieds on peut les faire mourfr de rire.
492 SOUS BOIS
SOSTH&NS.
J'en ai oaî parler... eh bien?
ULTSSB.
Voulez-Yous essayer de ce duel qai me paraît pins gai et
moins américain que les autres?
SOSTHÈNB.
Ma foi, je ne demande pas mieux 1 (n «tamao.) Mais, per-
mettez-moi de remettre mon paletot, je m'enrhume...
ULTSSB.
Remettons nos paletots.
Ils remontent soas le hangar, se trompent de yètementt, et redeseandeat
la aeène en se rAtant.
ENSEMBLE.
Ahl mon Dieul
SOSTHÂNB, qui a Bii le paletot d'Ulysse trop large pour Ini.
J'ai maigri de ça depuis ce matin... toujours la guignol
ULTSSBy qm a mis le TéteBent de Sotthène trop étroit ponr lui.
Depuis hier j'ai engraissé de tout ça... la fatalitél
ENSEMBLE.
Les médecins sont des ânesl
SOSTHÈNB.
Ça va de mal en pisl
ULTSSB.
Je suis perdu!... perdu!
SOSTHÈNB.
i
L'étisiel
ULTSSB.
Le gras-fondu !
BOUS BOIS 493
SOSTHÉSIB.
Et nous allions nous d^traire...
ULTSSl.
Quand la nature semble si bien disposée à nous éviter
cette peine I
SOSTHÈNB.
C'eût été de Fingratitude envers ellal
ULTSSB.
Comment vous appelez-vous?
SOSTHàNB.
Sosthène de la'Porte dn Parc.
ULYSSB.
Eh bien! Sosthène de la C^ da la Porte du Parc, nous
ne nous quitterons plusl...
SOSTHÈNB
Volontiers, mille carabines I
ULYSSE*
Ta as été soldat..
SOSTHftNB.
Moi... JamaisI
ULYSSB.
Mais, tes jurons: mille baïonnettes! cent canonsl nom
d'un briquet!...
SOSTHÈNB.
Ah! mes jurons!... J'ai été employé au ministère de la
guerre; alors, vous comprenez...
ULYSSB, aapablic.
Maintenant, je comprends pourquoi je ne comprenais p.u
le récit de ses campagnes d'Asnières et de Ville-d'Avray.
194 SO0S BO»
Comment vous nomme-t-6tt?
Ulyssd RuachMomiL
SOSTHÈNB.
91ysse, ta do me quitteras plos et nous descendrons en-
semble le fleuve de la tie.««
Dont le courant est si rapide peor nomf
SOSTHÉflOi, llMraat.
Euh! euh!
ULTSSB, ■!■• jea.
Ne pleure pas comne çà i
SOSTHÈNB, m4a« jMu
La guigne!
ULYSSE, utawjMb.
La fatalité!... Sosthène...
SOSTHÈNB.
Ulysse?
CLTSSB.
Si je m'en vais avant toi, je te laisserai toute ma fortune!
SOSTHÂNB.
Et si c'est moi, je te laisserai toutes mes dettt»!
ULVaSB^ jliiiiut.
Non!... ne 4is pas cela, noua moifronft eatwmhki
Heu! heu!
Mali la vlisoiiilMe?;
•«•
sous B^i» in
Elle st moqn^ de nous, (it ■»! is bim dut* h p^te a» fikiM
qiA a lor tau) HeîftK. (û m *• a» jiHiiiii.) 06 fouTiui Aans
poche?...
SOSTHÂNB, même jMiy i tm tre un étal à pipe.
Ce pistolet dans la mienne?...
Mft ppel
SOSTHËRKi
Mon journal 1 .
BNSBMBLE.
Nous nous étions tronpés ée pfttetolsl
n» iMt YétkÊugm ^m wi
Mais alors, rien n'est perdu, et la vicomtesse..*
Ttfil M à recttuuneacer l
Ulyssel
ULTSSB.
Qu'est-ce que c'est que tm familiarités!... ayec l'espé-
ranee, jom Iium foor imm^ mMaîeur» osfc i««hii«> plus
forte.
SOST^n» ^Mimant.
kh bah ! le doctcnv vmi itme nîaoA.... n« légint...
ULTSSIy wêm jea.
Je Tais le continuer, et nous yernss^ rnsmimmi r
ENSl
MosHeu!
196 SOUS BOIS
ULT8SB9 qui a eonierré le jonmàl.
Et on lira, un jour, dans ce journal, que dans un duel ter-
rible... (letut lei jmx tur le journal.) Hein?*., que Yois-je!... que
lisé-jel
SOSTHÂNlk
11 Mt fou!
ULTSSBy lisant.
« Hier à Véglise Saint-Au^tLstin a êu lieu le mariage du
célèbre docteur RebondUko.., »
SOSTHÂNB.
Mon médecin!
ULTS8S, ooitinaaol.
« Avec la beUe vicomtesse de Riopiano. »
SOSTHÂNB.
Ma future!
ULTSSB.
Le docteur nous a envoyés passer six mois ici, pour nous
éloigner, et pendant ce temps-là... c'est infâme!
80STHSMB.
11 faut nous venger!
ULTSSB.
Y pensez-vous !••. Avec son médecin les armes ne sont pas
égales!
SOSTHJ^NB.
!}lysse, veux-tu me rendre ton amitié?
ULTSSB.
J'allais te la r^-proposer.
SOSTHÈNB.
Je Vaccepte et je t'offre la mienne.
sous BOIS 107
ULTSSB.
Nottt n*aYODs plus, maintenant, qu'à retourner à Paris où
nous pourrons pêcher à la ligne tant que nous youdrons..
sosthAns.
Enfin!
ULTSSB.
Mais, avant cela, excusons-nous auprès de ces dames et
de ces messieurs de les avoir ennuyés de nos doléances.
SOSTHÈNS.
Je ne demande pas mieux.
ULTSSB.
C'est rheure du Mner bientôt... Je puis risquer un cou-
plet de /In.
SOSTHiNB.
Y penses-tu, IJlysse?..* un couplet de fn chanté par un
grasl
ULTSSB.
Tu es farceur, Sosthène... Si tu le veux bien, nous allons
V entrelarder ce couplet de fin?
SOSTHÈNB.
Je ne comprends pas!
ULTSSB.
Nous le chanterons ensemble.
SOSTH&flB.
Eh bien?
ULTSSB.
Gras et maigre».» entrelardé par conséquent.
SOSTHJUOB.
Âhi c'est un mot 1
in sous BQ19
RÉCITATIF
ULiaBl.
Maintenant la pièea crt finie
Voici le moment décisif
(Parlé.) A toi.
SOSmiNE, duntaat*
Cher public, pour cette foffe.
Ne te me&tre pa» trop rétif F
ULTSSB) pttié.
Hais c'est de la grande opérai Laisse-moi Mftt
COUPLET DE FIN
Si cette folie extravagance
Ne mérite pas récompense,
Si Yoas n* trouirez pas à propos
De no«a accorder tas bravoe^
Je pourrai dire, en vérité :
Ma foi, c'est la fatalité I (Bis.)
SOSTHÈNB.
Moi, je dirai de mon côté :
C'est la guigne.
Qui me givrgne.
Et m'arrête à chaque pas,
C'est la guigne.
Qui me gnigne,
Elle ne me Iftcne pasl
Pendant ee refrain Ulfue chante <
En vérité,
C'est la fatalité I
Ridean«
rm Di sovs soit
OUFM
r^NFÉRENCB A DEUX VOIX
PAR
M. GEORGES RICHARD
P£RSONNAG£ft
ANATOLE CRÀMOISÀir.
ALBERT DU YALPllfSON.
UN GARÇON DE THÉATEB.
«M
OUF 11
SCÈNE PREMIERE
LE GARÇON DE THÉÂTRE, bda/ut U ioèa«, ■'•nAte et regttd*
M moDtN*
Huit heures et demie et le spectacle est annoncé pour
buit heures. C'est toujours comme ça. On affiche, dimanche
prochain représentation extraordinaire donnée par les pre-
miers artistes, des premiers théâtres de Paris ; de bonnes
blagues 1 Alors, on lit sqr Taffiche : c M. Alfred, premier rôle
du théâtre de la Porte-Saint-Martin, mademoiselle Valentine,
premier sujet de la Comédie-Française, M. Arthur, premier
sujet de FOdéon, H. Auguste, premier sujet du théâtre des
Variétés, mademoiselle Laura de Senneville, premier si:jet
de... » Celle-là, c'est une cocotte, elle joue les vicomtesses
à la Tour d'Auvergne et fait deux cuirs tous les quinze mots,
et le public donne là-dedans i... des bonnes blagues 1 Moi,
ça m*est égal, ces jours-là je gagne six francs, et ma tante
qui tient la buvette, fait ses petites affaires. Par exemple, il
y a des fois où c'est vraiment drôle, le public est ^ans la
salle, il attend une heure, une heure et demie, et... les pre«
miers sujets ne viennent pas, ils ont manqué le train, ça fait
un vacarme !.. la buraliste rend l'argent... et je perds mes
six francs. Au fond ça m'est égal , parce que la buvette
marche toi]jour8 ; le public est furieux, alors, il a soif, on
202 OUF II
va se calmer au café, et ma tante fait toujours ses petites
affaires. (Begardant m monin.) Hoît beures trois quarts, ils ne
sont pas encore arrivés, hum!... C'est inquiétant... je crois
bien que nous n'en verrons pas épais aujourd'hui, des pre-
miers sujets. Ils m'amusent ces gailtards-!à ; à les en croire,
ces troupes-là, ça serait comme qui dirait un régiment où il
h'j a que des colonels!... Je vas boire un bock chez ma
tante 1 (a met sod balal inr Tépaule et sort ea disant :) DOS bODUeS
blagues tout ça, des bonnes blagues!...
SCÈNE II
GRAMOISAN, entre Umidemeal fm wme porte de gaaohe, tenne plas que
modeste, habit noir râpé, flasipié de rastea poches bourrées d'objets myaté*
xienx ; ssi hcas sont chargés de Urres dontyelys.nns wnt tiàe«gcM.
Mess... (0 tmssew) MeSS.... (Oa wU ^'1 a bseab i» eea nooskrir, mmé
«pés fMilqMi luria. Il poM è taiM am Uyiee, prend son menduâr, ae nMoeln,
Ira an» groMs tabniiènik dito ^pBWè de rat, «t ae]^ «m ferCe pris».) ll€&-
âieiirs... la OKMle est aux eonféremces, vous ne Fign#rez pas.
aujourd'hui^ pas de boftae soirée, pas de spectacle bien or*
donné, sans k petite cenférence préparatoire. Aussi, voyons-
nous, les profeâssuffs éninents, les savants les plus érudits,
les critiques les pins autorisés, mooler sans késil^r sur les
pliaiiches d'un théâtre et, de là, verser ées ilôts d'éloqnence
d» risque de submerger leurs aadtteurs attentifs. Â la suite
de ces illustres, sont ^nus (|uelques feffcears qm, avec ub
aplomb colossal pour tout bagage, ont voulu suivre eat
exemple, ei se sont mis en tète de parler au publie, de
omni re seibile et quibuêdamU... (s'«rrèt«it braefMmenc.^ Ah!
pardon, j'oobtiais que tout le monde n'est pas fercé de savoir
le latin. Moi, je ne suis pas ambitieux de vaine gloire, je
suis un homme pratique. Je me suis demandé quel utile
parti on pourrait tirer de cet engouement général pour les
ficoISreiices. Vm 6li«rehié» et>e croîs avtîr trouié* J'ai oonau
il y a qiiel(i«es années, et beaucoup de gens Toot connu
ooMime va/^, nm homme qui avaii iMaueaup d'espril... et un
easquel... pour iwiidre ses crayons, il arait ûnagiAé de faire
des eoBféreaces pabliqnea, sur la plaee de la Bourse et ail-
leurs, ça lui réussissait purlailement. Moi, je ne sois pas la*
briesBt de crayons, mais j'ai uoô fitia à marier, alors, je Tais
ée vilto en ville, dMAtani les félicités conjugales, et cber-
chaBt à insfHrer ramoor du mariage aox célibataires qm
m'écootent. Adroitement, sans sa avoir Tair, au cours de m.a
plaidoirie, j'iosiniie que je suis père d'nno adorable jeuao
fille, institutrice dipl^ée et parlant pki^eors langues. —
â la fia d« la séance, je distribue des eartes à mm adresse^
arec le périrait de ma fille, et... j'attends. Jusqu'à présent,
ça n'a pas mordu, mais comme on dil^ il ne faut qu'une
fois. Ce soir, je ne sa» pas pourquoi, j'ai eoofiaaee, quelque
eliose ma dit que la salle est bionae. Je rais préparer ma
pelîte inalailatiett, et, dans deux mieuies, je eommence.
II Mkl» «t MTt 4 {
SCÈNE III
ALBERT DU YALPINSQN, Ubm {triatauière, flenr à la boutonoièrt^
lorgnon, gants clairs — Il s'avaoce le aourire aox lèrres, aalae
galamment, lorgne dans la salle, et se pose.
Permettez-moi de me faire connaître tout d'abord, (sainant.)
Le Tieomte Albert du Yalpinson, conférencier... — Mes-
dames, la mode esC aux conférences, et je suis un conféren-*
cier. l'ajouterai môme, un conférencier à k mode A ren-
contre de mes eeefrères, qui entretiennent leur auditoire
de choses absolument oiseuses, et suent sang et eau pour
leur apprendre des mérités de cette force, à savoir que le
Misanthrope eBi de Molière, et non pas deClairville et Sirau*
204 OUF II
din, que la musiqae de la Grande Duches$e ne donne qu'one
faible idée de la partition de Robert le Diable, etc., etc.,
moi, je traite des sujets d'un ordre infiniment plus gracieux
et plus gai, et malgré cela utile et pratique. J'ai remarqué
que, de tous temps, l'éloquence avait eu sur le cœur et
l'esprit des femmes une influence souveraine; aussi, me
sachant doué d'avantages extérieurs, me sentant en posses-
sion d'une verve suffisamment communicative, je vais droit
devant moi; apôtre du mariage et de ses joies sans nombre;
je vais, criant aux belles filles, mariez-vous, dans l'union
consacrée, vous trouverez seulement les félicités qui vous
sont dueSr et, si quelqu'une arrête sur moi son doux re-
gard, si partageant mes convictions ardentes, elle se sent
attirée vers moi, je lui dirai : ayez confiance, mon âme
est chaste et mes intentions sont pures; je lui dirai : aban-
donnez-vous sans crainte , et pour peu qu'une dot suffi-
sante nous assure la tranquillité matérielle, appuyée .à
mon bras, vous filerez des jours tissés d'or et de soie. Voilà,
mesdames, les doctrines que je propage, elles n'ont rien de
subversif, elles ont pour but de faire deux heureux. Mainte-
nant veuillez m'accorder quelques instants pour me recueil*
lir, et je commence.
Il tort à droit*.
SCÈNE IV
GRAMOISAN, rmtnnt d* gaaelM «tm divers objets.
Ne VOUS impatientez pas, me voilà, avec ma petite instal*
lation. Je vous ai dit que j'étais un homme pratique, je le
prouve- Je voyage avec tout mon matériel. Omnia mecum
porto, comme a dit un célèbre conférencier de l'antiquité.
J'ai toujours sur moi tout ce qu'il me faut, de cette façon je
puis, si c'est nécessaire, faire une conférence tous les quinze
pas. Voilà ma petite table, ca se démonte, ça se plie, et ça
OUF 11 205
M mat 8003 le bras : c'est très-commode. Voilà ma carafe»
c*est une bouteille, je l'ai garnie d'osier, c'est moins casuel.
Voilà mon ve^re, il est en fer-blanc, pour la même raison ; la
petite cailler est aans mon portefeaille, et le sucre dans ma
poche, avec ma tabatière. Vous voyez, c*est ingénieux!
SCÈNE V
ALBERT, ratMBt, 1« front daat U jaain, il f'iTaaM tans voir GrciDoiiu,
ifm toat oeenpédt Ma installation, loi tourno lo dot* GRAHOISAN, o«
Mèno.
ALBBBT.
Mesdames 1
GRAMOISÂN.
C'est très-ingénieux et très-pratique.
ÂLBBRT, M rotoornant*
Qa*est-ce qui est là?
GBAMOISAN, aporeoTant Àlbtrt.
Tiens 1 un acteur.
ALBERT.
Ça doit être le régisseur.
GBAMOISAIf.
u est bien habillé!...
ALBBBT.
Mais il faut qu'il s'en aille...
GRAMOISAN.
C'est le jeune premier.
ALBERT.
Que diable fait-il làY
II. it
2(K^ OUF 11
GSÀIIOISAH.
n ne va pas rester, ça me gênerait.
ALBERT.
Ça n'est pas le régisseor, il arrange ses petites affiaires.
GRAMOISAN.
Je ne peux pas parler, quand j'ai du monde dans le dos.
ALBERT.
On dirait un escamoteur.
GRAMOISAN.
Vous comprenez, on a besoin de toute sa présence d'es-
prit.
ALBERT.
C'est cela, il va faire le tour des gobelets, ils commencent
tous par le tour des gobelets.
CRAMOISAM.
Je vais lui dire de s'en aller.
ALBERT.
C'est pourtant bien usé, le tour des gobelets.
GRAMOISAN.
Une cbaise, il me faut une chaise.
ALBERT.
Tiens, au fait, on ne m'a pas mis de table, il me faut auss^
Bne table à moi, je vais en demander une.
Il sort.
SCÈNE VI
CRAMOISAN, senl^ il a placé sa chaise.
Pardon, monsieur... Tiens l il est parti, huml... Ah! moi
OUFll S07
répertoire, et i&od dictionnftfre historique. On ne se figure
pas de quelle utilité est un diciioBnaire histoviqae pour ui
conférencier : on a beau être maître de son sujet, on peu
s'embrouiller ; alors, on cite un nom au hasard, on cherche
dans le dictionnaire, et on Ht quelques lignes, ça occupe
quelques minutes; c'est tOL^o«rrs ça de pris. Ainsi dernière-
ment à Ghâteau-Tlûeriy,. je parlais des félicités conjugales,
naturellement, au milieu d'une période, je m'embrouille et
va te promener, je reste coi, ça devenait embarrassant;
le«t à coup je me souviens que Château-Thierry est la
patrie du bon Lafontaine, alors, je m'écrie, tout joyeux,
c'est comme LafonUiae, le bon LafeAtMBe, notre grand fa-
buliste, voilà un homme qui fut heureux I... quel ménage!...
Alors, je cherche dans mon dictionnaire historique et je lis
quelques lignes sur cet homme excellent. Seulement je me
suis aperçu que ce n'est pas cet exemple-là que j'aurais dû
choisir, parce que Lafontaine a planté là sa femme après
une semaine de mariage, q.a'il lui a mangé toute sa fortune...
et que la pauvre créature en a été réduite à se. .. consoler...
avec un officier de dragons... Mais ça ne faisait pas grand'
chose. En effet, tout ça n'était pas la faute de la femme»
c'était la faute au bon Lafontaine, et d'ailleurs le cas n'est
pas le même, on ne pourra pas loi manger son bien à ma
fille, eUe n'en a pas, elle n'a que des vertus, et les vertus..*
^nese mange pas.
SCÈNE VII
GRAMOISAN, LE GARÇON DE THÉÂTRE.
LB GABQÛIfv «ooorant.
Saprelc^tev veëà les. premiers SQjHi fui arri^3«Bt, el mon
ouvrage qui n'est pas faite.
208 OUFII
GRÂMOISAN.
Qu'est-ce ga'il vent encore celui-là?
LB GARÇON.
Ma cloche) où est ma cloche?
GRAMOISAN.
Est-ce gu'on ne ya pas me laisser tranquille?...
LE GARÇON, l'apcreêrant.
Ohl le directeur. Je vais, sonner, monsieur^ je vais sonner
pour faire rentrer le publie?...
GRAMOISAN^ mdi eomprendre*
Âh) ah!
LB GARÇON.
Oui« monsieur, il y en a plein la buvette.
U tort m «•nrtnU
SCÈNE YIII
GRAMOISAN, moI.
Ahl c'est différent, il a raison ce garçon, il y a du public
plein la buvette, il faut aller le prévenir, il me faut tout le
monde, d'autant que ce sont d'ordinaire les jeunes gens qui
vont à la buvette, et je veux les jeunes gens, fichtre 1 Je m'a-
dresse particulièrement aux jeunes gens.
SCÈNE IX
CRAMOISAN, ALBERT, notrant, porUat «• UM*.
ALBBRT.
Qael drôle de théâtre 1 on ne voit personne, il faut se ser*
vir soi-même.
OUF II 2U9
GRAMOISAN.
Allons 1 bon! voilà Tautre, le joHne premier.
* ALBERT.
J'ai aperçu dans un coin une carafe avec un verre, je vai
1m chercher.
GBAMOISAN.
Pardon, monsieur.
ALBERT.
Pas de conférencier possible sans un verre d'eau sucrée.
GRAMOISAN.
ifonsi^arl..,
ALBERT.
Quoi?..*
GRAMOISAN.
Ça n'est pas encore votre tour?,.*
ALBERT.
En effet, monsieur, dans un instant, je ne suis pas encore
prêt.
n Mrt.
SCÈNE X
GRAMOISAN, Md.
Eh bieni si on m'interrompt comme ça à chaque instant,
^nand je serai en train, (oq entend sonnar à toor de bru.) Voulez-
vous taire. Ah ! c'est l'autre qui sonne pour vider la buvette.
Mon répertoire de mots spirituels... le voilai... Tenez, c'est
comme un répertoire; on ne peut pas se figurer les services
que ça rend^ un répertoire intelligemment combiné ^omme
lU i2«
210 OUF M
le mien, il ne suffit pas d'êbre très-bien doué, d'aroir la
saillie rapide et la phrase brillaute, il faut faire ce qu'on
appelle des mots, et ça ne se trouve pas tout de suite, à vo-
lonté... alors, j'en ai une collection, je les ai pris dans les
journaux, j'en ai pour tous les goûts et pour tous les cas, il
7 en a de gracieux, d^lteodrissants... de mordants, il y a
des mots cruels, et surtout des mots de la fin. CTest ça qui a
une importance!... J'en réussi» quelquefois. Ainsi dernière-
ment, à Bourg-la-Reine, je parlais des devoirs du mari en-
vers sa femme, je voulais conclure, je cherchais pour finir
un mot énormément spirituel et je n'en trouvais pas. Je
voulais pool terniner, \êb mot qeà fît l'effet é'vn bouquet
dans un feu d'artifice, et je ne trouvais rien du tout, pas
même un petit pétard à un sou. — Alors, je prends ce que
les acteurs appellent un temps, c'est-à-dire que je regarde
mon auditoire, avec un fin sourire, comme pour lui dire :
méfiez- vous! je vais être énormément spirituel; piii& teisant
semblant de chercher ma tabatière, sur la table, je feuillette
sournoisement mon répertoire. Sans avoir l'air, je lis au
hasard, parce que ce n'est pas la peine de choisir, tous mes
mots sont de première qaalité, la seule difficulté, c'est de
tes préparer, de les encadrer comme oa dit, et ça»., ça me
connaît. Je lis donc, sans avoir l'air, et je termine ainsi: Et
d'ailleurs, que vous dirai-je, messieurs : la femme, cet être
idéal, cette manne du foyer, ce présent divin, la femme!...
8h! la femme... est comme im gigot, plus on la bat, plus
elle est tendre!!... Ça a fait beaucoup d'effet.
SCENE XI
CRAMOISÂN» ALBEETt r«u»»t. - u ^m. u iImmi mm m
ALBBB1.
Qod ârdit>êe ttiéAtrel la eifaf^tflailfiléeet le verre était
ourri 211
ébréché. J'ai été obligé d'aièer empranter tout cela aa café
ea taoB. ^ MtMd.»imer aa dehoit») EsL-C6 qu'il auia bientôt fini
son carillon, celui-là?
VOIX DU GARQOMy dm U oonliBse.
En scène, messieurs, on commence.
ALBBRTi au» foit CramoiMn*
àhï c'08tFaverti8sev. JTy sois, bnml
GRAMOISÂN, lant Toir Albert.
Attention 1 je commencer
Us iTinfUUeDt, M poMnt, lèrent torat deni le brai da mAm» geatti pvCQMieai
al dÎMok tooa daox eneemble.
Messieurs 1
AEnnr.
Mesdames I
Os M tournent Ywi wtn rentre, sana friu» laïaa ehaieee^ ae.iegtBdHi »Tee
inçûAtndey paie reiurenaent ensemble après nn. tempe.
CRAMOISAfiL
Messieurs 1
ALBERT.
Mesdames 1
Us s'obeerrent de mmTean aree irritation ; sa lèrent d'an mime moarement, et
marebent l'on Tare raolre.
Pardon, monsieur...
Pardon, monsieur..
CVAHDRUf.
Vous n'êtes done Pas le jeune pre
m OUF!!
ALBERT.
Non, monsieur, et vous, vous n'êtes donc pas reseâmo-*
leur?
GRÂHOISAN, indlgaé.
L'escamoteur?...
ALBERT.
Oui, tout à rheure, vous voyant préparer votre gobelet,
]*avais cru...
GRAMOISAN.
Insolent !.••
ALBXRT.
Qu'est-ce que vous venez faire ici alors?
GRAMOISAN.
Mossieu! (so redreisant.) Je suis couférencierl
ALBERT, ■tnpébit, se levut.
Conférencier 1 . . • moi aussi.
CRAllOlSAlf.
Vous ôtes conférencier?...
ALBERT. f
Conférencier pour dames.
GRAMOISAN.
Et moi, conférencier... pour hommes.
ENSEMBLE.
Sacrebleul... un concurrentl...
ALBERT.
Il ne peut pas rester làl
GRAMOISAN.
U faut qu'il s'en ailla.
OUFll 2U
ALBERT.
Je m'en vais vous le faire déguerpir.
GRAMOISAN.
Je saurai bien lui faire vider le plancher.
ENSEMBLE.
Monsieur, vous devez comprendre que nous ne pouvoni
pas parler tous les deux ensemble.
ALBERT, riant.
C'est ce que nous faisons cependant.
GRAHOISAN.
Monsieur plaisante.
ALBERT.
Ça vaut mieux que de pleurer.
GRAMOISAN.
Il faut que l'un de nous deux cède la place à l'autre.
ALBERT.
Eh bieni allez-vous enl
GRAMOISAN.
Pourquoi moi| et pas vous?...
ALBERT.
Parce que d'abord, la place est au premier occnpa0*>
GRAMOISAN.
Alors, elle est à moi.
ALBERT.
Je suis là depuis une heure.
.GRAMOISAN.
Moi, depuis deux.
ALBERT, eriaoU
Moi, depuis ce matin.
1
214 OUPtl
GRÀMOISANy criant.
Moi, depuis hier au soir.
LE GAJ6tÇ0N| entrai^ !•■ rayât anx prisai) il Ùk»
Tiens I la pièce esl commencée, je ¥as me payer ça, dans
le trou du souffleur.
Il aort.
CRAMOISAN, à paru
Je crois que je n'arriverai à rien, comme cela ; c'est un
mulet ce galopin-ià, essayons de la persuasion.
ALBERT, à part.
Il rumine, il va s'en aller.
GRAMOISAN, hant.
Monsieur, je vois avec douleur que vous ig^norez ce qu'on
doit à un homme de mon âge...
ALBERT.
On ne lui doit rien du tout.
CRAMOISAN, avee mépris.
Voilà l'éducation moderne! le respect s'en va.
ALBERT.
Vous devriez bien faire comme lui.
CRAMOISAN.
Malhonnôtel (Aree un eri at sa frappaat la front.) Eh! qUO je SUÎff
bétel
ALBBRT.
Ça ! c'est vrai.
CRAMOISAN.
Eh là! petit crevé.
ALBBRT.
Vous, ménagez vos expressions.
OOFil tIS
CRÂMcnsÀa.
Av ee-y oas in Taffîiîhe ?
ÀLBBRT.
Non.
GRAMOISAN.
Savez-Yous ce qall y a sur l'affiche?
ALBERT.
Puisque je ne l'ai pas lue, comment voulez-vous que Je le
sache?
GRAMOISAN.
Il y a sur l'affiche : conférence par M. Trois étoiles.
ALBERT.
Eh bienl M. Trois étoiles, c'est moi.
LE GARÇON, dani la troa da sonfQenr.
C'est pas vrai, il y a d'affiché : La Tour de Nesle par les
premiers sujets.
CRAMMSANy «a gvTQcn.
Que le diable f emporte, toil... De quoi se mêle-t-îl, je
vous le demande.
ALBERT, riant.
Âhl vous voyez bien que vous êtes un vieux farceur.
GRAMOISAN, furieux.
Allez vous promener, méchant gandin! Je suis bien boB
m vérité de m'occuper de vous, faites ce que vous voudrez
moi, je continue, (a part.) Je vais l'assassiner, je lenoiesout
es flots de mon éloquence, je l'engloutis!... (u reprend sa piaiv^j
Messieurs!
ALBERT, «llAot s'asseoir.
Si tu crois que je vais céder... Mesdames!...
216 OUF M
GRÂUOISAN.
Qaand un jeane homme cherche ane compagne...
ALBERT.
Quand une jeune fille veut se marier...
CRAMOISÂN.
Quelle doit être sa première pensée?
ALBERT.
A quoi doit-elle songer d'ahord?
CRAMOISAN, se 1ère arec rage, Ta à Albert.
Qui me prouve que c*est vous qui devez parler ce soir et
non pas moi. Âvez-vous un titre, une lettre de convoca-
tion?
ALBERt.
Certainement, voilà ma lettre.
CRAMOISAN.
Et moi, voici la mienne.
ALBERT, lit la lettre de CraiDoisak*
Cher maître, je compte sur vous pour une de vos confé*
rences, dimanche prochain. Baptiste, directeur du théâtre do
la Ferté-Milon.
CRAMOISAN, de même.
Cher et illustre maître, (a part.) — on rappelle illustre^
diable!... — (Haut.) j'ai affiché votre spirituelle conférence
pour dimanche prochain, soyez exact. Signé : Trébuchet»
directeur à la Ferté-Gaucher.
ALBERT.
Eh bien?
CRAMOISAN.
Eh bienl
ALBERT.
<)\x sommes-nous ici?
OUF II 2n
LB 6ARCON9 ao troa da fo&fflaor.
Vous êtes à la Ferté-sons-Jouarre.
GRAMOISÂN.
Nous noas sommes trompés de Fertél Eh bien! ça m'esl
égall faites ce qae vous voudrez.
ALBERT.
Je suis aussi entêté que vous, vous savez.
GRAMOISAN.
C'est ce que nous allons voir. Du diable si je m'arrête!
ALBERT.
Alors ça devient une affaire de respiration, j'accepte ce
steeple-cbase.
GRAMOISANy prêchant avee fnrenr.
Messieurs, de toutes les institutions humaines, la plus heu
reuse, la plus logique, la plus féconde, féconde est le mot
propre, c'est sans contredit l'institution du mariage.
ALBERT, parlant en même tempe.
Mesdames, toutes vous avez eu un père, ce qui suppose
une mère, pardon, je voulais dire une mère, ce qui suppose
un père.
GRAMOISAN, à part, tont jojeox.
11 s'embrouille ! . . •
ALBERT.
11 me fait tromper, ce vieux-là!...
GRAMOISAN, à part.
Allons-y 1 (Haut.) Vous êtes-vous jamais posé cette question
formidable? Que deviendrait le monde sans le mariage, sans
cette union de deux... comment dirai je... de deux forces...
pouvant en produire un troisième, et ainsi de suite.
ALBERT.
Et savez- vous jusqu'où peut aller votre pouvoir adoré,
charmantes enchanteresses, savez-vous que dans certains
pays, on a vu des hommes se marier jusqu'à sept cents foi&
lU: 13
OOfil *
CaUMOlBA»,
IlBese taira pas I
ALBB&T.
lamais de la vie.
Bn eherehant à ooanir mataoltomeat laws vtnc^ 9i m tant Mnoé»
pléttment.
CBAUORAir, à purt.
Puisqu'il ne veut pas me céder la place, faisons une der«
nière tentative.
Il est à bout de respiratiod, voyons-le venir.
CRAMOISAN.
Monsieur I (n toam.) MOSS. . . (U tutm% «m tes* et home nue prie«
ietabM.) Mossienl...
ALBIAT, tièe-eiiflMé.
HossieorL..
CRAMOISAN.
Monsieur, je cherche en vain quel paul toe le mobile do
votre conduite inqualifiable*
ALBERT.
Gomment I... Inqnalif... (n «temnê.) quaiffiable?
CRAMOISAN.
J'ai dit inqualifiable et je maintîea& le mûiL Yous ne tenez
compte, ni de mon âge avancé...
ALBERT, 4 parU
Très-avancé.
CRAMOISAN»
Ni des cbeveox blancs.
ALBERT*
Pardon» ils sont noirs*.
CRAMOiSAIt.
VonscroyeÉ.
OUFtI 219
ALBBaT.
Oui, ils sont ttoirs^ nais rares^ tfès-rwes*
GaAMOISAN.
Admettons L.. c'est possible.
ALMBBT*
C'est certain I
GBAMOISAN.
Admettons encore.
ALBERT.
Je TOUS remercie.
CRAMOISAN.
Eh bien! cher monsieur, voulez-vous me permettre de
VOUS adresser une question?...
ALBERT.
Si elle n'est pas indiscrète.
CRAMOISAN*
Gomment vous appelez-vous?
ALBERT.
Mais, monsieur...
GRAMOISAir.
Laissez-moi finir. Si vous êtes un Conférencier émérite,
un prince de la parole, une illustration enfin, je m'incline,
et vous cède la place.
ALBERT, a?ec snffieaoce.
N'est-ce que cela?...
CRAMOISAN.
Car je ne suis, moi, qu'un modeste apôtre du mariage et
de ses joies sans nombre, et si je parle en public, c'est que
je vise un but, que je vous indiquerai tout à l'heure, (a p«rt.)
le suis content de cette phrase.
ALBERT.
Tout cela m'est absolument indifférent, visez le but qui
t20 OUF!!
VOUS conyient, mais si vous tenez à connaître mon nom, je
sois prêt à Yoas satisfaire, ii est assez répandul...
GRAMOISAN.
Je ne demande qa'à le connaître. (Albert im donne one carte d«
?Mte.) Mademoiselle Daval, modiste.
» ■
ALBERT| reprenaat la carte.
Pardon, Je me sois trompé... c*est la carte de visite de ma
mère.
GRAMOISAN. .
Ahl
ALBSRTy en donnant nne autre.
Voici.
GRAMOISAN, liMOt.
Pinson... herboriste.
ALBERT, reprend la seconde carte.
* Pardon, je me suis trompé, c'est la carte de mon père.
GRAMOISAN.
Mais la vôtre, monsieur, votre carte... à vous.
ALBERT.
Voilà, monsieur, voilai...
Il en donne une antre.
GRAMOISAN, lisant.
Vicomte Albert du Valpinson, c'est là votre véritable
nom...
ALBERT.
Oui, monsieur.
GRAMOISAN.
Nous disons : Albert; c'est un prénom?
ALBERT.
Evidemment.
GRAMOISAN.
Fils de mademoiselle Duval, modiste, et de M. Pinson,
herboriste.
OUFfI 22!
ALBERT, arec dignité.
Monsieur, il n*y a pas de sots métiers.
GRAMOISANy r«T«ar.
Gomment, avec tout cela arrivez-vous à faire : Vicomte
Albert du Yalpinson?
ALBERT, embarruaé.
Je vais vous dire, ça s'explique très-bien. Duval, c'est un
nom vulgaire et Pinson est un nom grotesque.
GRAMOISAN, ruUenr.
Allez, jeune homme, allez 1 je vous écoute. Duvall Pin-
son!...
ALBERT.
Alors, je me suis dit : De ces deux noms dont l'un est vul-
gaire et l'autre grotesque, je puis avec un peu d'ingéniosité,
faire un nom sonnant bien à l'oreille. De là, du Valpinson,
et, comme à tout nom sonore il est bon d'accoler un titre,
ohl un tout petit titre, j'ai choisi vicomte, c'est modeste. Je
signe donc vicomte Albert du Valpinson.
GRAMOISAN.
Avec la particule.
ALBERT.
Evidemment. Sans la particule, ce n'était pas la peine de..»
GRAMOISAN.
Evidemment, vous êtes un joli petit... comment dirai-je?...
petit polichinelle.
ALBERT.
Monsieur, j'ai illustré ce nom.
GRAMOISAN.
Farceur 1 val
ALBERT.
Les noms sont ce que les fait la renommée : Dnguesclin
s'appelait Bertrand!
S22 onr !i
GRÀMOISÂH.
■
Mais Totre yrai nom 4 vous?
ALBBKT.
l6 suis en traîn de me le faire, Toas le voyez, on m*9ppelle
déjà illustre maître, relisez ma lettre d^inritation
GRAMOISAN, à put.
Ha an rade aplomb!
ALBBRT.
Mais je sais bien bon de yons donner tontes ces explica-
tions... Qe n'esC pas à vous que j'ai affaire, c'est à mon au-
ditoire. Laissez-moi tranquille. (Reprenant lapiaee.) Mesdames...
GBAMOISAIf, foribond.
Mais dftes-moi «n moins pourquoi cette rage de Yonloir
parler quand même ici, et non ailleurs, aujourd'hui et non
dematD, vous devez avoir un motif, quelque chose me dit
^e votts avez un motif.
ALBERT.
Et vous aussi, vous en avez un, on n'est pas tôtu comme
vous êtes sans Une raison; dites-moi votre motiff je vous di-
rai le mien.
GRAMOISÀN.
Bien vrait...
ALBERT.
Bien vrai!...
GRÂMOISAN.
Eh bien I j'ai une fille à marier...
ALBERT.
Où est-elle?
GRAMOISAN.
Dans ma poche... sa photographie I
Comprends pas.
OUF » 123
CBGàMOBAH.
Il est bétel (Criant.) Je prêche le bonheur conjugal aux po-
pulations, je parle de ma fiHeJe montre sa photographie, et
on me demanda sa Mam.
A toutes les séances?
GBAllOiaAll.
Nonl ça n'a pas encore mordu.
ALBEBT.
Eh bien! moi non plus, ça n^a pas encore mordu.
GRAMOISÂN.
Tons aya aussi une fille à marier?
NûDy un garçasi
Où est-il?
Devant vous.
Comprends pas.
ALBERT.
Il est idiot I (criant.) Je cbanle les joies de rhyménée, je
me montre.
CAAMOiSAN.
Vous Toyages arec vos échantîlloiis?
ALBERT.
Et j'espère bien qu'im beau soir.-
GRAMOISAN.
Mais ça n'a pas encore mordu?
ALBERT.
Quelque chose me dit que ça va mordre, j'ai comme un
CRAMOISAK.
ALBERT.
GRAMOISAN»
224 OUFÎl
pressentiment, la salle me paraît bonne, j'ai remarqué des
minois...
GRÀMOISAN, à put.
Il a la même idée que moi. Je suis flambé, il ne s'en ira
pas. Eh bieni nom d'un petit bonhomme! moi non plus, je
n'en démordrai pas.
ALBERT, àpwt.
Je lâche ma tartine à sensation.
GRÀMOISAN, à S4 table.
En avant ma fameuse péroraison!
ALBERT, UngoaNnsemant.
Vous est-il point arrivé, mes belles demoiselles, quand la
ciel est tont bleu, sans nuages^ quand le brillant soleil vous
caresse et vous chauffe, quand toutes les senteurs de la terre
vous pénètrent et vous enivrent, quand tout reluit de jeu-
nesse, les fleurs, les filles et les garçons, vous est-il point
arrivé de voir glisser sous l'allée ombreuse un couple étroi-
tement enlacé?
GRAMOISAN, à part.
Tiens! tiens!... mais c'est très-joli ce qu'il vient de dire,
j'en prends note.
Il éerlt.
ALBERT.
Gageons alors que plus d'une parmi vous s'est dît en eom*
primant les battements de son cœur, en étouffant un sou-
pir : Àh-I si j'avais là près de moi un mari, un tout petit
mari... bien amoureux!... Et vous savez bien ce que c'est
qu'un amoureux?;.. C'est celui qui sait à propos, au gré de
vos moindres désirs, aller, venir, guetter, parler, se taire, se
faire grand, se faire petit, au besoin... se faire... rien du
tout. C'est celui qui sans murmurer va au diable si vous l'y
envoyez, revient à vos pieds sur un sourire, va vous cher-
cher des fleurs jusque sous la neige, fait pour vos beaux
yeux des odes à la lune, caresse votre chat et se laisse mor-
OUF II 228
dre par votre chien, sapporte tous vos amis, flatte le catar-
rhe de votre tante et console la bonne vieille en lui disant :
^ous avez bon visage, madame, et vous enterrerez le genre
humain. Voilà ce qu'est un amoureux, mes belles demoi-
selles.
GRÀMOISAN, entrain*.
Charmant! c'est charmant II
ALBERT, à part.
Je crois bien, c'est du Balzac.
GRAMOISAN, à fart.
A mon tour maintenant, il s'agit de l'éclipser, ohl mais,
une éclipse totale... Où est ma péroraison? (u «heroh* dana aaa
papiers.) G'est Quo j'en ai plusieurs, il me faut la grande, la
ronflante, celle que j'ai surnommée irrésistible, la voilà!
(Hant.) Messieurs, un mien ami, un homme de grand sens,
me disait un jour : Je devrais prendre femme, une femme
balaie le logis, raccommode les chaussettes, coud des bou-
tons à vos chemises et des cordons à vos faux cols, plie le
linge, frictionne vos rhumatismes, fait la cuisine, vous tient
les pieds chauds.
ALBERT.
Hél hél là-bas.
CRAMOISAN.
Je voulais dire, vous tient les plats chauds. Je me suis
trompé, j'ai mis les pieds.
ALBERT.
Dans le plat, (ironiqsement.) Bravo, cher confirère, bravo»
c'est entraînant.
GRAMOISAN, à part.
Je crois bien, c'est du Balzac...
lu 13.
1
èvrn
SCÈNE XII
Les Iftms, LE GARÇON DE THÉÂTRE.
»••
LB GARÇON» il a m Aidht t k «rii. Il «H toat w kmiM.
Ahl messieurs l que c*est beau, fai Imrt enteDda, faf toat
compris, la balie cliose qne l'étoiittOBce. {l craBoitaD.) Tenez,
monsieur, je ne suis qu'un simple garçon de théâtre, mais je
suis un lionnôte homme et f en vaux nn antre. Eh bieni si
vous voulez, aussi vrai qoè je »%ppelle Jean Paniquet de
mMi nom, j'épowe fotie domoisellê, H penr «Ik, je lerai
tout ce 4iiia JDMUiMr « Incité.
n mmtf JJkm*
Veux-tti hian aller Et pmmcMrl..
AliBBBT, rintMOi
Soiierbel pyramidal. Voilà ce qui s'appdie un snccëa.
Cest comme vous, monsieur, vous cherchée vm femne,
nne bonne fçmme. Eh bienl il y a ma tante, qui tient la bu-
vette, elle est veuve et elle s'ennuie; elle mêle disait encore
ce matin. Eh bienl v'ià votre affaire, elle est pas mal con-
servée pour son âge, et elle frictionnera vos rhumatismes,
eoBiM elle a MaUoiiié ééfmt mon oneto*
ALBERT, ehoqoé.
Eh là! butor, est-ce que j'ai la tournure d'un eabaretier?
LB GARÇON.
Oh! il n'y a pas d'offense, mon joli monsieur, les cabare-
tiers, c'est des hommes comme vous.
ALIIKIT%
Va-t'en au diable 1...
u w
ODFÎI Î97
Je vais faire maii sorfioe. après le speetade, je viendrai
chercher votre réponse. ^— t & tMr de bru.) Messieurs les
premiers sujets, en scène pour la Tmot de HMêl
lliert.
SCÈNE XI l
CRAMOISAN, ALBERT.
dlAMOlSAHy
Ah ! c'est une inspiracioii du ciel, (coamt à Albert ^'u
de ses bras.) Ecouto, jeunc honuDO, éOOMiil
GRAMOISAN.
Ta as de l'avenir, tu parles bien, aujourd'hui tout homme
qui parle bien peut prétendre aux plus hautes posUiou^lto-
venons amis, je te donne vmi fiihi,
ALBBKT*
Hein?
GRAMOISAN.
Tu cherches une femme, je cherche un gendre, ma eom*
binaison «rraage fout, preods mt file.
ALBERT.
Gomment est-elle votre fille?
CRAHOBAN.
Institutrice.
1^ fiHUPeT
Diplômée.
Son âge?
CRAMOISAlt.
ALBERT.
1
«8 OUF II
GRÀMOISAN.
A rhôtel-de-ville. Voilà sa photographie.
ÀLBERTy regwrdftDt.
Tiens 1 elle est gentillette.
GRÀMOISAN.
Elle est superbe.
ALBERT.
Oh I snperbe.
GRAMOISAN.
Elle a beaucoup de leçons, elle gagne très-bien sa yie...
ALBERT, ébranlé.
Damel on peut toujours voir.
GRAMOISAN, loi preiuot la bru.
Viens la voir, et ta sais, tu peux te vanter d'avoir une
fiëre chance.
ALBERT.
Laquelle?
GRAMOISAN.
Ta n'anras pas de belle-mère.
ALBERT.
Baht
GRAMOISAN.
Il y a trois ans qae j*ai eu le bonheur de perdre ma
femme.
ALBERT.
Et vous prôchez le bonheur conjugal.
GRAMOISAN.
Pour les autres, parbleu ! (a pan, aree an Mmpir de wnlagemant.}
Enfin, j'ai donc réussi à placer Félicité : ça n'a pas élé sans
peine... Ouf!...
FIN DE OUF 1 1
TUE-TOI LE PREMIER!
POCHADE EN UN ACTE
PAR
M. ÂUG. JOUUÂUD
PERSONNAGES
BALAHDIIR»
BUISSOHKBT,
TUE-TOI LE PREMIER I
Itopd»
SCÈNE PREMIÈRE
BALANDIBZRy Mvly «Mb denat m* tabla, at
«... Qu'on n'accuse personne de ma mort... Je me Uie,
> parce que ça me fait plaisir.«. — * Je lègue mes dettes à ma
» portière, en la suppliant de n'en pas faire on nauvais
» usage. » — Je crois que c'est à peu près tout... — Naaa,
Nanal... en apprenant ma mort, txx te diras : t J'y suis bien
pour quelque chose... » — Et tu en deviendns percloe de
remords!... —Il me semble cependant que f oublie quelques
clauses testamentaires...
1 M rmÊftt 1 ierin.
SCÈNE II
BALANDIER, BUISSONNET. n mh r.M«hnta„ «mm.
BUISSONNBT, toalna, à faii-mèDa.
lit tie eil «n fa9$og$^ a ûu, Montesquieu ou Panlde Kocfc,
les loyers y sont hors de prix et Ton y fait très-pea d'af-
faires... Qu'y a-t-il d'étOBBvnt à ce que les locataires met-
teol la dé sont k ponei «it aflknt denender à la rivière un
232 TUE-TOI LE PREMIERl
logement plus humide, peut-être, mais beaucoup moins
cher...
BALANDIER, éerirant.
€ Je transmets à mon propriétaire mon abonnement au
Journal des Abrutis. . . >
BUISSONNBT.
Ahl c'est toi, Balandier?... que fais-tu donc là?... est-ce
que ta récris notre septième acte?...
BÀLANDIBR.
Moi, travailler pour le théâtre?... — Ahl tu n'y penses
pasl... J'étais en train d'écrire mes dernières volontés...
BUISSONNBT.
Ahl... ça tient toujours?...
BALANDIBR.
Oui... c'est pour cette nuit... — Est-ce que tu aurais
changé d'idée?...
BUISSONNBT.
Moi?...
BALANDIBR.
Ça m'étonnerait de ta part, parce que tu étais bien dé-
cidé...
BUISSONNBT.
Je le suis toujours... (a part.) Tatal... à qui la faute?....
BALANDIBR.
Mais d'où sors-tu?...
BUISSONNBT.
De ma chambre... Je m'étais jeté un moment sur mon
lit...
BALANDIBR.
£t tu peux dormir?...
BUISSONNBT.
Que veux-tu?... il faut toujours que je fasse quelque
chose...
BALANDUSR.
Collaborateurs et amis, siffles en collaboration à la salle
TUE-TOI LE PREMIERI 233
Taitbout et même ailleurs, ne devons-nous pas mourir en
collaboration?...
BUISSONNET.
Et dire qu'une horrible cabale a détruit toutes nos espé-
rances?... ils nous ont siffles, les misérables!... — Â l'Am-
bigu, nos Cocottes du moyen âge ont vécu ce que vivent les
drames trop gaisl...
BALANDIER.
C'était bien la peine de venir nous loger dans une des
maisons où est né Molière...
BUISSONNET.
Il leur faut de la jeune littérature... de la littérature au
maillot...
BALANDIER.
As-tft remarqué à la galerie...
BUISSONNET.
Ce gros monsieur qui imitait le chant du coq?. ..
BALANDIER.
Et ce petit qui faisait le chien?...
BUISSONNET.
Lorsqu'on a nommé les auteurs, il s'est écrié : « qu'ils
n'en fassent plusl... » Et à la scène de la reconnaissance,
les as-tu entendus» les crétins, se disant d'un bout de la salle
à l'autre : « il l'embrassera! il ne l'embrassera pas!... »
BALANDIER.
Et nous pourrions survivre à notre honte?... Non!...
non!... il faut mourir I...
BUISSONNET.
Cette nuit sera donc notre dernier jonrt... «^ Et demain,
les journaux diront : « Deux auteurs de mérite, — quand on
est mort, on a toujours du mérite, •— deux auteurs de
mérite siffles à la salle Taitbout et môme ailleurs, ont mis
fin à une existence qui leur était à charge*. • Nous avons
immédiatement envoyé sur les lieux trois de nos reporters;
à demain les détails!!... »
234 TUI-TOI LE PRtVlBR!
BALÂNDIRR.
Qaant au mode d'exécution, rien de plus facile... Ta te
rappelles ce revolver à six coups que nous avons acheté
par crainte des voleurs?...
BUISSOIWET.
Précaution bien inutile...
AALANDlXa.
Cette arme sera fias que suffîsaate poor.^
BUISSONMBT.
Mais comment procéderons-nous?
C'est simple comme boi^our... — Je te tuerai^ et tu dm
tueras après...
BUISSOHNST.
C'est fort bien, mais... je fais nne réflexion... Si tu ma
lues, je ne pourrai pas le tuer...
C'est juste...
BOISSOKNBT.
U vaut bien mieux queje te tue, et que tame tues «près...
BALAMDnm.
Tu crois?,.. — Enta, nous arrangerens ^ ée Hnnière à
ce que chacun ait son compte...
BUiSSONNBT*
Qui... quand rbeure sera venue, nom réglerons l'ordre et
la marche... de la triste cérémonie...
BALAnuonu
Oui... oe n'est plus qu'une question de déliais^
BUISSONIOBT.
Mais, j'y pense!... il faudrait peut-ôCre souper avant de
faire le grand voyage?... — Cest si loin le Styx et la barque
à Caron.
BXLAimiSB.
C'est vrai, au fait... On ne peut pas mourir à jeun
I...
TUK-TOI LE PRBMIBKl
Ta doiKs nous dicrdier de quoi faire ee ilarniar festin...
BÀLANDIEB.
Et derargent?..*
BUISSONNIT.
Tu demauâeras crédit...
BALANDIEB.
liais si BOUS mourons cette nuit?...
BUISSONNST.
Raison de plus... ça regardera notre portière... — Fds
bien les choses, entends-tu?... ne regarde pas à la dépense.,
on ne meurt pas tous les jours...
BALAlfBIlR.
Sois tranquille...
r. sort.
SCÈNE III
BUISSONNËT, seul.
Si ce bon Balandier savait que mes projets de suicid»
coïncident avec la trahison de Tata, une petite actrice en
disponibilité qui me jurait ses grands dieux qu'elle n'aime-
rait et n'adorerait jamais, que moi, tandis qu'on l'a vue
entrer chez Brébant avec un monsieur qui, bien certaine*
ment, n'était pas moi... — Ayez donc confiance dans les
actrices qui ont toujours leur mère pendue à leur ceinture,
comme les couturières ont leurs ciseaux... Quand donc fera-
tron une bonne loi sur les mères... d'actrices?... — Voici sa
dernière lettre... •— (ll tire ane lettre de ta podie, et le St.) •—
« Anatole, il parait qu'on fonde de grandes espérances sur
» les Cocottes du moyen âge, cette pièce à émotions qui doit
» attirer tout Paris à l'Ambigu... —Vous avez tant d'esprit,
» mon ami, mais, malheureusement, votre collaborateur
» est si bèteU.. » — Je n'ai pas montré cette lettre à Balan-
dier... toute vérité n'est pas bonne à dire... Mais, entre
236 TUE-TOI LE PREMIER I
nous» il peut revendiquer une bonne part de Tinsuccës de
notre pièce... Imaginez-vous qu'il y a mis sept reconnais-
sances.,, c'est ce qui a fait dire à un loustic : « Ah çà! Tau
teur est donc un employé de la me des Blancs-Manteaux ? •
-^ (Reprenant la lettre.) MaiS il y a UU pOSt-SCViptUm.., (Lisent.)
« N*oubliez pas que vous m'avez promis un chapeau... je
» donnerai mon vieux à ma mère... • — Elle est bonne fille,
tout de même... elle pense à sa mère... c— Votre petite Tata
p3Ur la vie. » ^ (Proîasant U lettre aree eolère.) QuOl frOUtl qUOllO
audace! quel... — Mais j'entends Balandier qui revientl..*
cachons cette lettre 1 . . •
SCÈNE IV
BUISSONNET, BALANDIER.
BALANDIER, portant an panier.
Me voilà de retour!... je n'ai pas été longtemps...
BUISSONNET.
C'est vrai...
BALANDIER.
fespère que tu seras content... ^ Mais aide-moi à retirer
les comestibles du panier... aux derniers les bons, mon
pauvre amil... — Approche d'abord la table...
BUISSONNET.
Attends...
Il place la tablé an mOiea du thé&tre.
BALANDIER.
Prends la tourte...
BUISSONNET, sombre.
Oh!... des boulettes?,., encore?... — Ça me ramène à
l'Ambigu.. .
BALANDIER.
Prends le poulet... les mendiants... le fromage... le vin..»
le café... et lecognae...
TUE-TOI LE PREMIER I 237
EUISSOSNET.
Rien n'y manque... ce cher Balandierl...
BALÂNDIER.
Il doit y avoir encore un peu de feu, par là... pour le
café... Attends... — Mets le couvert...
Il entre à droite.
BUISSONNBT.
G*est qu'il est très-appétissant, son souper!... ça nom
donnera des forces pour... C'est égal... à la fleur de l'âge...
c'est dur...
6ALAMDIER9 rerenanl.
Est-ce prêt?... Tu n'as rien oublié?...
BUISSONMBT.
Je ne crois pas..«
BJOJkNDIBR.
En ce cas, mettons-nous à table!... (ik s'asseyent.) Buvons
un coup, d'abord!... — Puis, entamons la tourte...
BUISSONNBT.
Et dire que demain!...
BALANDIER.
Allons, tais-toi!... Nous parlerons de ça, après souper...
«— Laisse-moi te servir...
COUPLETS
I
L'homme boit en naissant,
Car pour Tivre il faut boire I
Il boit en se noyant,
Mais c'est moins méritoire..
BUISSONNBT, parlé.
Et tu chantes?...
BALANDIEB, d'an toa sinistre
C'est le chant du cygne, mon ami.
BUISSONNBT.
Obi alors •••
i. . .
238 TUB-TOI LB PRBHIER
ENSEMBLE
BUVOD»
Et chuLtonSy
Egayons par des flonfloni
Ltieure où nous vivons,
Et puis, nous verrons*
BUISSÛNNST.
II
Da sort, moi, }e me rift»
Et bois à double dose;
Car c'est lorsqu'on est grii
Que Ton voit tout en rose.
Ça, c'est le chant dn serin I...
nmSSONNBT.
Oh I il fait des mots... il est bieift temps.-
BALANDIBB.
Ne faut-il pas s'étourdir?...
BUISSONNBT.
Oh! alors...
ENSEMBLE
Buvons, et chantons^
Etc.
BUISSONNET.
Verse à boire I...
BALANMEB.
Quand tu auras bu, tu me prêteras un moment d'atten-
tion...
BUISSONNBT.
Je te prêterai tout ce que tu yondras, pourvu que ce ne
soit pas de l'argent...
BALANDIBB.
Y es-tu?...
Bni$»ONNBT.
Oui, parle...
TUI-TOI Lfi PREMIER 1 239
BALANIUKR.
Le moment est venu où noas ne devons plos ayotr de
secret Tan pour l'antre...
BU1SS0NI«T.
An fait, je t'en prie...
BALANDIBR.
Apprends donc, mon ami> qœ j'aime une femme, et que
î'ai été indignement trompé 1...
BUISSONNST.
Tu as un physique à Qa...
lÀLANDlKE.
C'est, plutôt que notre chute an théâtre, la trahison de
Nana qui me décide à en finir avec l'existence I... — Verse-^
moi à boire... —Imagine-toi que Nana •— car elle s'ap-
pelle Nana... — figure-toi que Nana a une mère qui ne la
quitte pas plus que son ombre...
BUISSONNBr, à part.
Tiensl... comme Tata !.••
BALANDIER.
Eh bien! l'autre soir, on Ta vue entrer chez Maire, sans...
la sienne.
fiUISSONNBT.
Eh bien! mon ami, confidence pour confidence... — Ap-
prends, à ton tour, que j'aime une jaune fille da nom de
Tata qui, comme ta Nana, m'a ttompé pour un confrère,
m'a-t-on dit, un imbécile... et c'est eedle déception qui,
mieux que la chute de noire pièce, me donnera le courage
de quitter un monde où tout n'est que perfidie el infamie!...
— Découpe le poulet.
BALANDIER.
Ce pauvre amil... — Mais, tiens, voici la lettre que Nana
m'a écrite, il y a quelques jours... (U tire we lettre de m poche, et
Ut.) « Anastase; tv «un» soin de «"envoyer «se loge pour
• la première de ta pièce. Jto voudrais te voir des pièces
» jpanoQl excepté à iMi pantaloii... Tn as tani d'esprit!...
» pourquoi faut-il que ton collaborateur... » ii »*an4t».
M TUE-TOI LE PREMIER!
BCISSONNSTy TireiBeiiU
Achève I...
BALANDIEB.
Non... je ne peux pas...
BUISSONNBT.
Entre amis...
BALANDIBR.
Ta le veux?... (Beprenaot la lettre et ttsant.) « POttTqUOi faut-il
é que ton collaborateur soit si bête?... »
BUISSONNET9 à part.
C'est singulier!... la même idéel...
BALANDIEB9 ooDtinnant de lire.
< Post-Scriptum. — N'oublie pas le chapeau que ta m'as
• promis, d
BUISSONNBT, à part.
Quelle rage ont-elles toutes de se faire payer des cha-
peaux?...
BALANDIBR.
Àh! mon pauvre amij... qu'est-ce que la vie?...
BUISSONNBT.
J'allais te le demander...
BALANDIEB.
L*amour n'y est qu'on leurre!...
BUISSONNBT.
Une mystification!...
BALANDIEB.
Ahl parle-moi de l'amitié!...
BUISSONNBT.
Oh! l'amitié!...
lia te ierrent lea maliif.
BALANDIEB.
Ne sommes-nous pas les Siamois du malheur?...
BUISSONNBT.
C'est vrai!... Siamois trompés et siffles à la salle Taitbout
et même ailleurs.
TUB-TOI LE PREMIER r 241
BÂLANDISR.
Ta vois donc bien qoe si j'invoque Tamitié, ce n'est pas
en vain!..* — A propos» comment le trouves-tu?...
BUISSONNBT.
Excellent I...
BÀLAGDDBB.
Voyons, Baissonnet, mon ami... à présent qus nous avons
soupe, réglons la chose...
BUISSONNBT.
Nous avons bien le temps.
Coup trët-fort frappé à U porte do fond. — Balaadier et BaistODoet
notent vu lenrt etteliea.
BALANDIBR, saiil.
Hein?...
BUISSONNBT, de mène.
Qu'est-ce quUl y a?...
BÀLÂNDIER, se remettant.
C'est cet animal de portier... tu sais bien que c'est sa ma*
nière de frapper.
BUISSONNBT.
En effet... ne dirait-on pas une explosion?...
BALANOIBR.
On a beau lui dire...
BUISSONNBT.
Mais il a glissé une lettre sous la porte I...
BALANDIBR.
Voyons donc?... si c'était quelque chose de bon?...
BUISSONNBT.
Ça changerait notre manière d'envisager l'existence...
BALANDIBR, qni a pris la lettre, s'éeriant.
Le timbre du Grand Théâtre Parisien!...
BUISSONNBT, riTement.
OÙ nous avons présenté une féerie en soixante-sept ta-
bleaux?... Lis vite!...
BALANDIBR.
C'est du régisseurl... (Lisant.) • Messieurs, j'ai l'honneur de
n vous annoncer que votre pièce est reçue... »
II. 14
t4S TUI-TOI LB PRBIIIIRI
BUISSOHHRi «rtejoie»
Notre piète esl ragiMl...
Nons sommes sauvés 1...
BUISSQNNBT.
Mais, continue...
BALAIIDISA9 ftÊÊÊU
€ Seulement, il faudra que ce soient les auteurs qui paient
» les décors^ les costumes, les artistes, le souffleur et les
X) pompiers... »
BtJISSOlfmET.
PatatrasI...
BALANDIBR, oiatiHUit.
« SMls veulent payer aussi le loyer de la salle, Tadsiiiiis-
• tration ne s'y opposera pas... t
BUISSONNET.
Dérision!... (n> ■« remetteat à table.) Passe-mol le fromage...
BALANDIER, la boaohe plaine.
Ohl Nanal c'est pour toi que Je meurs 1...
BUISSONNBTy de «bIm.
Tu auras ma mort à te reprocher, Tatal...
BÂLANDISR.
Si nous nous en rapportions au sortT*.*
BUISSONNBT.
Pourquoi?...
BALANDIBR.
Pour décider lequel de nous deax...
BUISSONNBT.
Oui... mais nous avons le temps, ie n'ai pas encore pris
mon café...
BALANDXSa.
Tiens! je Toubliais, moi, noire café...
BUISSONNET.
Va le chercher... (Salandicr rm ekafeher le eafé. — Baissoonet leiil.)
C'est effrayant comme le temps va vite... brrrl... ^ me
donne froid dans le dosl...
TUS-TOI LE PREMIER I Î4$
BALANDIBRy MMuak vrae le eaft.
IlestbieBcbaudf...
BUISSONMBT.
Tant mieuxl... ça me réchauffera... Yarse*...
BALANDIER.
Bttissonnetl... je crois que notre heure est sonnée!...
BUISSONNST.
C'est le coucou du cinquièfiie que tu as entendu... il avance
d'une grande demi-heure...
BALAin)IER.
Buissonnet!... la France a les yeux sur nousl...
BUISSONNET.
La France dort à cette heure-ci...
BALANDIER, qui « ait de* gi« sous dam m main.
Nlmportel. .. une fois la chose réglée, je serai plus tran»
quille...
BUISSeNlUT.
Mazettel... tu as des gros sous, toi?... et tu veux mourir?-
BALANNKR.
Pair ou non?...
BinSSONNET.
Quand je te dis que nous avons le temps...
BALANDIBR.
Si tu me dis pair, et que ce soit impair, ce sera moi qui
te...
BQISSOIINET.
Oui, mais après tu te...
BALANMER.
Ça va sans dire... tandis que sî c'est impair.<
BUISSONNET, arec impatieBoe.
Ehl tu m'impatientes à la uni... Pairl...
BALANDIER, comptant les sons don» m
C'est pairl...
t.»
244 TUE-TOI LE PREMIER!
BUISSONNET.
Mon pauvre amit... c'est donc moi qui te...
BALANDIER.
Oui... mais nous avons le temps.
BUISSONNET, prenant le rerolrer eccroelié aa raui.
Voici Parme qui...
BALANDIBB.
Prends garde... il est chargé...
BUISSONNET.
Bois vite ton café...
BALANDIER.
£st-il pressé, donc?...
BUISSONNET.
Une fois que je t'aurai... Eh bien! je n'y penserai plus
•vois-tu!...
BALANDIER.
Voyons, Buissonnet, es-tu bien décidé à ça, toi?...
BUISSONNET.
Dame, après la trahison de Tata...
BALANDIER.
Le fait est qu'après l'infamie de Nana...
BUISSONNET.
Tu en conviens donc?... (Armut le rerolrer.) AUOUS, OS-tQ
|)rét?...
BALANDIER.
Un moment donc!... je n'ai pas pris mon pousse^^fé...
, ^ BmSSONNET.
Dépêche-toi!...
BALANDIER.
OÙ as-tu acheté ce cognac?...
BUISSONNET.
€hez le marchand de vin...
BALANDIER.
Il n'est pas mauvais...
BUISSONNET.
Y es-tu, à la fin?...
BALANDKR.
Est-il rasant?... (Am réMiation.) Eh bien! tire donc, malheu-
TUE-TÛI LE PREMIER 1 245
ronxl... (RaiaraDt le reroirer.) Mais, j'y poiisel... farceurl... quï
est-ce qui me garantis qu'après moi...
BUISSOMNBT.
Mon honneur I...
BALANDIBR.
Ah! mais, c'est que je f aime trop pour te laisser dans un
monde perfide!... Je veux que tu viennes avec moi!...
BUISSONNBT.
Sois donc tranquille...
BALANDIEB.
Allons, vas-y I... (Relerant eDcore le rtfolfw.) AttOUdS qUO je
prenne une pose digne pour mourir...
BUISSONNBT.
Oh! pas comme ça... tu as Tair d'un coiffeur qui fait faire
sa photographie...
BALANDIBR.
Laisse donc... Je suis prêt!... (Relerant eneor« le reToWer.) Ah !...
Utends que je me retourne... je ne veux pas te voir com-
mettre un crime!...
BUISSONNBT.
Ne bougeons plus!...
Un ooap trft« Jbrt eik frappé à k porte da fond.
BALANDIBR, croyant qae le eonp eit parti, et tombant.
Ahl... tu m'as tué!...
BUISSONNBT.
Mais non!... c'est le portier qui a frappé...
BALANDIBR, relerant la tAte.
En es-tu bien sûr?. . .
BUISSONNET.
Pardiél... et la preuve, c'est qu'il a encore glissé un pa-
pier sous la porte!... encore une lettrel...
BALANDIBR, se relerant.
Une lettre!... lis vite!...
BUISSONNBT, lisant.
« Bonne nouvelle!... Je viens de faire recevoir votre pièce
• au Théâtre du Chdteau-d'Eaul...
BALANDIBR.
Mais cette lettre est de Nanal...
246 TQI«TOI LK PR8H1ER]
BUIS8QN19IBT.
Da tout, elle est de Tata!... (umbi.) c Madame Alphonse
• sera jouée dans les premiers jours de mai... »
BAXAJNDIER.
bonheur 1...
BUissoraiBT.
Mais voyons donc la signature de cette bienbenrense dé-
pêche?... (Lisant.) « Nana-TSataf... >
BALANDUER, •'Mant.
Tatal...
BUISSORNBT.
Nana et Tata ne sont dose qn'ane Maie et môme per^
sonne?...
BALAIfDlIRy •• jatant dus Im Im» im Botomntt.
Ahl mon ami! nous étions destinés à collaborer «usemble
et... en toutl...
BmSSOKIfBT.
PIbs de suicide l...
BALANDIER.
Ohl la vie est trop belle! et pour la quitter nous atten-
drons d'être siffles encore une fois.
BUISSONNET, «a paUie.
Gomme tu y vas, nous attendrons d'être siffles encore plu-
sieurs fois.
BALANDIER.
Tu as raison, (ab pnbba.) Ainsi, mesdames et messieurs,
vous voilà prévenus, vous pouvez siffler, nous ne mourrons
pa»«.. nous ne voulons pas mourir.
FIN
Non. — Les interprètes qil ae ee fhal pas sirs de findolgeace du publie
pourMMUt ejovlee i
BALlinUIR.
Mais k vous dire franchement.
nmMOimT.
Nous aimerions mieux vous entendfe appUadir.
TABLE
Page»
ANCIEN PIERROT VH. THÉODORX DB BANVILLE. 1
LA TEILLE DU KARIA6B JULES DB MARTHOLD. ... 7
TIZIANBLLO ARMAND SILTESTRE . . . . 19
UNE MAUVAISE ÉTOILE JULES GUILLEMOT 35
UN DOUBLE ATBU GUSTAVE NADAUD 51
LE VOYAGE A TROIS-ÉTOILES CHARLBS GROS 65
LE ROMAN d'une PUPILLE PAUL FERRIER] 73
LE BILBOQUET CHARLES GROS 95
BILLET DE FAIRE PART JACQUES NORMAND 103
LA LETTRE DU FUSILIER BRIDBT.... EMILE DURANDEAU 109
HIPPOLTTE OU LES QUATRE FIANCEES. htOV SUPERSAC 115
LA PERLE THÉODORE DE BANVILLE. 131
LA BONNE CHARLES CR03 155
SOUS BOIS CHAuvnr 163
OUFlI GEORGE-RICHARD 199
TUE-TOI LX PREMIERl AU6. J0UHAUD«.9..«c« 929
FIN DB LA TÂBLl
P. Aonaib — ImprimerU de Lagifb
a.
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